Pédagogie actives et Conservatoire ?


#1

Chère Céline, j’ai 44 ans, j’enseigne les percussions classiques dans un conservatoire à rayonnement régional dans le sud de la France depuis environ 15 ans et depuis 25 ans en tout. Je suis papa de 3 garçons. Les 2 grands ont eu la chance de suivre un enseignement Freinet de l’entrée en 6ème jusqu’au bac. Quant au petit dernier, 2 ans 1/2, il fera sa première rentrée en septembre prochain.
Je me défini comme un enseignant artiste, là où nombre de mes collègues affichent l’étiquette parfois pompeuse d’artiste enseignant. J’aime enseigner, me remettre en question, retrouver chaque semaine mes élèves, ma classe… Mais j’avoue qu’au bout de 25 ans d’enseignement et nombre de projets fous et défis relevés, le système Conservatoire, certainement encore plus archaïque que l’éducation nationale, continue de m’étouffer, et m’empêche de fonctionner comme je le souhaiterai, dans la bienveillance, dans l’accompagnement, en se laissant le temps d’apprendre.
Au lieu de cela, je conjugue avec les notes, l’excellence, la compétition, le cloisonnement et j’ose dire la connerie de certains de mes collègues, qui ne se rende pas compte des dégâts qu’ils font parmi leurs classes.
Je mène malgré tout encore des expériences officieuses, des bulletins “freneitiques” qui offrent de la place à l’auto-évaluation, des concours de compositions, j’anime ma classe, je me forme, je cherche…
Pour les besoins d’un concours imminent justement, je tombe sur des expériences inédites de collègues çà et là, je m’interroge encore, je fouine plus profondément et, je tombe sur une vidéo de vous, expliquant votre expérience à Gennevilliers. Je la regarde une fois, deux fois, je la partage, je rebondis de vidéos en vidéos pour finir par commander votre livre en version audio tout d’abord puis en version papier inévitablement.

Je le lis par petits bouts, je veux comprendre… Je m’étonne d’être ému à la lecture de certains passage, je trouve l’expérience tellement belle et puis je me dis, comment accepter de continuer ainsi? Quels outils pourrais-je mettre en place dans ma classe? Comment adapter cette idée dans mon conservatoire? Je mets alors en place un atelier de réflexion sur l’évaluation avec des collègues 2.0, pour faire germer l’idée qu’une autre façon de fonctionner est possible et qu’il nous appartient de casser les codes! Cela va prendre du temps, mais certains avoue comme moi ne pas avoir envie de finir comme des vieux c… de profs et refusent l’idée de tomber dans les bonnes recettes à l’ancienne qui fonctionnent.

Je n’irai pas jusqu’à dire que vous avez changé ma vie mais vous m’avez donné du courage, celui d’oser aller contre un système qui ne fait que perdre des élèves et les démotiver. Je veux que les miens continuent de jouer et pas de faire de la musique et qu’is se souviennent des ces années conservatoire comme les meilleures de toute leur vie. Alors tout simplement merci Céline!

Michael


#2

Bonjour,

Je suis vraiment heureuse de vous lire et de constater que les bonnes idées arrivent même au Conservatoire!

Tout comme je suis convaincue par les résultats de l’expérience de Gennevilliers, je suis aussi convaincue que mes enfants ne passeront jamais par le Conservatoire pour tout ce que vous décrivez.

Enfant, j’ai bénéficié d’un dispositif de discrimination positive. Un système mis en place entre l’école et le Conservatoire. A savoir de faire participer à des cours de solfège, des enfants très éloignés de ces pratiques. Ce n’était pas vraiment du goût de certains professeurs élitistes. Je me souviens parfaitement de l’enseignante qui me jetait des regards menaçants à chaque fois que je me trompais à la lecture de notes. Inutile de préciser que mes parents avaient autorisé que je vienne mais ne pouvait pas m’aider. Elle avait des ongles pointus et parfaitement limés. Lorsqu’elle voyait que je n’arrivais pas à suivre sur la portée, elle pinçait avec ses ongles la 3ème phalange de mon index. Ce qui laissait une trace dans la peau. Elle le faisait toujours au début du cours pour que la marque ait ainsi le temps de disparaître pendant l’heure.

Evidemment, je ne pouvais rien dire. Mes parents auraient été tellement malheureux que je puisse me plaindre d’une telle chance. Trois ans après, le Conservatoire sur l’avis de cette enseignante a décidé que je n’avais pas le potentiel, les dispositions et l’esprit assez travailleur pour réussir. Elle a conseillé à mes parents d’arrêter. Ce qui aurait pu être une chance de découvrir autre chose que ma cité délabrée s’est transformé en un affaiblissement de l’estime que j’avais de moi-même. Mais aussi une baisse de confiance dans les Institutions. Après cela, mes parents n’ont plus jamais voulu que je fasse des activités en dehors de l’école parce que “ça ne servait à rien”

A la naissance de mon premier enfant, je me suis inscrite à des cours de musique, animée par un fort sentiment de revanche. Avec l’idée que si je décelais une motivation, j’entretiendrai la flamme sans JAMAIS passer par le Conservatoire.

Alors merci du fond du cœur pour ce que vous faîtes à votre échelle. Un tel témoignage met en joie l’enfant humilié que j’ai été. C’est tellement important que ce soit un apprentissage vivant et motivant. Pour mes enfants, je m’appuie notamment sur ce blog où je trouve beaucoup de pistes de réflexion: https://lydiemaud.wordpress.com/

Belle soirée


#3

Bonjour,
Je suis très sensible à ce genre de question car j’ai moi-même été très rebutée par l’enseignement au conservatoire. Je suis actuellement en fin de 1e année au CFMI pour passer le DUMI et la pratique de la musique y est vraiment différente. Je sais qu’il existe aussi des écoles de musique Montessori et que la pratique de la musique commence elle aussi à s’ouvrir. Ce serai vraiment chouette que les conservatoire s’ouvrent aussi aux pédagogies active. D’autant que dans le cas de la musique, c’est à mon sens, indispensable pour un bon apprentissage. Merci à vous pour votre innovation !