J’ai privé mon enfant des lois naturelles de l’enfant


#1

Voilà, tout est dans le titre. C’est ce que je ressens en ce moment, et je crois que j’ai besoin d’en parler.
J’ai découvert le travail de Céline Alvarez pendant l’expérience de Gennevilliers, en tombant sur le site de la maternelle des enfants. Je me renseignais sur les pédagogies alternatives car nous n’étions pas vraiment satisfaits de l’école maternelle de notre enfant (évaluations, beaucoup de travail sur fiches, un enfant qui cherche tout le temps notre approbation dès la MS, GS qui ressemble à un CP : il faut rester assis et écrire, commentaires dévalorisants). Quand j’ai découvert la démarche de Céline j’ai été enthousiasmée et convaincue.

Alors, quand il a fallu inscrire la petite sœur à l’école je me suis posé plein de questions. Je me suis interrogée sur une école Montessori, mais c’était très cher, pas facile d’avoir une place et j’avais compris que Céline se démarquait de la pédagogie des écoles Montessori. Nous avions donc le choix entre l’école maternelle à gros effectifs qui nous avait déçus ou une petite structure (publique aussi) où on nous avait dit qu’on mettait l’accent sur la manipulation et l’autonomie. Lors de la visite de la grosse école je n’ai pas constaté de changements et quand j’ai demandé ce qui avait changé avec les nouveaux programmes on m’a répondu que ça n’était pas très différent et que c’était surtout plus clair pour les enseignants.

Nous avons donc choisi la petite école. Il y a en effet de la manipulation et un encouragement à l’autonomie, des activités type Montessori, une pédagogie individualisée. Mais il y a aussi des activités sur fiches (même si je sais qu’elles sont précédées de manipulations et activités concrètes, et que c’est peut-être surtout pour que les parents aient une trace) et des coins poupées, voitures etc. C’est quand même différent de la démarche de Céline. Et voilà que je viens d’apprendre que l’enseignante que notre fille aurait eu dans la grosse école avait changé ses pratiques cette année et s’était lancée dans les lois naturelles de l’enfant ! (elle n’est pas sur la cartographie).
Du coup je m’en veux de m’être posé autant de questions. En voulant choisir le meilleur pour ma fille je l’ai privée de la pédagogie dont je rêvais pour elle. J’ai l’impression de lui faire rater quelque chose. Nous sommes satisfaits de son école, elle y va avec plaisir et on sent qu’elle y est bien, elle a plein de copains et connait tout le monde. Je sais que la sécurité affective est importante pour entrer dans les apprentissages, et de ce point de vue, quoi de mieux qu’une petite école à taille humaine ? Mais elle n’a pas tout ce qui est décrit dans le livre de Céline.

Depuis le début de l’année elle compte beaucoup (les personnes autour de la table, les cases du calendrier), et depuis peu elle suit le contour des lettres avec le doigt. Je me demande s’il faut que je lui propose des activités dans ce sens, au risque d’en faire trop, ou si je ne fais rien, au risque de ne pas nourrir ses envies et besoins d’apprendre (pour les activités pratiques, c’est plus simple de faire participer à la maison, depuis longtemps je lui montre puis je la laisse essayer quand elle veut faire quelque chose par elle-même).

En tous cas, que les enseignants n’hésitent pas à s’inscrire sur la cartographie ! Cette approche fait peut-être peur à certains parents mais d’autres sont très demandeurs.


#2

Tout est dit :wink: Votre fille semble épanouie. Vous avez donc fait le bon choix. Ne vous auto-flagellez pas !


#3

D’accord avec @Babetterave, vous avez fait de votre mieux dans l’intention d’offrir le meilleur à votre fille ! C’est l’essentiel !

Donnons nous la permission de ne pas être parfait ! :slight_smile:


#4

Bonjour,

Je comprends sincèrement votre déception, peut-être même la culpabilité ressentie par rapport à ce choix. Toutefois, je me permets un peu de nuance. C’est vrai qu’à la lecture du livre, on ne peut qu’être enthousiaste lorsque l’on s’intéresse à d’autres disciplines qui se croisent (pédagogie positive, EFT,…).

Lorsque je l’ai lu, je me suis dit aussi que c’était formidable et que j’adorerai que mon enfant puisse évoluer dans un tel cadre. Puis en le parcourant à nouveau, en laissant mûrir un peu la réflexion, je me suis aperçue que ce que j’avais trouvé formidable c’était qu’elle avait trouvé une “méthodologie” qui aidait efficacement les enfants qui en avaient le plus besoin.

Et en fait, cela a fait écho à mon souvenir de petite fille. Issue d’une famille de migrants de 1ère génération, mon père a connu la guerre et n’a jamais été scolarisé. Nous vivions dans une banlieue défavorisée. J’aime autant vous dire que nous étions loin d’une réflexion sur le capital culturel et sur les bienfaits des activités en famille. Mes parents me comparait toujours à un garçon de ma classe. Un gentil garçon, poli et scolaire. Nous avons fréquenté quasiment toutes les mêmes classes de la PS à la 5ème. Ils disaient tout le temps : “mais comment en allant à la même école et en ayant le même poids de cervelle, tu as de moins bonnes notes!!!”

Bon à 8 ans, je n’avais aucun argument à part admettre que j’étais nulle effectivement. Depuis, j’ai lu Bourdieu et j’étais tout de même ravie d’apprendre que mon cerveau n’était pas si défaillant. Parce que bon lutter contre ce garçon, dont le père était ingénieur et la mère actuaire, j’avais tout de même peu de chances de développer autant de capacités que lui. Lorsqu’il partait en we à la campagne, moi je continuais à respirer l’air pollué de l’idf.

Bref, tout cela pour vous dire que si vous fréquentez ce forum, si vous avez passé de longues heures à réfléchir à la meilleure structure correspondant au caractère de votre enfant, et bien déjà vous avez fait le job.

Beaucoup d’enfants n’ont pas cette chance.D’ailleurs, si l’expérimentation s’était déroulée dans les beaux quartiers, elle n’aurait pas eu le même sens.

Mais sachez que je vous comprends. Ayant aussi un enfant scolarisé au sein d’une école traditionnelle, je constate toutes les entraves décrites dans le livre. Toutefois, je sais aussi qu’elle absorbe des choses intéressantes et même là où on ne l’imaginerait pas. Par exemple, l’animatrice de la cantine l’a prise en grande affection. Ces 2 là s’adorent. Cette personne a participé à lui remplir son réservoir d’attention toute l’année.

Soyez plus douce avec vous-même.Vous le méritez. Les enfants, en tous lieux, savent absorber ce qui est bon pour eux.

Belle soirée


#5

Merci pour vos messages. J’ai pris du recul avec les vacances. C’est vrai que j’ai tellement été convaincue en lisant les lois naturelles de l’enfant que j’ai l’impression que c’est la seule bonne façon de faire. Ce n’est sans doute pas le cas, Céline dit bien que son expérience n’est qu’un point de départ.

Et il y a plein de bonnes choses dans l’école de ma fille. L’autonomie des enfants est développée, il y a des jeux libres, l’année dernière il y avait certaines activités identiques ou proches de ce que propose Céline pour les activités de vie pratique et sensorielles. Les apprentissages sont assez personnalisés, mais j’ai l’impression que c’est de l’adulte à l’enfant plus qu’entre enfants, et les erreurs ne sont pas stigmatisées. Pour l’instant ma fille garde intacte son envie d’apprendre et de de découvrir, donc il y a beaucoup de positif.

J’ai aussi tendance à oublier qu’elle a évolué et qu’il y a un an je ne l’imaginais pas dans une école de plus de 200 élèves avec des classes d’une trentaine d’enfants, et donc beaucoup d’intervenants, comme c’est le cas de cette école avec une classe à ateliers autonomes. Les enfants passent aussi beaucoup de temps dans les activités périscolaires, cantine etc, où les personnes ne suivent pas forcément les lois naturelles de l’enfant.
Dans la classe de ma fille ils sont une vingtaine, elle connaît tous les adultes de l’école, et le jour de la rentrée elle a fait des grands sourires à tout le monde et a été direct dans sa classe !

Mais quand j’ai vu les étiquettes avec les prénoms en lettres capitales et que ma fille me dit le nom des lettres, grrr ! Il y a une frise numérique dans sa classe mais elle va jusqu’à…10 ! C’est sans doute suffisant pour certains enfants, mais ça ne favorise pas l’envie d’apprendre et de découvrir d’autres enfants.

Si je suis un peu inquiète, c’est aussi parce que mon aîné, qui est en élémentaire, a des difficultés scolaires. Du coup je suis vigilante pour la deuxième. Si elle était dans une classe avec ateliers autonomes je saurais qu’elle a tout ce dont elle a besoin pour se développer. Alors que là je m’interroge quand je l’observe. Par exemple, elle compte en utilisant le calendrier, depuis cet été elle passe son doigt sur les symboles des chiffres quand elle en voit…et je me demande si je dois installer une frise numérique, fabriquer des chiffres rugueux. Et aussi lui présenter des lettres rugueuses avec les sons avant qu’elle ne soit trop habituée aux noms des lettres. Mais j’ai peur que ça fasse trop en plus de l’école et dans son livre Céline met plutôt en garde contre l’utilisation à la maison. Et ce que j’aime aussi beaucoup dans les lois naturelles de l’enfant, c’est la coopération et les activités spontanées des enfants entre eux, et ça, même avec tout le matériel Montessori du monde, je ne pourrai pas l’offrir à ma fille.


#6

Bonjour @Marie75,

Comme cela a déjà été dit avec justesse, pas de culpabilisation ! Tu es consciente des besoins qu’ont tes enfants pour s’épanouir et tu leur offres tout ce que tu peux, c’est l’essentiel.

De toute façon, comme tu le dis, la grosse école dont tu parles a 200 élèves, ce qui peut signifier plusieurs classes par niveau. Rien ne dit qu’en y ayant inscrit ta fille, elle aurait pu être dans la classe de l’enseignante dont tu parles, surtout que selon les écoles, les changements de classe ne sont pas forcément négociables. Elle semble heureuse dans l’environnement scolaire où elle est, c’est parfait !

De plus, tu parles beaucoup de Céline, de son livre et de sa façon de faire, mais je ne crois pas me tromper en disant qu’il ne faut pas prendre tout ce que Céline et Anna ont fait à Gennevilliers au pied de la lettre. Céline dit elle-même que c’était une expérience, avec tout ce que cela comporte de perfectible, et qu’il existe surement d’autres moyens et matériels qui pourraient tout a fait permettre aux enfants de s’épanouir tout autant. Surtout, la meilleur chose que l’on puisse leur offrir, c’est d’expérimenter dans le monde, au contact de la nature, des objets du quotidien et de toute la diversité que nous avons la chance d’avoir autour de nous.

En tant que maman, je pense que c’est ce que tu peux faire de mieux pour tes enfants et que cela apportera beaucoup plus à ta fille que des bandes numériques ou des lettres rugueuses, même si rien ne t’empêche de lui en proposer pour voir si cela la passionne ! Ne te mets pas la pression, tu es une super maman et tes enfants ont de la chance. :sunflower:


#7

Merci pour ton gentil message.
C’est vrai que j’ai tendance à voir la démarche de Céline comme l’idéal (en tout cas un idéal accessible actuellement).
Et c’est vrai qu’il y a d’autres façons d’apprendre. Ma fille a appris beaucoup de choses à travers les livres ou les jeux avant même d’entrer à l’école, comme les couleurs par exemple. Et je suppose que dans une classe comme Céline les boîtes de couleurs 1 et 2 ne lui auraient pas apporté grand chose.
Et en effet je me base beaucoup sur le quotidien.

Je ne suis pas spécialiste en neurosciences, mais je suis de formation scientifique et du coup les arguments scientifiques du livre de Céline me parlent. Les études sur l’importance de la conscience phonologique sont convaincantes, donc faire apprendre le nom des lettres ça me désole. Pour l’écriture, ma fille (et je pense la plupart des enfants) dessine naturellement des boucles, elle a déjà écrit des e parfaits en cursive sans le savoir. Alors je trouve dommage qu’elle doive faire des efforts pour apprendre à écrire en capitales. Et je ne vois pas comment je pourrais évoquer le sujet avec tact avec la maîtresse.
Et je ne voudrais pas qu’elle se retrouve en CP à apprendre à lire sans plaisir, comme je l’ai vu pour plusieurs enfants, dont mon fils, même s’il n’a pas eu de difficultés pour la lecture. Et pour les maths je suis convaincue de l’importance de la manipulation et je pense que mon fils aurait moins de difficultés s’il avait eu accès au matériel de maths quand il était en maternelle.


#8

bonsoir, si je peux me permettre de rebondir… mon fils a de très grosses lacunes en maths, géométrie, il a 10ans, je repars de zéro avec lui, avec le matériel de base, il manipule depuis trois semaines ( cube du binôme, trinôme, barrettes cuisénaires, Pythagore sensorielle, la tour rose, les cercles fractionnés, les barres bleues et rouges, les défis kappla, les défis smartgames, les attrimaths et le double miroir, la banque, cubes puissance 2 et 3, et autres…). et il prend à nouveau du plaisir à travailler, il commence à entrer dans la logique et à comprendre les quantités, il commence a comprendre ce que veut dire “aditionner” soustraire multiplier, la symétrie etc. donc il n’est jamais trop tard pour les faire manipuler, ce matériel ne s’adresse pas que aux maternelles je pense. c’est peut être à tenter…