Les mathématiques, dès le début


#1

Bonsoir à tous,
j’ouvre ce sujet pour partager avec vous mes principes pédagogiques dans la transmission des mathématiques au quotidien avec enfants. J’ai des grands, et j’ai pris le recul nécessaire pour en parler. Je pense que cela peut inspirer.

Cela commence dès la naissance !
J’exagère un peu mais je commence très vite l’apprentissage des mathématiques avec mes enfants. Je le fais naturellement, aussi naturellement que l’apprentissage du langage. Si je dois leur donner deux jouets par exemple, je ne les leur donne pas d’un seul geste. Je donne le premier d’abord, ils le saisissent, ensuite je donne le deuxième. Et de même lorsqu’ils tentent de me donner plusieurs jouets à la fois. J’essaye d’inculquer l’idée de dénombrer, créer un ordre.

Du raisonnement à profusion …
Avant même qu’ils apprennent à parler! Mon préféré est le raisonnement par élimination. Je l’ai expérimenté avec un paquet de bébés. Vous leur tendez deux objets, un qu’ils connaissent à coup sûr et un autre dont vous êtes certain qu’ils ignorent et vous leur demandez précisément de pointer l’objet inconnu. Ils n’hésitent pas longtemps en général, mais ils ne le pointent jamais franchement et des fois ils ne le pointent pas du tout mais ils vous regardent tous avec le même regard perplexe, l’air de dire “mon intuition est-elle bonne ?” “ai-je le droit de choisir au pif ?” “pourquoi ai-je un fort sentiment que c’est la bonne réponse bien que je ne connaisse pas l’objet?” . Inutile de vous décrire combien j’aime ce moment. Je leur lance un regard complice, à la hauteur de la gravité du moment (à leur niveau, c’est quelque chose!), et je nomme l’objet à nouveau…

Les mathématiques se discutent …
J’aime leur donner le sentiment que les mathématiques se discutent, qu’elles sont presque “subjectives”. J’admets les erreurs de calcul et je suis très exigeante sur la précision, je n’aime pas l’étourderie, mais pas des “erreurs” de raisonnement. Le raisonnement, est une voie, qui ne mène pas toujours vers la question posée et la solution attendue, mais elle mène toujours vers quelque chose et ce quelque chose, il FAUT absolument le définir.

Les mathématiques, c’est important !
J’aime leur faire comprendre que les maths, c’est très important. Pour les convaincre vraiment, il faut qu’elles le soit pour de vrai. Ainsi ni fiches, ni cahier, ni manuels, ni matériels, ni cours de maths. Les mathématiques font partie de la vie quotidienne : on compte, on réfléchit, on déduit, etc… Avec les petits, je provoque systématiquement les situations de calcul. Avec les petits, vers 3 ans, mettre les couverts est une excellente opportunité de calcul. Je ne donne jamais le nombre exact de couverts et je demande à l’enfant de mettre la table et c’est l’occasion de voir avec lui s’il y a des couverts de trop, combien, s’il en manque, combien, etc. Des petites additions et soustractions dès 2-3 ans … Et ça marche.

Les nombres, il faut les sentir
Le nombre doivent être en nous si on prétend apprendre les maths. L’enfant qui a intégré 2 et 3 en lui, fera des opérations dessus avec un naturel quasi effrayant. Tout l’enjeu de l’enseignement est de faire intégrer les nombres. Essentiellement par la manipulation et le calcul mental, les deux piliers de l’apprentissage des nombres.
L’écrit et le formalisme sont facultatifs jusqu’en CE1.

Je reviendrai à ce dernier point, “sentir les nombres”, crucial dans ma vision de l’enseignement des mathématiques.

Belle soirée


#2

ça peut être très intéressant de faire apprendre aux enfant les mats de cette façon, merci pour ce partage

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#3

@Meraihi Sentir les nombres. Tu nous a promis de développer. Je suis curieux de te lire la dessus. Merci pour ton témoignage. Si tu peux donner plus d’exemples pratiques avec des enfants de 2 ans, ça pourrait m’inspirer en classe.

Je passe beaucoup par la visualisation des nombres dans mon approche. Ils utilisent des petites billes plates. Les enfants les manipulent pour former des quantités sous formes de dessins.


#4

Bonjour,
Florian,
je fais des cures régulières “sans écran” pour des raisons de santé. Excusez cette absence. Je répondrai à ta question dès que possible.
Bonne journée


#5

Sentir les nombre
Depuis la découverte de l’enseignement musical (à travers la formation de mes enfants), j’ai acquis cette certitude : tout doit passer par le sens. De plus, une transmission qui marche est celle qui ne se greffe pas comme un corps étranger, au contraire. C’est celle qui « presque » ne fait que libérer ce qu’il y a en nous, de mettre de l’ordre, de donner du sens. Toute démarche d’enseignement qui tend à s’en approcher est bonne, et toute celle qui s’éloigne est mauvaise. C’est ma profonde conviction.

J’ai longuement observé (en étant intriguée au plus profond de moi) de ce cas : des élèves musiciens de 10-12 ans virtuoses sur le plan technique, qu’on appelle prodiges, mais qui, en jouant, n’arrivent à transmettre aucune émotion. Je fais le même constat chez certains musiciens professionnels : ils ont beau maitriser la technique, ils vous laissent de marbre. Si nous ne tenons pas 2 min en écoutant une sonate de Beethoven, ce n’est pas seulement parce qu’on est pas initié, c’est aussi que le musicien est mauvais. Même s’il est virtuose ……

A l’inverse, avec d’autres élèves, beaucoup moins compétents techniquement, on peut avoir une tout autre impression. On peut les trouver touchants, même s’ils n’ont que 7 ans et qu’ils ne jouent qu’un petit menuet de débutant. Pourquoi ? De là est née toute mon interrogation.

Il a fallu écarter la question du « goût », de « l’appréciation personnelle subjective ». Je peux vous dire que j’ai longuement examiné la question sous tous ses angles et le diagnostique fut sans appel : certains jouent avec beaucoup de naturel car leur professeur les ayant amenés vers cette voie en éveillant leur sens, en libérant leur propre sensibilité, en leur donnant envie et les clés nécessaires d’aller chercher eux-même et au fond d’eux-mêmes. Le travail acharné, nécessaire à toute progression est seulement motivé par le désir de faire. D’autres, à tout l’opposé, ont reçu des recettes, et ils n’ont rien produit (et ne peuvent rien produire ) qu’une copie (souvent pâle du fait de leur jeune âge) de la recette d’origine.
Cela, tout vrai artiste vous le dira.
Mais, on reçoit la foudre lorsqu’on comprend que cela se généralise à TOUTE transmission de savoir, quel qu’il soit. Les mathématiques, la langue, tout, absolument tout.

Amener les enfants à sentir …. tout un arsenal.

Exemple concret avec le nombre 4.

Si vous voulez savoir si un élève de PS a complètement intégré la quantité et le nombre 4, faites cette expérience. Lancez 4 crayons sur la table. Si l’enfant est capable de vous dire qu’il y en a 4, sans les compter, c’est que le 4 est en lui ……
Pour arriver à ce stade, il faut du travail dans la durée
-La comptine : toujours savoir « chanter » beaucoup plus que ce qu’on sait dénombrer, pour avoir une marge de confort.
-des additions et soustractions par la manipulation, mais aussi par l’imagination (Tu as trois billes, et si je te rajoute une (en lui montrant d’abord ensuite par la simple imagination), tu en auras combien ?
-Compter et revérifier : s’il y a une habitude qu’il est salutaire d’instaurer chez un enfant, c’est de faire le calcul deux fois (nous lisons un énoncé d’un problème deux fois au moins, et nous révisons notre calcul deux fois, chez un petit c’est pareil). Comment y arriver : lui dire « es-tu sûr et certain qu’il y en a 4, moi il me semble qu’il y a 3 ou alors je ne vois pas très bien, re-compte s’il te plait ». Lui faire « cette comédie » systématiquement et vous verrez que très vite, vous ne la ferez plus, il prend le bon réflexe de vérifier par lui-même. Cette vérification n’est pas anodine. Car vous l’obliger à s’interroger lui-même.
-L’estimation : vous mettez 10 buchettes et vous posez cette question : selon toi, il y a 3 bûchettes ou 10 bûchettes ? L’estimation aide grandement à intégrer les quantités. Mais aussi par la manipulation. Vous demandez : prend s’il te plait environ 4 billes. L’enfant prend une poignée (sans compter), et on les comptera après. Les féliciter quand ils se sont beaucoup approchés. C’est un exercice magnifique.
-L’ordre : présentez la quantité 4 par 4 points bien alignés, ou bien deux à deux comme sur les dés. Créez des figures avec les nombres de manière générale. Les maths sont intimement liées à l’idée de l’ordre. Et la maîtrise de 4 points ordonnés précède la maîtrise globale. De manière générale, si un enfant veut compter un tas, compter le billes disposées aléatoirement par exemple, l’aider à « se créer » un ordre. Exemple : je te propose de compter les billes qui sont à gauche d’abord (car vous jugez que le sous-ensemble a une forme plus régulière et plus accessible à l’enfant. Mais ne pas la lui imposer « et toi, que préfères-tu, commencer par la droite peut-être ? Tu sais ce qu’on va faire, on va essayer les deux méthodes et tu prendras celles qui te permet de ne pas te tromper. ». Et on le félicite s’il réussit par son propre chemin « finalement ça t’a bien réussi, mieux que ce que j’ai proposé. Tu te connais mieux que moi » …… C’est à ce prix qu’ils apprennent à se faire confiance

Ps : le temps journalier alloué au maths par enfant ne doit pas être trop long … En réalité, un tête-à-tête de quelques minutes suffit. N’oubliez pas que l’enfant à cet âge est encore irrationnel, qui vit encore dans un monde de croyances, qu’il faut préserver coûte que coûte. C’est son capital créatif qui risque péril s’il y a une trop grande rationalisation.

En vrac toujours, je sais que vous connaissez les enfants mieux que moi mais si cela peut vous inspirer après adaptation, je me réjouirai …


#6

Merci beaucoup d’avoir développé le sujet. C’est très pertinent, ton expérience me conforte dans mon approche, et m’ouvre quelques pistes complémentaires.

J’essaie effectivement de détacher le nombre du dénombrement systématique un à un. C’est pourtant ainsi souvent qu’on le leur a présenté depuis tout petit, le surcomptage. C’est une des nombreuses façons de présenter un nombre. 4, c’est 1 2 3 4 en surcomptant, mais c’est plutôt 1, et encore 1, puis 1 de plus, et encore 1. Ou bien 3 et 1. Ou encore 2 et 2. Mais encore 5 moins 1. C’est aussi le nombre d’objets que l’on dispose en carré.

J’aime beaucoup les pistes que tu proposes sur l’estimation, ce que je ne fais pas assez. De même pour la vérification, pour assurer chez les jeunes enfant la notion de permanence du nombre. Ce n’est pas de la magie, une quantité reste la même, même si on compte différemment, que l’on cache, ou qu’on change la disposition.


#7

Bonjour, j’ai trouvé vos publications intéressantes. Je trouve quand même que le matériel Montessori en math est fascinant.
Je suis assistante formatrice en maths alors je ne suis peut-être pas très objective. Non mais sérieusement, ce que je trouve génial, c’est le passage du concret vers l’abstrait qui est très progressif.


#8

Merci. Je ne le fais pas dans cet objectif mais il est vrai que c’est un outils supplémentaire pour consolider la notion de permanence du nombre.


#9

Merci de votre message. Le matériel lorsqu’il est bien conçu et bien pensé est sans doute génial. La question qui demeure est : le génial est-il indispensable ? comme je fais “sans”, je ne suis pas objective non plus :smiley:. Dans un autre contexte, certains ne jurent que par les applications sur écran, super bien pensées et qui stimuleraient le cerveau comme aucun jeu manuel ne peut stimuler. Comme je suis anti-écran, je ne tiens pas compte de cet argument. L’écran est addictif et le préjudice qu’on fait porter à l’enfant dépasse et de loin la “mini stimulation cérébrale dont seul l’écran serait capable”. Il n y a pas à comparer les deux situations mais les deux appellent au même questionnement.

Ceci étant dit, j’aime les bûchettes par exemple que je peux utiliser jusqu’en CE1 (pour les dizaines, les centaines, les retenues …, etc.) mais même les bûchettes, nous ne pouvons pas les imposer à tous les enfants. Certains enfants n’aiment pas manipuler et préfèrent procéder directement par calcul mental (le calcul mental est une sorte de manipulation pour moi, ça passe par l’imagination où l’enfant se représente les choses).