Comment réagir avec les enfants provocateurs, qui cherchent les limites ?


#1

Bonjour, tout est dans le titre. Je sais que je devrais lire Catherine Gueguen et Isabelle Filliozat, j’y pense, mais je ne trouve pas le temps, pour l’instant.
Comment faites-vous avec les enfants qui font exprès de faire un bruit bien répétitif, en vous regardant, quand vous venez d’obtenir, enfin, le silence, au moment du regroupement par exemple. Ou encore avec un enfant qui balance les cylindres, dès que vous avez le dos tourné, alors que vous venez de lui montrer comment les poser délicatement. Moi, j’avoue que j’ai tendance à l’emmener près de moi, pendant que je fais des présentations à d’autres enfants (ainsi, il en profite aussi et ne fait plus ses bêtises), ou bien à l’isoler dans un endroit de la classe. Mais je fais cela comme une punition (je sais, je sais, ne me blâmez pas !!!) et je sens que cela ne me convient pas.


#2

C’est amusant que tu ouvres ce sujet justement maintenant.
Je profitais de ma grasse matinée en lisant “L’enfant est l’avenir de l’homme” qui est la retranscription d’une partie des cours de Londres de Maria Montessori en 1946.
Un passage m’a parlé et fait penser à un enfant provocateur, contestataire et en vrac (et triste en ce moment, il réclame sa maman qui a beaucoup de travail avec son métier et ses 3 enfants dont un qu’il s’est pris sur le coin du nez alors qu’il marchait à peine).
Je te cite le passage au sujet du rangement du matériel (p 107) :
"Une fois cette façon de faire bien établie, l’enfant devient obéissant et accepte vos instructions. Si les enfants n’étaient pas dotés de cette capacité à accepter, ils ne pourraient pas se développer. Ils acceptent ce que nous leur disons ; ils appelleront les barres par leur nom, simplement parce que nous le faisons. En fait, les barres pourraient s’appeler autrement. Si les enfants refusent de faire ce que vous dites, s’ils se rebellent, c’est qu’ils sont en guerre avec l’humanité adulte. Nous suggérons alors de laisser tomber l’exercice, qui doit être mené avec une extrême précision, jusqu’à ce qu’il finissent par accepter les règles, en s’adonnant à des exercices de la vie pratique. L’acceptation des règles doit venir en premier. Et les exercices de la vie pratique ramènent l’enfant dans la normalité."
Je dirais donc activités pratiques (laver le linge, les ardoises, les tables, faire les vitres…) à fond et peut être pas de regroupement tant qu’il n’est pas posé (nettoyer les ardoises avec l’ATSEM à côté pendant ce temps, tout en le mettant assez proche pour qu’il ne perde rien de ce qu’il se passe) ?


#3

En ce moment, nos classes sont électriques, les profs sont unanimes là-dessus… C’est la neige, l’approche de Noël, l’arrivée de l’hiver, avec son cortège de gastros, de rhinos, de conjonctivites, etc… Tout ça joue particulièrement sur les personnes sensibles, et notamment sur les enfants, et surtout sur ceux qui ont des soucis relationnels… Et nous, on en perd notre latin, on ne sait plus comment faire pour maintenir le calme de la classe et pour garder le nôtre…
Qu’on soit engagées dans “les lois naturelles de l’enfant” ou non, c’est difficile en ce moment pour toutes les profs qui ont des classes chargées et/ou avec des enfants sensibles… Mais pour nous qui sommes engagées dans cette démarche, on ne peut plus se satisfaire des explications météorologiques… On sent bien qu’il y a surtout de l’humain dans les difficultés que nous rencontrons avec certains enfants, et on se dit qu’il doit bien y avoir des réponses plus adaptées que celles que nous mettons en place, puisque ça ne marche pas avec eux…
Je pense sincèrement que les réponses adaptées, nous les connaissons : rester douce et calme en toutes circonstances, faire preuve d’un respect sans faille pour la personne de l’enfant, même et surtout quand il montre que quelque-chose ne va pas, ne pas reprendre les enfants au moment où leur comportement pose problème, le stopper s’il le faut sans jugement et sans colère, de façon ludique par exemple, et en parler si c’est utile plus tard, en décalé, travailler sur l’accueil, l’expression et la reconnaissance des émotions etc…

Sauf qu’on n’y arrive pas en permanence, et qu’on en vient à se dire que ce n’est pas la bonne façon de faire… Pourtant je reste persuadée que si nous parvenions à rester à la fois pleinement attentives à nos enfants, et tout aussi bienveillantes, calmes et assurées que l’étaient Céline et Anna, nous aurions de meilleurs rapports avec tous nos élèves, et nous les verrions progresser plus vite, surtout en ce qui concerne l’ambiance de classe…
Le truc ce n’est pas que nous ne connaissons pas les bonnes attitudes à avoir face aux comportements enfantins qui nous posent problème, le truc c’est que nous n’avons pas encore tout le temps les bons réflexes… Parce que souvent nous sommes amenées à réagir au quart de tour, et il s’agit plus de réflexes que d’autre chose… et les réflexes, bons ou mauvais, ça s’acquiert… Donc moi par exemple, qui suis dans le métier depuis plus de 30 ans, et me suis engagée dans la démarche des “lois naturelles” depuis à peine 3 ans, je n’ai pas encore perdu d’anciens mauvais réflexes, même si j’ai toujours essayé de “faire autrement”, d’utiliser la communication non violente etc…
Par exemple je viens de comprendre pourquoi Céline criait “Statue !” et non pas “Silence !” ou “ça suffit !” quand elle trouvait le niveau sonore de sa classe trop élevé… Parce qu’elle invitait ainsi ses enfants à un jeu, sans qu’il y ait le moindre reproche sensible derrière cette invitation… J’ai senti cette différence quand il y a quelques jours j’ai crié “ça suffit !” au lieu de “statue !” : le résultat a été aussi immédiat, peut-être plus car même les plus petits en sont restés cois, mais ma voix était pleine de stress et de reproche, et les enfants étaient inquiets au lieu d’être coopératifs… donc l’effet à très court terme a été le même, mais aussitôt après il a été désastreux…
Et quand un enfant semble jouer la provocation, je me mets encore en colère… J’ai tenu ce discours par exemple "Mais enfin, je viens de demander à X de cesser de taper des pieds, et toi aussitôt tu le fais ??? Tu crois que si j’interdis quelque-chose à X, à toi je vais te l’autoriser ??? " J’ai réagi en pensant que l’enfant faisait exprès de me gêner, en pensant qu’il “me provoquait”… Ce qui est, réflexion faite, tout simplement une erreur de compréhension de l’enfant… Il faudrait que je me rappelle que les enfants font de leur mieux, toujours… Et s’ils se mettent parfois à faire ce que je viens de signaler comme gênant, ce n’est pas par provocation, mais seulement par réaction : en fait leur attention a été portée sur le comportement gênant, au lieu d’être portée sur le comportement qui me sied…


#4

Quant à l’enfant qui lance les cylindres alors que je viens de lui montrer comment les utiliser dé-li-ca-te-ment, ben oui, ça m’énerve aussi… Mais là aussi, c’est de ma part une mauvaise interprétation du comportement de l’enfant… il ne fait pas “exprès pour m’embêter” de ne pas reproduire ce que j’ai pris le temps de lui montrer correctement, il obéit à son propre élan, de mouvement peut-être… Alors, soit c’est moi qui n’ai pas été assez “exacte, silencieuse, et précise” dans ma démonstration, ce qui n’a pas permis à l’enfant de rester suffisamment attentif et concentré sur les bons gestes à mémoriser, et c’est bien possible car je suis souvent dérangée dans mes présentations, soit c’est l’enfant qui, à ce moment là, n’était pas prêt pour cet apprentissage là, ou pas apte à se concentrer suffisamment (c’est le moment où il a remarqué qu’il neigeait par exemple, ou bien que son copain passait avec un autre plateau, ou bien un souvenir s’est interposé entre lui et notre belle présentation, il peut y avoir 1000 raisons… )
Donc au lieu de me laisser gagner par l’énervement, je pourrais me dire tout simplement que cette présentation sera à refaire, et inviter l’enfant à ranger le matériel mal utilisé, et trouver avec lui ce qui nous conviendra mieux à tous les deux…


#5

Et les enfants qui font des bruits répétitifs, parasites, en fait ils font “leur propre bruit”, c’est une bizarre mais très courante stratégie de lutte contre une certaine forme d’angoisse de la collectivité… L’enfant cherche ainsi à se couper du bruit ambiant, de ce qui l’agresse ou l’angoisse dans la promiscuité avec tous ces autres humains, en l’absence de ses parents ou de ses adultes-ressources… En produisant “son propre bruit” il cherche à se rassurer donc… Et s’ils me regardent tout en faisant ce bruit, ayant ou non conscience que ce bruit me gêne, ce n’est pourtant pas le but, mais c’est peut-être une façon de me demander de les aider à se rassurer…
Je le sens, je le sais depuis très longtemps, et souvent ça m’aide à ne pas m’énerver, mais parfois je me laisse quand même gagner par l’agacement… C’est difficile de faire comme on sait qu’on devrait faire, même si on sait pourquoi et comment, mais qu’on a été nous-mêmes éduqués autrement, et qu’on n’en a que trop peu d’exemples autour de nous…
Mais à force de réflexion, de lectures choisies, d’échanges constructifs, sur ce forum par exemple, et d’expériences au quotidien, on y arrive de mieux en mieux, et de plus en plus souvent… et chaque fois que nous progressons nous faisons un merveilleux cadeau à nos enfants, à nous-même et au monde… Et chaque fois que nous retombons dans les vieux schémas, c’est juste le signe que nous ne sommes pas plus parfaites que nos élèves, et qu’il nous reste encore beaucoup à apprendre, d’eux surtout… et ça aussi, ils le comprennent très bien, et ça aussi, ça fait partie des apprentissages partagés qui sont si riches dans une classe où chacun fait de son mieux…


#6

Bravo #isa1#, c’est exactement la réflexion que je me fais en ce moment. Savoir se calmer soi-même car on s’est rendu compte que l’on s’est énervé alors qu’on aurait pu parler calmement et obtenir un même résultat, permet d’apaiser l’ambiance de classe.
J’ai un élève qui est très sensible à mes changements d’humeur. Je suis la plupart du temps douce, attentive et câline, mais comme tout enseignant il y a des comportements ou des situations qui m’agacent et je devient plus brusque! A ce moment-là, cet élève se met à pleurer même si cela ne le concerne pas du tout, c’est mon alarme à humeur! Alors merci à mon petit Noah, qui permet de redonner à la classe une ambiance positive et du coup des élèves plus calmes et concentrés!


#7

Merci isa1 pour ton écrit. C’est très très dur en ce moment dans ma classe pour toutes les raisons que tu évoques (Noël, neige, rhumes, fatigue…). C’est ma première année de fonctionnement selon les lois naturelles de l’enfant. J’ai un nombre important d’élèves à besoins éducatifs particuliers qui me demandent de prendre sur moi en temps normal, donc là c’est x10!! Donc tout simplement merci d’apporter ton témoignage, je me sens moins seule et ça me remotive!


#8

Merci merci pour vos témoignages


#9

Personnellement, tout ce que vous écrivez me parle complètement. Je travaille en IME où les comportements inadaptés sont quasi permanents mais l’autre jour j’ai cru que j’allais exploser tellement ils étaient tous sur les nerfs aussi. Ca pleurait dans tous les coins avec ceux qui ne pleuraient pas qui asticotaient les pleureurs. Je n’en pouvais plus, je m’étais déjà fâchée et je voyais bien que tout le monde s’énervait de plus en plus, moi comprise. La solution que j’ai trouvée est de mettre de la musique sans paroles (l’automne des 4 saisons de Vivaldi : c’est un morceau que j’aime beaucoup et que j’avais l’intention de travailler avec eux mais là pas de travail juste de l’écoute) et de proposer une séance d’arts plastiques (je suis en transition), ils savaient tous ce qu’ils avaient à faire. Et bien, croyez-moi, ils se sont tous concentrés sur leur travail, je me suis calmée, eux aussi et la journée n’a pas été la catastrophe que je pensais vu le démarrage sur les chapeaux de roues ! Isa1 à raison, nous avons juste des nouveaux réflexes à acquérir et ce n’est pas tous les jours simple mais rappelons nous que nous sommes les adultes.


#10

Merci isa1! Toutes ces remarques m’aident beaucoup aussi car je ne suis pas toujours bienveillante par réaction réflexe et je le regrette. Je progresse mais je suis encore loin des résultats attendus. Bonnes vacances et bonnes fêtes de fin d’année!