En colère


#1

Bonjour
J’ai commencé à enseigner dans une classe de CE2 CM1. Pendant 5 ans. Chaque année j’avais des élèves mauvais lecteurs qui suaient à grosses gouttes devant un texte. Bien sûr ils n’aimaient pas lire. En maths, même constat : de nombreux élèves détestaient cette matière et étaient persuadés “ne pas être faits pour les maths”. Pour la plupart, ces élèves étaient en difficulté depuis le CP et avaient été suivis par le RASED dès l’âge de 6 ans… Ils quittaient la classe pour aller travailler avec le maître spécialisé ou pour se rendre à un Rdv chez l’orthophoniste.
J’ai toujours eu la conviction que tous les élèves peuvent apprendre à lire, écrire et compter et que cela est facile. Et que s’il existe des élèves en difficulté, c’est parce qu’ils n’ont pas reçu les bases au CP. Mais, CHUT ! Il ne faut pas le dire.
Le dire, c’est s’exposer à des réactions hostiles car une croyance est ancrée dans la tête de beaucoup d’enseignants : il existe des élèves en difficulté dès la maternelle ou le CP pour lesquels l’école ne peut rien. Seulement les reléguer à des activités plus simples donc vidées de leur sens. On leur reprochera ensuite leur manque de motivation ou le fait qu’ils ne “mettent pas de sens” sur ce qu’ils font !
C’est L’ECOLE QUI FABRIQUE DES ÉLÈVES EN DIFFICULTÉ ! Et qui fabrique des discours qui entretiennent cette situation. Les étiquettes "élèves en difficulté " sont collées au front des enfants dès la maternelle. S’ils n’arrivent pas à lire au CP, c’est de leur faute : “trop immatures, pas assez autonomes, n’ont pas envie d’apprendre”… C’est confortable de le penser. Pas besoin de remettre ses choix pédagogiques en question. Les orthophonistes et les enseignants spécialisés se chargeront “d’aider” ces élèves.
Je suis en colère contre l’Éducation Nationale. Contre certains enseignants qui n’ont pas ou plus la conviction que tous les enfants peuvent apprendre.


#2

La plupart de nos collègues font ce qu’ils peuvent avec motivation pour s’en sortir avec leur classe. Le plus souvent avec bienveillance et ils essayent de faire au mieux.
Mais il faut en vouloir au système de ne pas bien nous former, de ne pas nous montrer comment apprend un enfant, de ne pas nous laisser des classes avec du matériel adapté et pertinent, et de continuer de faire avancer les élèves dans des classes d’âge unique où chacun doit avancer à la même vitesse…
Le plupart du temps on fait ce qu’on nous a appris à faire en classe, ce que l’on connait. Mais oui les difficultés des élèves proviennent bien souvent de l entrée à l’école, ajouté à ça dès apprentissages dénué de sens sans manipulation beaucoup sont laissés sur le côté.


#3

Et si tout simplement on s’interroger sur nos pratiques pour donner du sens à nos méthodes: De quoi cet enfant à besoin, avant de lui inculquer coûte que coûte le programme ? Et puis il existe de multiples façons d’enseigner alors OUI il existe une minorité d’enfants pour lesquels l’école ne peut rien: ceux dont les problèmes relèvent du médical avant d’envisager une scolarisation dans un milieu ordinaire. C’est difficile à entendre pour certains parents. Mais la grande majorité des enfants en difficultés le sont parce que nous ne sommes pas capables de nous remettre en question, parce que nous n’avons pas confiance en nous, parce que nous reproduisons des schémas d’enseignement sans les calibrer pour les adapter à nos élèves. Notre travail est de pousser nos élèves à faire du mieux qu’ils peuvent non à faire des premiers de la classe. Donner du sens aux apprentissages et vous verrez comme vos élèves seront épanouis et vous par la même occasion car rien n’est plus stimulant pour un enseignant que de voir ses élèves réussir, avoir confiance en eux et être responsable de ce succès. Courage, vous avez toutes et tous les compétences pour réussir, écoutez vous plus, écoutez les plus et OSEZ !


#4

La formation des enseignants est évidemment à mettre en cause dans les difficultés rencontrées par nos élèves. Mais tout de même, moi qui suis enseignante en CP, je peux témoigner que pour quelques enfants, apprendre à lire n’est pas facile. Cela peut même être très long pour différentes raisons. Je pense que nous devons apprendre à connaître au mieux nos élèves, pour comprendre ce qui bloque, et les aider à se débloquer. C’est plus facile avec des effectifs de classe pas trop importants, et lorsque nous ne sommes pas accaparés par certains élèves très difficiles.
Et évidemment, avec une réelle formation. L’an dernier, j’ai pu bénéficier d’une formation en maths qui étaient vraiment très bien (la première formation utile depuis que je suis entrée dans ce métier), et cette année, je constate que mes élèves n’ont jamais eu un si bon niveau à ce stade de l’année. Et en bonus, ils aiment les maths! La majorité des enseignants sont capables de faire évoluer leurs pratiques, encore faut-il savoir les accompagner…


#5

Bonjour
Je fais le même constat dans la classe de CE2 CM1 cette année. ET j’ai enseigné en classe de CP et/ou CE1 ces dernières années donc l’apprentissage de la lecture et de la notion de nombres sont des axes pour lesquels je ne manque pas de ressources. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites. Le problème étant qu’en laissant de grandes plages de travail autonome j’ai vu un groupe d’enfants inhibés et en difficulté s’épanouirent d’une part (et c’est bien un indicateur que ce changement d’approche est vraiment souhaitable pour eux). Sauf que d’autre part, un deuxième groupe d’élèves a complètement lâché le travail pour se consacrer aux plantations, construction en lego, errance et discussions passionnantes sur les derniers mangas qu’ils ont regardé. J’ai tenté les plans de travail mais ces mêmes élèves y sont complètement fermés. Ils me demandent à travailler en collectif assis à un bureau. Et lorsque je les écoute et propose un enseignement plus traditionnel à leur demande, ce groupe se remet à apprendre mais je perds l’attention et la motivation du premier groupe. Un troisième groupe d’une flexibilité incroyable travaille aussi efficacement selon les 2 modalités mais préfère bien entendu avoir une plus grande liberté.
L’année avance, je n’arrive pas à trouver le temps de travailler la lecture et la construction du nombre avec mon tiers d’élèves en difficulté et je ne parle pas des nombres décimaux pour les CM1 qui n’ont absolument pas été abordés. Les CM1 s’approprient de mieux en mieux les fractions mais j’ai l’impression de me noyer sous l’ampleur des connaissances à aborder avec certains. En grammaire, ils ont du mal à trouver du sens à la conjugaison (nous n’avons vraiment travaillé que le présent). Je ne sais pas du tout comment les faire écrire et progresser. Pour le reste, en jonglant entre les différentes modalités de travail la plupart des élèves a progressé mais là je ne sais plus comment organisé mon enseignement vu l’extrême hétérogénéité (que ce soit en terme de savoirs, d’autonomie et de besoins).
C’est évident qu’en étant plus à leur écoute, ils progressent. Le problème c’est que les besoins sont tellement différents d’un enfant à un autre que leur proposer des dispositifs adaptés à chacun devient vraiment lourd à gérer et épuisant. Comment faites vous en élémentaire ? J’ai beau tourné cela dans tous les sens, seule je commence à être perdue.


#6

Bonjour,
Je comprends votre ressenti, mais la problématique est je pense bien plus étendue. Nous n’avons pas d’outils suffisamment adaptés pour détecter les problématiques / spécificités de certains enfants en maternelle et c’est pourtant sur ces années là qu’il est le plus aisé de mettre en place les outils qui sauront aider l’enfant.
Par exemple, les bilans orthophonique pour les moins de 6 ans ne sont pas très concluants, il est même difficile de trouver un orthophoniste “spécialisé” pour les moins de 6 ans. La plus part des “dys” ne sont décelés qu’en cours de primaire, et parfois les problèmes ophtalmologiques ne sont également détectés qu’en CP voir CE1… Le corps médical joue également un rôle dans tout ça.
Notre médecin m’a dit il y a quelques semaines (au sujet de ma fille de 5 ans qui montre clairement des difficultés dans certains apprentissages) que les enfants ne sont pas prêts à lire les sons complexes et finaliser l’apprentissage de la lecture avant 7 ans, qu’on leur en demande de trop en maternelle…
Alors, oui, les enseignants sont mal / sous formés sur ces points là, mais ils ne peuvent pas jouer tous les rôles.
Mais j’en oublierai presque le rôle du(des) parent(s), fondamental, qui doit comme un “agent” faire le lien de tout ce monde là autour de son enfant. Qui forme l’homme et la femme à devenir parent ? Qui l’accompagne dans les découvertes de cet enfant qui se développe ?
Allez, courage. Votre témoignage et toutes les réponses montrent que nous avons plein d’enseignants motivés, curieux, désireux d’apprendre et de bien faire, et prêts à se remettre en question. L’évolution d’une société est lente, mais elle se fait grâce à des personnes comme vous.


#7

bonjour
je. vais aller. plus loin. que. toi.
Les fondations de. la lecture. pourraient et devraient être posées depuis la PS .
Cette année je me suis lancée dans l’aventure. avec 12 MS et 18 GS. Comme proposé dans la démarche de Céline Alvarez. je ne me suis attachée qu’au son de la lettre. J’ai évité au maximum de prononcer. leur nom .Résultat fin mars sur 18 GS 17 lisent facilement des syllabes. 8 lisent facilement. des mots. et 2 savent. lire. Et je soupçonne certains MS. d’avoir. compris le système des syllabes (pas eu. le temps. de tester. avant cet nième confinement…)
J’ai remarqué que les enfants. qui rencontrent des difficultés. sont ceux qui ne réussissent pas à se détacher. du nom de la lettre. et donc la fusion de 2 sons au minimum pour faire la syllabe devient compliquée.
Or si on regarde. bien ce qui se passe. lorsque l’on apprend à l’enfant à reconnaître son prénom donc à lire . on lui nomme. quoi. : LE NOM DE CHAQUE LETTRE BIEN SUR !!!
donc. à nous de convaincre. nos collègues.
Dans tous les cas. je ne regrette en rien cette nouvelle. façon de fonctionner. même si. toute. seule c’est un peu compliqué. et moins motivant que de travailler. à plusieurs au sein de la même école. Heureusement j’ai une méga top ATSEM on échange beaucoup sur nos observations ce qui me permet. d’avoir. 2 yeux supplémentaires pour. ajuster. ma pratique. .
C’est pour cela que je serai ravie. de rencontrer. des collègues. qui ont mis en place cette démarche dans leur classe. J enseigne.dans le 42160