Force est d’admettre que l’enseignement des mathématiques en France soulève de nombreuses questions. Les deux principales étant :
- Pourquoi déclenche-t-il autant de stress et de rejet ?
- Pourquoi les connaissances apprises sont-elles aussi rarement réutilisées dans la vie
quotidienne ?
Un enseignement trop vite et trop exclusivement formalisé dont l’élève ne voit pas le sens par rapport à son vécu immédiat.
Un enseignement conçu dans une perspective de cursus universitaire et pas suffisamment dans les besoins du citoyen ordinaire.
Je suis effaré d’entendre des amis ayant « fait des études » et ayant donc travaillé la proportionnalité, pendant 7 ans au moins, dire ne rien comprendre aux pourcentages et aux échelles. La moyenne se bornant pour eux à un calcul, sans signification. La vitesse étant perçue sur le mode de l’émotion et non comme un rapport entre deux grandeurs. N’ayant aucune maîtrise des relations entre des grandeurs et en restant souvent aux valeurs brutes.
Que dire de la méthode ? Aller directement au savoir clé en main. Se borner à savoir s’en servir dans des exercices de forme scolaire. Développer chez l’élève la phobie de l’erreur alors que l’erreur fait partie intégrante du savoir. Il est tétanisé et perd son intelligence. Or on sait aujourd’hui, grâce aux neurosciences que le stress répété abîme l’hippocampe, carrefour de la mémoire, et affaibli le système immunitaire. Quel gâchis !
Et si nous changions de paradigme.
Montrer aux élèves, sur quelques exemples, combien la genèse du savoir actuel a été laborieuse.
Prendre appui sur les compétences naturelles du cerveau pour monter peu à peu vers l’abstraction. Développer la compréhension intuitive avant de passer à la représentation formelle. Donner du sens aux connaissances mathématiques. Découvrir les limites de la perception. Comment naissent les compréhension erronées, les croyances, l’obscurantisme. Comprendre la nécessité et l’utilité des connaissances mathématiques. Travailler simultanément avec les aires sensorielles, associatives, et les aires préfrontales qui sont celles de l’apprentissage : émettre des hypothèses et les tester sur le réel. Faire construire les concepts plutôt que les gober. Apprendre au même niveau le vrai et les faux sans oublier le doute. Britt Mary Barth a développé une méthode qui fait construire le vrai par opposition au faux. L’analogie peut être utile pour entrer dans un concept. Le mathématicien Cédric Vilani et ses confrères disent que la réflexion mathématique se déploie bien en deçà des mots. Que la mise en forme vient après. Dominique Hoppenot dans son livre « Le violon intérieur » exprime le même processus mental du côté de la musique. Il s’agit de donner une dimension importante à une sorte de métamathématique au sens de la métacognition. Ne sous estimons pas les capacités de l’enfant. Les neurosciences montrent que son potentiel d’intelligence dépasse tout ce qu’on peut imaginer et ce depuis le plus jeune âge et même avant.
Mais je voudrais ici me focaliser sur un aménagement des contenus de l’école et du collège. Élaguons. Élaguons. Vous, moi, dans la vie quotidienne combien de fois utilisons-nous le théorème de Pythagore et les dérivées ?Concentrons nous sur l’utile en vie quotidienne. Donnons nous du temps pour cheminer, explorer, systématiser.
« Une minute je réfléchis » disait Reuven Feuerstein. « Le temps de suspension » dit Serge Boimare. « Apprendre c’est résister à la première idée qui vient » dit Jean Houdé. « La suspension du temps » dit Janine Reiss accompagnatrice de la Callas. Éloge de la lenteur, vecteur d’intelligence.