Partage d'expérience


#1

Bonjour,

PE depuis 3 ans dans le cadre d’une reconversion professionnelle, j’ai été affectée tardivement (mi-septembre) dans une classe de 26 PS MS cette année. C’est une classe compliquée, avec 3 enfants en situation de handicap sans AESH, et de nombreux enfants avec des comportements peu adaptés à l’école: opposition à l’adulte, violence physique et verbale, intolérance à la frustration… bref je vous passe les détails car je sais que vous savez de quoi je parle. La personne en charge des “cas complexes” dans la circonscription m’a dit ne jamais avoir vu autant d’enfants problématiques dans une même classe (8 enfants en plus des handicapés).

J’avais lu le travail de Céline Alvarez en devenant PE, mais je m’y suis replongée, écoutant et réécoutant chaque conférence en ligne jusqu’à me lancer à mon tour au mois de janvier dans un fonctionnement de classe 100% autonome.
Gonflée à bloc au départ (Céline Alvarez présente des valeurs au delà du fonctionnement organisationnel qui m’ont profondément touchées), je suis depuis 2 jours en arrêt pour essayer de prendre un peu de recul car je me suis essouflée en chemin. Seule à pratiquer cette pédagogie dans ma circonscription, je viens partager avec vous mes questionnements pour essayer d’avancer.

Mon premier questionnement touche la notion de “faire seul” un atelier. J’ai vraiment entendue la notion d’entre aide qui est présente dans la pédagogie Alvarez. Pour ma part j’ai observé un besoin de scociabilisation extrêmement fort chez les enfants. La plus part souhaite faire une activité à deux, même si cela ne correspond pas au besoin de l’un d’entre eux. Faire un puzzle à 2, une construction à deux, prendre un smart game à deux, etc… Au début j’ai laissé faire, mais ensuite j’ai mis en place la règle d’un unique enfants par atelier pour trois raisons: d’une part les enfants passaient beaucoup de temps à discuter de choses extérieures à la classe. Deuxièmement, j’avais le sentiment qu’ils n’évoluaient pas à leur rythme. Enfin cela créait un volume sonore trop important. Depuis je dois me battre contre eux pour faire appliquer cette règle, et pour le coup j’ai l’impression d’aller CONTRE leur nature qui est de vouloir faire ensemble et créer des liens d’amitié entre eux. Le temps de la récréation ne semble pas suffisant.

En second point, j’ai beaucoup de mal à me poser en individuel malgré plusieurs semaines de pratique pour être avec les enfants. Je passe ma journée à rappeler les règles de vie de classe les plus basiques: ne pas taper les autres, ne pas détruire leur travail, ne pas crier, etc. Du coup à force je m’y perds: j’ai l’impression de perdre l’essence de la relation avec les enfants et cela me mine énormément pour devenir le père fouettard. Vous me direz: “mais passe plus de temps avec eux”. Mais au final c’est difficile pour assurer un minimum d’ordre dans la classe, voire juste assurer la sécurité.

Peut etre mon expérience vous fait elle écho?! N’hésitez pas à me dire afin de m’aider à sortir un peu de mon ornière!
Merci d’avance!
Marie-Pierre


#2

Bonsoir,
J’au une classe de PS MS, avec beaucoup de PS cette année. Je ressens encore plus cette année le besoin de faire à deux et même de s’installer à deux sur une même table, avec deux activités différentes. Au début de l’année j’ai laissé faire, si ça ne créait pas trop de désordre. J’essaie de réorienter les enfants à cette période 4, ils acceptent mieux de se mettre à deux tables différentes, avec deux activités différentes.
Pour les règles, j’essaie de moins intervenir tout de suite, surtout quand je suis en train de présenter une activité. Par contre j’essaie de mémoriser le comportement que je voudrais voir s’améliorer pour en reparler à l’enfant après ou en regroupement (dessin des règles de vie, mimer les règles de vie puis les nommer, chanter des règles https://www.charivarialecole.fr/archives/2504). Si le comportement est trop dangereux, je prends le ou les enfants chahuteurs à côté de moi et on s’explique à la fin de la présentation.
Le climat de classe n’est pas formidable chez moi non plus, c’est dur de rappeler les règles à tout bout de champ. J’essaie d’orienter les élèves difficiles vers des activités qui les posent un peu: puzzle, coloriage, écoute de musiques/histoires avec un casque.
Prends le temps de te reposer. Bon courage.


#3

Bonsoir Marie-Pierre,

J’ai la chance d’avoir une classe relativement calme, avec une vingtaine d’enfants, donc ce que je peux écrire est à relativiser tant ma situation est plus facile à vivre que la tienne.
C’est ma première année en PS, et comme toi, je passe encore beaucoup de temps à rappeler les règles de base. Comme toi, des enfants s’installent à 2 ou 3, et génèrent du bruit : ma consigne est donc la suivante : à 2 on parle “panio”(comme pendant la chorale), à 3 on “chuchote”. Si cela fait trop de bruit, ils savent que je demanderai à chacun de quitter le groupe pour laisser seul celui qui a initié l’activité.
Comme mariemb, j’essaie de ne pas intervenir pendant une présentation, mais c’est quelquefois difficile car on ne peut pas laisser penser que le désordre est normal.
J’ai observé dernièrement que les moments de désordre ont souvent leur origine dans un manque d’activités stimulantes pour certains enfants : je le prends comme une information me permettant d’améliorer mes propositions, nous avons le droit de tatonner comme les enfants !


#4

Bonsoir Marie-Pierre,

D’abord bon courage à toi, c’est bientôt la fin de l’année, plus qu’une période! Oui, nous sommes nombreux/ses à savoir de quoi tu parles. On dirait que la répartition des élèves par classe n’a pas été faite équitablement dans ton école. Affectation mi-septembre, pas d’AESH… après on s’étonne que le métier ne soit pas attractif. Désolée, mais ces situations qui se répètent, particulièrement pour les débutantes, me mettent en colère. Quel gâchis, pour les enfants et pour les adultes qui sont le plus souvent motivés et pleins de bonnes intentions.
Ensuite, concernant le besoin d’apprendre à plusieurs, je me pose des questions aussi : j’ai appris dans la pédagogie Montessori que les enfants avant 6 ans apprennent plutôt seuls, contrairement à ceux à partir de 6 ans que l’on fait travailler à plusieurs dans cette pédagogie; mais Céline Alvarez et des collègues travaillant en maternelle semblent dire qu’à cet âge-là, ils ont besoin d’être à plusieurs. Ce qui est sûr, c’est qu’en maternelle, les enfants ont besoin de travailler le langage, ce qu’ils peuvent faire toute la journée s’ils sont en interaction. Je pense avoir remarqué que dans la classe de C. Alvarez, les élèves qui sont ensemble sont souvent de niveaux différents (un élève ayant acquis la notion qui montre à un qui l’apprend, souvent d’un an d’écart).
Peut-être que tes élèves sentent ton hésitation entre l’envie de les laisser être à plusieurs et celui du respect du calme et des règles de vie. Aies confiance en toi, c’est toi qui sais le mieux ce qui convient à ta classe à un instant T. Je trouve la règle de Renaud intéressante (à 2 murmurer, à 3 chuchoter et sinon on fait l’activité seul). Comme Renaud, C. Alvarez explique que les enfants les plus turbulents sont souvent ceux qui n’ont pas trouvé d’activité assez stimulante.
Pour ce qui est du “père fouettard”, moi aussi j’ai le sentiment d’en être un et ça me mine aussi. C’est pour cela que j’ai fait une formation Montessori et que je fais des recherches sur le fonctionnement des enfants, leurs besoins, les neurosciences… Cependant, les enfants d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier; la société d’aujourd’hui est remplie de lois, de règles non respectées par les adultes eux-mêmes (et par ceux qui font les lois eux-mêmes!). Si l’enfant n’apprend pas à la maison ce qu’est une règle et pourquoi la respecter, il faut bien que l’école s’en charge pour garantir un minimum de vivre ensemble. On doit bien aussi garantir leur sécurité à l’école, c’est la priorité. Mais c’est sûr qu’on aimerait d’autres victoires que leur seule intégrité physique à la fin de la journée…
Courage Marie-Pierre, prends soin de toi et ne culpabilise pas trop, tu fais juste ce que tu peux, comme beaucoup d’entre nous, tu n’es pas surhumaine.