L'inégalité des chances


#1

En ce jour de rentrée, j’aimerais vous faire part de mes réactions de parent. J’espère qu’elles ne choqueront pas les enseignants, mais vos réflexions m’intéressent.

Au cours de discussions récentes, j’ai appris que dans une école maternelle de notre quartier certaines classes fonctionnaient suivant les lois naturelles de l’enfant (ce que je trouve très bien). Au moins un des enseignants a commencé avec des PS, puis en a gardé une partie en MS avec de nouveaux PS, et a maintenant les 3 niveaux. Je trouve tout à fait normal qu’un enseignant qui se lance dans cette approche garde une partie de ses élèves, qui connaitront le fonctionnement et pourront montrer aux plus jeunes, et arrive à la situation optimale d’avoir les 3 niveaux.

Par contre, il ne veut pas accueillir de MS ou GS qui n’auraient pas connu ce fonctionnement dès le départ. Je trouve ça choquant. Je comprends que ça puisse être plus compliqué de faire travailler en ateliers autonomes des enfants qui ont connu un autre système. Mais je trouve que refuser d’avoir quelques élèves dans cette situation, c’est comme si un enseignant fonctionnant de façon traditionnelle refusait un élève qui a fait une PS avec les lois naturelles de l’enfant (ce qui me choquerait aussi).
Je sais que certaines écoles Montessori privées refusent les enfants qui n’ont pas commencé en Montessori. J’avais trouvé ça choquant aussi quand je l’ai appris, mais dans ces écoles il est possible que les parents (qui paient souvent cher) aient des exigences et veuillent un environnement optimal, et que le personnel ne souhaite pas se “compliquer la vie”. Mais je ne m’attendais pas à ça à l’école publique, qui doit (devrait ?) accueillir tous les enfants.

Je crois que l’égalité des chances est un leurre mais je me demande si l’existence de 2 fonctionnements aussi différents (lois naturelles de l’enfant et traditionnel) dans la même école et entre écoles ne risque pas d’accentuer encore les inégalités. Le développement de classes qui suivent les lois naturelles de l’enfant est une bonne chose, mais j’ai l’impression qu’il va y avoir d’un côté les enfants qui arriveront en PS dans une classe de ce type et y feront toute leur maternelle, et de l’autre ceux qui seront dans une classe traditionnelle en PS, et y resteront en MS et GS. En plus de l’autonomie, des interactions et du matériel qui favorisent les apprentissages suivant les lois naturelles de l’enfant, les élèves de MS ou GS de ces classes bénéficient en plus d’effectifs réduits au moment de la sieste des PS, alors que les simples niveaux MS ou GS restent toute la journée à effectif maximum. Et à l’arrivée en CP il risque d’y avoir de gros écarts, que les enseignants d’élémentaire n’attribueront pas forcément au système suivi en maternelle.

Et si les enseignants peuvent “choisir” leurs élèves, ce serait normal que les parents puissent faire de même : certains parents ne souhaitent pas un fonctionnement suivant les lois naturelles de l’enfant et ne sont pas contents que leur enfant soit dans une classe multi-niveaux, alors que d’autres aimeraient que leur enfant soit dans une classe de ce type et il se retrouve dans une classe traditionnelle.


#2

C’est un choix de l’enseignant et de l’équipe éducative, à faire dans l’intérêt de l’enfant. A partir de là, en général il sera en effet plus efficace de garder la majorité des élèves. Et d’en faire changer quelques uns qui se sentiraient mieux dans d’autres classes/pédagogies. J’insiste : les enseignants “choisissent” leurs élèves dans l’intérêt de chaque enfant, suivant de nombreux critères.

Quant à ce que les parents puissent choisir : ils peuvent émettre des souhaits qui seront pris en compte, et influenceront la décision de l’équipe éducative, toujours dans l’intérêt de tous les enfants. L’équipe éducative à une vision beaucoup plus globale, connait les particularités de tous les enfants, et notamment des informations personnelles et éventuellement confidentielles auxquelles n’ont pas accès les parents.

Ceci dit, la rupture entre fonctionnement selon les lois naturelles et le fonctionnement dit classique n’est pas si nette : il y a énormément de pédagogies intermédiaires ou complètement différentes et qui peuvent être également très efficaces :wink: L’essentiel _ à mon avis - se joue dans l’enseignant et sa pratique. Et chaque enseignant sera plus à l’aise avec telle ou telle pédagogie.


#3

Je suis d’accord sur le choix en fonction de l’intérêt de chaque enfant et de ses particularités. Ce qui me choque, c’est que des enseignants refusent a priori des enfants qui n’ont pas débuté l’école dans une classe basée sur les lois naturelles de l’enfant, justement sans tenir compte de leurs particularités éventuelles, mais uniquement en fonction de leur expérience scolaire.
La petite fille que je connais qui est dans l’école dont je parlais y est entrée en GS et a une particularité pour laquelle une classe “lois naturelles” aurait un intérêt. Mais le directeur a dit à la maman que ce ne serait pas possible parce que l’enseignant ne voulait pas d’enfants venant d’une classe avec un autre système. Je comprends qu’accueillir d’un coup une moitié ou un tiers de GS qui ont connu un fonctionnement classique soit compliqué, mais un ou deux enfants ça devrait être faisable.

Je suis convaincue aussi que l’enseignant a un rôle fondamental, quelle que soit sa pédagogie. Mais si on croit ce que dit Céline Alvarez et si on est convaincu de la démarche qu’elle propose, on ne peut pas penser que le fonctionnement classique et l’approche des lois naturelles ne sont pas si différents. Dans sa récente interview à Bel RTL elle dit en parlant du système classique qu’il est “fondamentalement inadapté aux mécanismes d’apprentissage et de transmission”. C’est donc difficile de croire qu’il convienne mieux à certains enfants.

S’il y avait comme en Belgique un appui ministériel pour que cette approche se généralise, ce serait parfait. Mais ça n’est pas le cas et j’ai peur qu’on s’oriente vers une école à deux vitesses, encore plus qu’avant, et ce ne sont peut-être pas les enfants qui en ont le plus besoin qui en bénéficieront.


#4

Comme je dis, c’est un choix personnel de l’enseignant. Je ne le connais pas, ni le contexte. Il est possible que la directrice ait donné cette raison pour ne pas rentrer dans les détails. J’insiste : ne connaissant pas tous les tenants et aboutissant, et les personnes concernées ne pouvant se justifier, ne pas juger trop vite :wink:
Après je suis d’accord avec vous sur le principe : je pense qu’il est intéressant d’intégrer quelques nouveaux élèves en cours de cycle. J’espère le faire quand j’aurai un niveau multiple (un jour j’espère…) A noter aussi qu’il est possible que les autres collègues refusent également d’accueillir des élèves venant d’une classe fonctionnant en pédagogie active (qui pourraient avoir du mal à accepter des fortes contraintes et un travail en groupe imposé).


#5

Le cas de l’enfant que je citais n’était qu’un exemple pour illustrer et j’imagine que répartir les enfants dans les différentes classes ne doit pas être simple.
C’est juste le principe de refuser d’avoir des enfants qui n’ont pas commencé avec les lois naturelles de l’enfant en PS qui me choque. Et si des enseignants fonctionnant de manière traditionnelle refusaient des enfants venant d’une classe à pédagogie active, ça me choquerait tout autant.


#6

Oui nous sommes d’accord, je trouve ça gênant de refuser systématiquement des enfants venant d’une autre pédagogie quelle qu’elle soit. D’ailleurs c’est aussi un apprentissage à acquérir pour l’enfant (et l’enseignant…) : être capable de s’adapter. A vérifier au cas par cas, dans certains cas ça peut en effet poser problème, mais pas dans tous, loin de là.