Besoin de crier haut et fort !


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Juste un besoin de crier haut et fort…

Il faut prendre conscience des comportements néfastes qui nuisent aux apprentissages. Pour qu’un enfant apprenne bien, il faut qu’il se sente bien, la qualité de son environnement psychologique et cognitif est primordiale.
Des troubles tels que la dyslexie, la dyspraxie et les troubles du déficit de l’attention freinent l’apprentissage de l’élève qui en souffre, OUI qui en souffre. Ces troubles ne sont pas facilement repérables. Ils sont cachés presque invisibles. Ils sont un désordre neurologique ou un déficit cognitif qui freinent l’acquisition des bases fondamentales et nécessaires aux apprentissages et ce malgré une intelligence normale voire supérieure à la moyenne.
Tous les enfants en difficulté aimeraient tellement être comme les autres et vivent cela comme une terrible injustice : pourquoi moi ? Certes rien de très grave… mais tous les jours, quand un enfant en difficulté travaille à l’école, à la maison, parce que OUI il travaille ! Toute cette volonté qu’il a pour n’arriver qu’au strict minimum, personne ne peut imaginer à quel point cela lui semble injuste. Malgré tous ses efforts, il ne dépasse jamais les 10 de moyenne, il n’a jamais les félicitations ou même plus tard les mentions. Pourtant, tout ce qu’il fait, lui demande une énergie dingue : il doit se concentrer 10 fois plus mais son corps est toujours en mouvement, il doit apprendre 10 fois plus mais sa mémoire ne retient rien longtemps, il doit relire chaque phrase 3 fois pour la comprendre alors lire un livre, imaginez le temps que cela prend… et relire et relire les consignes. Tout cela au détriment de 10 fois moins de temps pour jouer, aller au stade avec ses potes parce que lui, il doit rattraper tous les cours de la journée qu’il n’a pas réussi à écrire, passer son samedi matin avec un prof particulier après avoir passé ses soirées chez l’orthoptiste, l’orthophoniste, la psychomot…
Pourtant, il en a besoin de se défouler, pour exprimer toute cette colère qu’il a en lui juste parce que son cerveau n’a pas le même rythme que les autres, qu’il est épuisé et sans cesse en échec. Même ses parents le regardent parfois désespérés, sans projet d’avenir… les plus bienveillants auront conscience de ses efforts, les autres n’auront aucune fierté et le traiteront de « mongole ».
Les enseignants ? certains font ce qu’on leur dit : photocopient quelques cours et aménagent ses évaluations, se montreront compréhensifs et attentionnés. C’est un bon début, comme quoi, c’est possible… mais les autres, ceux qui lui mettent moins 60 à une dictée en pensant qu’il sera fier la prochaine fois d’avoir moins 50 alors que les autres ont 14,15,20. Pourtant il l’a révisée cette dictée mais toutes les lettres se mélangent dans sa tête, il inverse les règles d’orthographe, comment faire pour savoir lequel de « a » à un accent ? ces ou ses ? comment m’en rappeler ?
Les comportements de ces élèves vont à l’encontre des exigences du système scolaire. L’élève perd confiance en ses capacités d’apprentissages et se désinvestit. Alors là on va penser que l’élève s’en fout, qu’il ne fait aucun effort, qu’il s’agite de plus en plus. Il va être puni, ses parents désespérés, les enseignants vont commencer à moins s’en occuper. C’est lui qui cherche, il ne fait aucun effort… mais qui a pensé à lui demander comment il allait ? qu’est ce qui le rendait si agité ? essayez, vous verrez, il aura la réponse : je suis nul(e), ça ne sert à rien …
Ce qui est demandé aux AESH, n’est pas que d’aider à lire ou à écrire, c’est avant tout d’instaurer à nouveau le désir et le plaisir d’apprendre.
Être à l’écoute des inquiétudes qui nuisent aux apprentissages et restaurer l’estime de l’élève. Il s’agit ici de considérer l’élève en tant qu’individu et non comme un membre d’un groupe classe.
Qu’as-tu fait ce week-end ? as-tu bien dormi ? c’était bon à la cantine aujourd’hui ? Tu aimes le cinéma ? à quel jeu tu joues à la console ? Raconte-moi en quoi cela consiste, je ne connais pas.
Créer du lien, le faire exister, s’intéresser sincèrement à la personne qu’il est.
« Tous les lundis matin, il arrive agité ! », écoutez ce qu’il a à vous raconter de son week-end, ce n’est pas toujours très drôle…
On a le droit de lui parler de soi, lui raconter ses joies, ses angoisses, ses inquiétudes, lui confier des secrets, créer du lien.
Tu as des nouvelles baskets ? j’aimerais trop les mêmes, tu les as achetées où ? créer du lien.
Tu ne t’es pas fait trop gronder pour ta dernière note ? tu veux qu’on regarde tes erreurs ? comme ça la prochaine fois, on fera mieux… créer du lien.
Il s’agit de considérer l’élève dans son ensemble : facteurs cognitifs, affectifs, physiques, scolaires, familiaux. Il est important d’accueillir l’enfant et sa façon de penser afin de l’accompagner sur le chemin de la confiance en soi.
C’est une fois que l’élève sera prêt, c’est-à-dire en confiance : de soi, de son environnement, des adultes, de l’école qu’il pourra apprendre.
Une fois qu’il aura pris conscience de ses forces mais aussi de ses faiblesses, il pourra mieux se concentrer, mieux mémoriser et mieux s’organiser. Pour les faiblesses, ils développent des stratégies de compensation pour améliorer les performances. Ainsi, les troubles ne disparaissent jamais mais les effets des troubles s’estompent. Dyslexiques, on l’est à vie.
Certains enseignants aussi sont perdus face à l’exigence collective et l’incapacité dans laquelle est le sujet à y répondre. Dans une classe, comment s’adapter au rythme de l’élève quand ils sont 30 avec 3 HPI , 5 dyslexiques, 2 TDAH et un élève du dispositif ULIS. Surtout, quand ils ne sont pas forcément formés à la pédagogie différenciée.
Ainsi, l’enseignant n’est pas en confiance, l’élève n’est pas en confiance, l’AESH n’est pas en confiance mais tout ce petit monde doit déplacer des montagnes pour que l’élève acquiert une compréhension du monde qui lui donnera une place dans le monde des Hommes.
Voilà l’enjeu !! préparer un petit Homme, ce n’est pas rien quand même !! Nous n’élevons pas des animaux pour l’abattoir.
« Il faut qu’il acquière l’Autonomie », un petit enfant ne lâchera pas la main de ses parents tant qu’il ne se sentira pas ancré dans le sol. On ne lui dira pas : « va te casser la gueule, tu verras après tu sauras marcher ».
Non, on lui donne la main jusqu’à ce qu’il ait confiance en lui pour le faire seul. Et il sait que même quand il lâchera la main, ses parents seront derrière lui pour le rattraper.
Alors pourquoi ne faisons-nous pas pareil avec nos petits atypiques qui ont encore plus besoin qu’on leur tienne la main ? Comment être en confiance quand on doit atteindre l’impossible ?
Cet enfant là a besoin d’un adulte contenant pour l’accompagner à son rythme sur les petites marches qui lui permettront d’atteindre SES objectifs, ceux qu’il pourra atteindre quand il en sera capable.
Donc,
OUI, il faut être près, physiquement, d’un enfant en manque de confiance, angoissé, stressé,
OUI, il faut prendre un enfant dans ses bras quand il ne va pas bien,
OUI, il faut le valoriser quand il réussit,
OUI, il faut l’encourager quand il essaye,
OUI, quand il est au plus bas, il faut lui dire que l’on croit en lui,
OUI, quand il bouge, il faut le rassurer, il n’aime pas ça bouger et se faire remarquer par ses camarades. Lui, tout ce qu’il veut, c’est être comme tout le monde.
OUI, on peut s’intéresser à sa vie et lui à la nôtre.
OUI, il a besoin d’être accompagné de quelqu’un en qui il croit, sur qui il peut s’appuyer pour devenir autonome et même après, et même après…
OUI, c’est quand il aura confiance en lui, qu’il sera en réussite, que l’on pourra lui lâcher la main, surtout pas avant.
C’est sa valise remplie de confiance en soi et d’estime de soi qu’il emportera pour toujours et qui lui permettra de se surpasser, pas la solitude, l’échec, l’abandon, les regards désespérés, le sentiment d’incompréhension, la sensation de ne pas être à sa place, d’être différent.

Il n’y a pas de faibles, il n’y a que des gens qui ne savent pas ce qu’ils valent.
(Daniel Pennac)

Mélodie.
Enseignante spécialisée
Coordo Pial