Bonjour
Ceci est une lettre adressée à Céline Alvarez (et aussi à la communauté de ce Forum).
Bonjour Céline
Je suis enseignant à l’EN actuellement à Mayotte et bientôt de retour en Métropole. Je sais que vous regrettez que les décisions des hautes instances soient fondées sur des considérations politiques et non sur des données scientifiques. Mais j’aimerais souligner que toute action pédagogique est fondée sur ces deux considérations à la fois.
Après avoir lu vos 2 livres (et surtout les lois naturelles), j’ai vu beaucoup de points communs dans votre façon de penser le développement de l’Homme et du Vivant à la lumière des neurosciences, à celle de Proudhon (cf Jean-Christophe Proudhon de Tibault Isabel) et à celle de Kropotkine (L’entraide l’autre loi de la Jungle, de P. Servigne § G. Chapelle ).
En effet si nous considérons le développement humain comme un ensemble de prédispositions biologiques qui ne demandent qu’à éclore dans un environnement favorisant, alors vous et moi adoptons la pensée de Kropotkine qui a été le premier à dépasser le faux dilemme nature culture dans le déterminisme humain et le premier, à mettre en évidence le rôle fondamentale des conditions environnementales dans l’évolution. Dans l’étude de l’évolution de l’entraide, Kropotkine n’omet pas de remarquer (dans des proportions opposées à celle de Darwin) que le Vivant est à la fois organisé dans des relations d’entraide (mutualisme) et de compétitivité (prédation, parasitisme). Ce que les managers d’entreprise n’ont peut-être pas encore tous compris : nous sommes d’autant plus compétitif que l’on s’entraide et que nous sommes solidaires.
La façon de considérer l’enfant à travers cette pédagogie active (née de ces mouvements libertaires fin XIX et début XXème) permet d’un point philosophique de dépasser de faux débats comme nature /culture, entraide/compétition, ou autorité/liberté.
Cette posture philosophique des pédagogies actives est en phase avec celle de J-C Proudhon qui a réfléchi sur un modèle de société prenant en compte la complexe nature des individus dans leur rapport à l’autorité et la liberté : l’enfant, l’homme et la société ont à la fois le besoin d’une autorité qui organise la solidarité (ce que vous faites en classe à travers les règles de communications par exemple) et à la fois aspirent à, désirent la liberté et l’initiative (principe du choix des ateliers autonomes). Les idées politiques de Proudhon trouvent des applications dans des organisations telles que les mutuelles ou les entreprises coopératives.
Et au-delà de ces questions politiques, « les lois naturelles de l’enfant » replacent, comme ces fondateurs de la pensée anarchiste, l’Homme « dans la continuité de l’animal » et c’est en cela que j’adhère à 200% à votre premier livre. Car il entre dans un mouvement de pensée qui met en lumière qu’une nouvelle posture doit être adoptée par l’Homme dans son rapport au Vivant : il en va de la survie de notre espèce devant les enjeux climatiques actuels. Dépasser l’Homo Sapiens Sapiens pour atteindre l’Homo Sapiens Ethicus. Voilà l’enjeu sociétal de la généralisation des pédagogies actives à l’école.
Dans votre livre, vous légitimez votre position pédagogique par des données scientifiques certes mais votre angle d’attaque argumentaire de persuasion est centré sur l’épanouissement personnel des enfants. Angle sur lequel je vous rejoins totalement.
Mais j’avais besoin de saisir la pensée philosophique , les référence scientifiques et les idées politiques derrière le choix pour des pédagogies actives. Les décideurs des Hautes Instances de l’Education Nationale ont aussi leurs ancrages philosophiques, scientifiques et politiques. Mais l’approche pédagogique que vous proposez est à contre-courant du modèle dominant politique. Je peux expliquer dès lors, la position des décideurs institutionnels devant vos travaux : le futur citoyen que ces pédagogiesactives forment n’est pas celui que les responsables actuels souhaitent.
Merci pour votre contribution à mes réflexions personnelles.
Cordialement,
Dams976