DORDOGNE 24- Conversion d’une école « classique » vers une nouvelle pédagogie


#1

Bonjour,
Je me présente, je m’appelle Elsa, je suis maman d’une petite fille d’un an et j’ai découvert la démarche de Celine Alvarez grâce à un échange avec une enseignante utilisant la méthode. J’avais entendu parlé de l’expérience de Gennevilliers mais ne m’étais pas renseignée à ce moment là.
Ma démarche à l’heure actuelle est une démarche personnelle mais également d’utilité publique… J’habite en Dordogne en milieu rural et nos petites classes sont menacées tous les ans par le rectorat de fermeture. La rentrée prochaine est déjà fortement compromise.
En tant que maman, je pense au futur de ma fille et je n’ai pas envie de la scolariser dans un village voisin où auront été regroupées toutes les communes environnantes. Le multi-niveaux me paraît essentiel au développement des enfants.
Je souhaiterais donc proposer à la municipalité de mon village un projet de conversion de l’enseignement (à condition que les enseignants eux mêmes soient ouverts à la proposition évidemment…) qui à mon sens, pourrait inciter les parents qui scolarisent leurs enfants ailleurs à revenir au village et ainsi promouvoir notre école et sa viabilité.

Je fais donc appel à vous, enseignants utilisant la méthode, parents d’enfants scolarisés dans une école utilisant la méthode Alvarez et toute autre personne pouvant me communiquer des informations utiles.
Le matériel étant différent, je suppose qu’il y a un coût important en début de conversion? Ce coût a t’il été pour vous supporter par les communes ou a t’il été demandé une participation financière aux parents?
Je suis preneuse d’absolument tout type de renseignements, que ce soit administratif, technique, relationnels, expérimentaux… N’hésitez pas à me répondre.

Je vous remercie tous pour l’attention que vous porterez à mon post.

Belle journée à vous tous.

Elsa


#2

Je pense que ça peut marcher si tous les partenaires sont partant (enseignants, mairie, éducation nationale).
Certains l’ont fait, plutot en montessori: https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/08/26/j-ai-sauve-l-ecole-de-mon-village-grace-a-la-methode-montessori_4988536_4497916.html

Sinon, pour parler de mon expérience personnelle, dans notre secteur (rural), toutes les écoles ont une baisse d’effectif avec parfois fermeture de classe à la clé, sauf la notre… Je pense que ça entre en ligne de compte pour l’installation de familles dans le village, cela permet aussi une bonne mixité sociale (ce sont souvent les familles aisées qui peuvent se permettre de choisir leur lieu d’habitation et/ou de scolarisation de leurs enfants).
Nous avons aussi 20% d’enfants qui sont extérieurs au village…mais la plupart sont chez nous pour toutes sortes d’autres raisons!


#3

Merci pour votre retour @nathalie,
J’ai lu avec attention l’article joint. Les élus de ma commune ont déjà réfléchi à créer une école Montessori mais comme le dit très bien Madame le maire de Blanquefort, sauver l’école en attirant de nouveaux élèves est une chose; mais ne plus la rendre accessible aux élèves déjà scolarisés à cause d’une participation financière à laquelle les parents ne pourront faire face en est une autre. Et, la commune ne peut supporter les investissements que cela implique seule…
Qu’en est-il dans votre village? C’est une Montessori pure et privée? Ou appliquez-vous les principes d’autonomie et bienveillance en système public?

Le principe de financement participatif est une idée en effet qui peut permettre quelques investissements en matière de matériel spécifique.
Comment avez vous commencé dans votre école? C’est une volonté personnelle de changer de fil conducteur de l’enseignement? La mairie vous a suivi tout de suite?

Y a t’il du matériel et des outils pédagogiques indispensables dès l’ouverture de la classe?

Bien cordialement.


#4

En ce qui concerne l’école dans laquelle j’enseigne, il s’agit d’une évolution personnelle après que j’ai eu connaissance des travaux de Celine Alvarez. C’est une école publique, en milieu rural qui accueille un public varié. Nous ne demandons quasiment rien aux parents en terme de fournitures scolaires (c’est un choix de l’équipe rendu possible par un budget accordé par la mairie très correct: 60€ par enfant à peu près). A titre d’exemple, en maternelle : une paire de chaussons, une paire de bottes en caoutchouc, à renouveler si besoin dans l’année, 2 boites de mouchoirs, un gobelet incassable, un petit coussin et pour les petits, en plus une couverture. Tout cela est bien sur redonné aux parents en fin d’année.
En cycle 3: un agenda, une trousse (stylos et crayons de bois fournis par l’école mais réassort éventuel dans l’année par les familles), des crayons de couleurs, des ciseaux, règle, équerre, compas, taille crayons, colle.
Par ailleurs toutes les sorties sont entièrement financées par la coopérative scolaire.

Il n’y a pas de pédagogie “officielle” dans l’école mais l’ensemble des collègue évolue vers un maximum de bienveillance. En ce qui concerne les ateliers autonomes, c’est en fonction des collègue. Pour ma part (PS et MS) c’est 100% ateliers autonomes, pour mes collègues de GS/CP et CE1/CE2, il y a quelques ateliers autonomes, pour les cycles 3, c’est un fonctionnement traditionnel.

Concernant le matériel nécessaire, l’essentiel est une bonne dose de patience et de bienveillance!!
Pour le reste, la matériel déjà présent dans la classe est généralement adaptable en ateliers autonomes.
J’aurais quand même du mal à me passer du matériel suivant:
-boite des petits objets (indispensable en phonologie, mais 100% recup)
-lettres rugueuses (fabrication maison, coût inf à 10€)
-assortiment personnel de perles du système système décimal (coût total d’environ 200€)
-blocs de cylindres (110 €)
-Cylindres de couleurs ( 50 €)
-cube du trinome et du binome (50€)
-formes à dessin (65 €)
-arche romane (40€)
il faut ensuite de petites choses pour la vie pratique, mon conjoint m’a bricolé plusieurs éléments, j’ai acheté un peu (tapis, pichets etc…). Je pense qu’on peut s’en sortir à moins de 1000€ facilement avec du matériel de qualité et un peu d’investissement en temps personnel…
Personnellement, je me suis équipée progressivement sur le budget pédagogique de la mairie destiné à ma classe.

Ce matériel est pour ma classe seulement car la configuration des lieux ne permet pas de travailler en openspace avec ma collègue de GS/CP qui est dans un autre bâtiment. Par contre, dans de nombreuses écoles avec des classes voisines, on peut mutualiser le matériel.


#5

Je vous remercie vivement pour tous les détails que vous me donnez, c’est adorable.
Je continue de lire et m’informer sur les travaux de Céline, recueillir des témoignages et j’irai de nouveau avec tout ça rencontrer le maire de ma commune.
En tous cas c’est très motivant et je souhaite qu’un jour ma fille ait à faire à des enseignants aussi bienveillants et à l’écoute des « lois naturelles de l’enfant ».


#6

@Elsa24, Je ne suis pas sûre que le maire soit le premier qu’il faille contacter. Les enseignants sont libres de leurs choix pédagogiques. Le maire n’est pas censé les influencer à ce niveau là, et certains pourraient même très mal le prendre.
Peut-être la première des choses à faire serait de voir avec les enseignants si c’est un projet qui les motivent. Il faut bien être conscient que se lancer dans un tel changement, alors qu’on n’a ni la théorie (formation) ni la pratique (stages par exemple) est un immense challenge pour un enseignant. Cela remet en cause, au delà de ses habitudes, tout un système de pensée. C’est une masse considérable de travail que l’on ne peut imposer à personne. Il ne suffit pas de lire le livre de Céline un soir pour démarrer d’un autre pied le lendemain. Pour ma part cela fait bientôt quatre ans que je travaille dur à changer de démarche… et je ne suis pas encore au bout. Honnêtement, si j’avais eu par exemple des enfants en bas âge, je ne sais pas si j’aurais fait ce choix de tout révolutionner dans ma classe.

Il faut aussi être conscient que même si l’équipe actuelle était prête à se lancer, et l’aide matérielle de la mairie serait alors la bienvenue, rien ne dit qu’à l’occasion d’un déménagement ou d’un départ en retraite, l’équipe suivante serait prête à continuer.
Je ne veux surtout pas vous décourager, mais plutôt vous avertir que tout ne sera pas forcément simple ni même possible. En tout cas je vous souhaite bonne chance :cherry_blossom:


#7

@Leila
Bonjour Leila,
Merci pour votre retour, en effet, je suis bien consciente de tout cela. Évidemment que ce sont les enseignants les premiers concernés. En fait j’ai déjà eu une conversation avec un élu et ils avaient déjà pensé à créer une école Montessori mais trop coûteuse à leur sens pour que la mairie puisse subvenir à l’ensemble des dépenses sans demander une participation aux parents. Je voulais donc revoir avec lui si à ce moment là de leur projet ils avaient consulté l’équipe enseignante.
Ensuite, je serais ravie de pouvoir partager mon ressenti avec eux mais en tant que parent ne présentant pour l’heure aucun enfant scolarisé, comment motiver ma demande et faire en sorte de n’apporter aucune négativité à la méthode qu’ils appliquent à l’heure actuelle? En aucun cas je ne veux froisser… simplement faire une proposition qui peut être le tournant d’une carrière et l’avenir d’un village…
Chaque commentaire est important, la critique est constructive et les précisions un coup de pouce. :blush:


#8

Tout dépend du dialogue entre la municipalité et les enseignants…
et aussi de la motivation des enseignants à garder une école de village.
Ensuite, il faut toujours garder à l’esprit qu’une décision de changement de pédagogie doit être avant tout un choix de l’enseignant. Comme l’a fait remarqué Leila, la “liberté pédagogique”, c’est très très précieux pour nous enseignants…
Je pense que si les rapports son bons, si l’équipe souhaite garder l’école complète dans le village, il faut peut-être se mettre concrètement autour d’une table avec comme problématique: “Comment garder notre école, autrement dit, comment la rendre attractive?”.
En terme de “psychologie de cet étrange humain qu’est l’enseignant”, il me semble que si du coté de la mairie, il sent qu’il y des moyens financiers ou humains qui pourraient être débloqués… un changement de posture serait probablement plus facile :wink:


#9

Bonjour,

Merci pour cette conversation, c’est exactement ce dont j’avais besoin ce soir ! Comme un rappel.
Je suis enseignante dans une grande *école “caserne” qui regroupe “toutes les communes environnantes” comme dépeint Elsa, en secteur rural donc également.
J’ai la démarche miroir, c’est-à-dire du point de vue de l’enseignant.e. Nous nous interrogeons avec quelques collègues pour rejoindre ensemble une petite école publique (accessible à tous), et y faire vivre un fonctionnement pédagogique alternatif, coopératif, plaçant au cœur le vivant (et c’est dingue de devoir préciser cette intention pour une école !).

Pour votre projet Elsa, c’est une bonne perspective si les élus de la commune ont déjà évoqué l’idée, il faudrait porter la demande en collectif, au niveau de la commune.
Connaissez-vous les enseignants ? L’inspectrice.teur peut-il être un soutien ? Son rôle est déterminant.

Je viens, enfant et élève, de cette école ouverte (La Croix Jeannette, à Bouguenais). Il y a un lien fort parents-équipe pédagogique :


(Ami.e.s de la Croix-Jeannette, si vous me lisez à cet instant précis, contactez-moi en mp avec grand plaisir :hugs: !)

Pour le matériel en classe, pour l’instant, ma technique est de faire la petite main auprès de proches, artisans (ex. ébéniste). Nous réalisons une série, j’emmène quelques pièces pour mes petits élèves et eux gardent le reste. A voir auprès d’habitants de la commune ? de parents d’élèves ?
Evidemment, si la mairie apporte son soutien matériel pour l’évolution de l’école, c’est l’idéal !

En tout cas, bonnes recherches et actions pour la réalisation de ce projet !
A bientôt !


*Ecole caserne selon Oury : “mise en œuvre des dressages indispensables pour conditionner l’élève aux apprentissages conçus comme acquisition d’automatismes.”… ça vous dit quelque chose non ?! :face_with_raised_eyebrow: … mais ceci est un autre débat !


#10

Merci pour ce nouveau retour!
Vos messages m’encouragent… je ne connais pas encore l’équipe enseignante et encore moins l’inspecteur/trice… mais s’il y a bien quelque chose que je me dis aujourd’hui c’est que ce n’est pas en restant dans mon coin à attendre que la situation risque changer.
Et le simple fait de discuter avec des personnes ouvertes au dialogue, même si nous ne nous connaissons pas, attise cette curiosité et cette envie de communication.

Je pense également que la communication devra s’étendre aux équipes pédagogiques et mairies des communes environnantes puisque nous sommes en regroupement scolaire. Ce dernier en plus va peut-être être modifié parce que les communes avec qui nous fonctionnons (et cela fonctionne très bien) ne font pas parties de la même communauté de communes! Tout est administratif dans ce pays… des embûches à tous les coins de rue, triste avenir pour le monde rural. Pourtant il me semble que nous pouvons offrir à nos enfants un cadre de vie exceptionnel, loin de la cadence minutée de la vie urbaine. Mais ça, c’est un autre débat!


#11

En tous cas @nathalie et @Leila vos retours sur le côté matériel me rassurent énormément. Le fait que le budget ne soit pas astronomique permettra à coup sûr à la commune de donner son soutien. Et, d’autre part, j’adore l’idée du fait main et surtout de demander une participation aux parents d’élèves et membres de la commune. C’est une démarche fédératrice! :wink: