Demande de passage anticipé : comment réagir ?


#1

Ce matin, je suis restée stupéfaite devant une demande qui m’a coupé l’herbe sous le pied !!!
Un parent me demande: “Est-ce qu’il serait possible d’inscrire X (en MS) directement au CP pour la rentrée ?”

J’ai d’abord cru que j’avais mal compris, puis j’ai répondu vivement: “Ah non pas du tout !” (je manque encore parfois de contrôle inhibiteur…:wink:).
Puis j’ai proposé à ce parent qu’on se rencontre rapidement pour en parler car s’il me faisait cette demande c’est qu’il y avait un besoin de communication manifestement.

Il s’agit d’un MS qui est entré dans la lecture (comme beaucoup d’autres de la classe) et a bien avancé dans les différents domaines mais comme tous… D’autre part, il n’est pas très demandeur, observe beaucoup mais a peur de s’engager dans des activités nouvelles (peur de ne pas y arriver apparemment) et a besoin d’être encouragé et soutenu pour cela. Il semble beaucoup sollicité à la maison (d’après ses remarques…) et est parfois même un peu fuyant à l’école (moins que l’année dernière).
Il fait partie de ceux qui ne demandent pas à faire le plan de travail comme les GS et qui aiment faire des constructions, lire dans la bibliothèque et être en interaction avec les copains.

Bref, je ne l’aurais moi-même jamais imaginé au CP l’année prochaine!

Je me suis trouvée bien bousculée par cette demande:

  • Ai-je bien communiqué avec cette famille pour qu’ils me demandent cela comme ça et maintenant ?
  • Comment se prémunir de telles demandes quand les enfants entrent si tôt dans la lecture, l’écriture et le calcul ?
  • Comment ne pas “utiliser” les outils magnifiques de cette pédagogie pour “pousser” l’enfant, en le coupant de son propre élan d’apprendre ?

Et surtout, comment expliquer ma position tout en étant à l’écoute de cette famille ?


#2

Effectivement, une rencontre avec les parents s’impose. Je pense que je commencerai par leur demander ce qu’ils attendent exactement de ce saut de classe. Mettre en mots leurs attentes permettra de également de faire émerger leurs craintes, et t’aidera, toi, à les rassurer.

Dans la mesure où depuis des années (des décennies ?), l’apprentissage de la lecture est LE grand objectif du CP, je comprends tout à fait que des parents, constatant que leur enfant sait lire, imaginent qu’il lui faut “sauter une classe”.

Je ne suis pas du tout surprise de cette demande : c’est la seule réponse qui est faite dans le système classique habituellement. :frowning:

Cela va certainement devenir un de nos axes de communication : faire évoluer cette idée qu’un enfant peut tout à fait être très performant dans un domaine sans pour autant avoir besoin de “gagner” une année d’école. L’essentiel reste de voir l’enfant s’épanouir et se développer à SON rythme, sans se préoccuper de la classe dans laquelle il se trouve… D’où notre espoir de voir de plus en plus de classes multi-âge dans les écoles.

Si tu penses garder cet élève l’année prochaine, tu peux t’appuyer sur toutes les activités qu’il pourra effectuer, et sur le fait qu’il continuera de progresser, même inscrit en GS. Tu peux leur faire part de ton inquiétude par rapport à son comportement : tu as constaté qu’effectivement il est entré dans la lecture, MAIS tu crains qu’il ne soit perdu/découragé/peu attiré par la nouveauté… bref il a encore besoin de beaucoup jouer. Sauter une classe peut être très déstabilisant, et les conséquences mettent parfois plusieurs années à émerger.

Tu peux aussi leur dire que c’est une année importante : celle où il sera “grand” dans son école, et donc modèle pour les plus petits (ce qui est important dans son développement psychologique). Il pourra prendre des responsabilités et développer des compétences non-scolaire, certes, mais tellement importantes humainement parlant … cela ne lui arrivera plus avant le CM2 …

Je te souhaite beaucoup de courage pour réussir à convaincre ces parents que l’intérêt de leur enfant n’est pas de gagner du temps dans sa scolarité, mais de profiter de tout ce temps pour s’épanouir pleinement.


#3

Peut-être peux-tu présenter les domaines où l’élève serait moins performant : le graphisme et l’écriture ou le domaine spatial par exemple pour insister sur le fait qu’il a besoin de prendre confiance en lui dans ses domaines pour ne pas se stresser au Cp. Le côté fatigabilité aussi, les évaluations qui peuvent être mal vécues si l’enfant n’a pas la maturité, le décalage de l’âge par rapport aux autres enfants. Tu peux aussi demander aux parents de prendre l’avis d’un psychologue sur la maturité de l’enfant (sans demander un test de précocité). Je pense qu’il ne faut pas être seule pour discuter avec les parents et s’appuyer sur des tests de début CP peut être un bon support pour évaluer le potentiel de l’enfant.
J’ai le cas d’un élève de MS qui sait lire depuis le début de la Ms alors que il a suivi une PS traditionnelle. Il manipule les grands nombres et calcule mentalement. il sait écrire son prénom et encoder des phrases.Il connaît l’orthographe de mots compliqués. On sent un décalage important chez lui par rapport aux autres Ms, en plus il est grand physiquement …mais il a très peur de l’erreur et fuit les activités qu’il maîtrise moins. J’ai rencontré les parents plusieurs fois et j’ai fait venir une instit spécialisée qui lui a fait passer des tests de début Cp en le faisant de manière très décontractée avec des intermèdes de jeux. Effectivement on en a conclu qu’il serait mieux pour lui d’aller directement au Cp mais nous nous renseignons si les textes officiels le permettent et les parents sont d’accord pour demander à une psychologue ce qu’elle en pense. De toute façon la décision se fera en conseil de cycle. Sauter une classe alors que l’enfant n’est pas prêt peut avoir des conséquences à long terme. Un enfant qui a son bac à 17 ans et doit choisir des études supérieures et n’est pas prêt peut se retrouver en difficulté…


#4

Tu peux aussi insister sur le fait que la plupart de tes autres MS sont aussi avancés que lui en lecture et en maths, et que toutes ces nouvelles compétences vont continuer d’être travaillées et approfondies en GS avec toi, aussi loin qu’il le souhaitera… Que cette année de GS est importante pour consolider les connaissances déjà acquises, à un rythme individualisé et sans stress, car même si on fait déjà “du travail de grand”, en GS on est toujours en maternelle et on peut encore jouer, bouger et s’amuser bien plus qu’en CP, et ça aussi c’est important…
Quand je fonctionnais encore en “tradi” je disais souvent aux parents qui me faisaient cette demande, que même pour un enfant “en avance”, lui faire sauter la GS, c’est un peu lui “voler” une année d’enfance… Et je n’ai pas eu de parents qui résistaient à cet argument…


#5

Dans un premier temps, il semble en effet urgent de recevoir les parents pour comprendre d’où leur vient cette envie. Est-ce que leur enfant a manifesté un mal-être, un ennui, l’envie de grandir, de se frotter à autre chose ? Est ce que quelqu’un dans l’entourage a vu que ce petit était lecteur et a dit Du coup il saute une classe ? Bref, d’où vient cette demande ?Et qu’attendent-ils d’un saut de classe ? Ensuite, peut-être faudra-t-il se mettre en lien avec les maitresses d’élémentaire ? (je prêche pour ma paroisse ;-), j’enseigne en cp-ce1-ce2). Voir avec elles comment elle recevraient cet enfant ? Quelles pédagogies mettent-elles en place pour gérer l’hétérogénéité des élèves, ont-t elles des temps d’ateliers libres ? leur voler une année d’enfance, glups, j’avoue que ça me fait quand même un peu mal d’entendre ça… mais c’est ma susceptibilité d’enseignante hein ! et je reconnais que certains cp peuvent être forts contraignants pour des élèves habitués à se déplacer tranquillou et à choisir leurs activités… Ensuite, il ne faut pas non plus dramatiser le saut de classe. ça peut être une expérience traumatisante mais ça peut aussi être parfaitement adapté et salvateur. Bref, c’est un truc à réfléchir sans trop s’alarmer. Car, quand même, parfois, le cursus est bien long et bien répétitif pour certains gamins qui percutent vite… Mais, et là je rejoins tout à fait ce qui a été dit plus haut : être le grand, celui qui aide, qui peut apprendre aux autres, qui connait le “système” est ultra bénéfique pour l’enfant. Il n’est plus seulement celui qui apprend pour lui, il devient celui qui partage ses connaissances. Enorme.
Vous pouvez peut être également convenir avec l’élémentaire, que si à la fin de sa GS (que vous allez lui concocter aux petits oignons puisque vous le connaissez bien désormais), cet enfant a réellement dépassé les attendus de sa classe d’âge, il pourrait aller en cp-ce1 pour naviguer entre les deux “niveaux” et continuer son petit bonhomme de chemin. Qu’en dites-vous ?


#6

Je rebondis aussi juste sur la notion d’écart d’âge : dans ma classe c’est juste un pur bonheur de voir les cp, les ce1 et les ce2 se sauter dans les bras parce qu’ils se sont manqués pendant les vacances ! En fait, avec le multi-âge, on perd totalement ce truc: moi grand de 8 ans je ne vais pas m’abaisser à jouer avec un bébé de 6 ans !!! Ce n’est pas magique, mais un peu quand même : ils apprennent à grandir ensemble quoi.


#7

Oui, il est possible qu’un enfant aille de la MS au Cp directement. Nous l’avons fait l’année dernière.
Je n’avais que peu de doutes ; cette enfant avait largement dépassé les attendus de fin de GS, jouait avec des enfants de GS essentiellement et montrait la même maturité affective qu’eux, était demandeuse de partir alors que les parents ont demandé à réfléchir.
Par contre, l’année prochaine, je garderai un MS qui sait lire depuis la TPS et est plus que performant en maths parce qu’il joue beaucoup et a encore besoin de dormir l’après-midi . Je préfère qu’il « saute » le CP et les parents sont ok.

Tu poses une question intéressante ; il me semble qu’il faut être très clair à la réunion de rentrée sur les conséquences de cette organisation physiologique des apprentissages (entrée rapide dans la lecture) et sur le fait que le saut de classe n’est que rarement la suite logique ou la réponse à donner.


#8

Merci pour toutes ces réponses qui me montrent encore qu’une fois qu’ici on peut trouver du soutien et des réponses… C’est chouette !


#9

Je te réponds ici en tant que maman et non en tant qu’instit.
Mon fils, durant le CE1, a inquiété sa maîtresse: très bon élève en début d’année, il était devenu passif, rêveur et, en janvier, elle s’est aperçue que la seule chose qui le motivait était de réaliser le travail des CE2.
Nous avons, avec l’aide de l’équipe éducative, décidé de lui faire sauter une classe. Il est de fin août… Il avait donc tout juste 10 ans en entrant en 6°. Et tout juste 14 en entrant en seconde cette année. J’ai trouvé ces passages assez rudes, pour moi… Lui les a assez bien vécus.
Il n’aura donc que 16 ans et demi quand il devra faire ses choix post bac. Il devra vivre seul en appartement ou en cité universitaire pendant toute une année avant d’être majeur… Il fréquente des jeunes gens de 16 ou 17 ans ce qui, d’un côté, le fait mûrir, mais d’un autre côté, ne lui laisse pas le temps d’avoir son âge…
Je comprends les parents: il est tellement flatteur d’avoir un enfant “en avance”.
Mais il est angoissant ensuite d’avoir un enfant de 10 ans qui entre dans un collège où tout les autres ont entre 11 et 15 ans.
Peut-être n’ont-ils pas compris que l’ensemble de ta classe avançait vite? peut-être le croient-ils en décalage avec les autres qu’ils imaginent jouer à la dînette ou faire de la pâte à modeler? Invite-les éventuellement à passer un moment dans ta classe pour constater que leur fils est au même niveau que beaucoup et que sa place est bien au milieu de ses camarades de classe actuels.
En tout cas, dis leur bien que le choix sera celui de toute une équipe, dont le psychologue scolaire, que ce n’est pas à toi ou à eux de décider.
Bonne journée.


#10

Je vais dans le même sens que loulotte…Je pense que les parents peuvent entendre cet argument. Mon fils a également une année d’avance, en étant de fin septembre. Il est actuellement en première. En en discutant avec lui récemment, il y a eu effectivement eu un passage où il se sentait en décalage avec les autres, pas les mêmes préoccupations… Actuellement, il n’y pas pas de problème, il a de nombreux amis, tous d’un ou deux ans de plus que lui et ça se passe bien. Par contre, il a beaucoup de mal a se projeter, à faire des choix d’orientation…à travailler pour l’épreuve de français du bac…
Et de penser qu’il va être étudiant en faisant sa rentrée à pas encore 17 ans, je me fais des cheveux blancs…
Il faut en effet prendre en compte l’enfant tel qu’il est actuellement mais aussi le futur adolescent… s’interroger sur sa croissance physique future (s’il est petit pour son âge ça peut être difficile à vivre, surtout au collège.
Dans le cas de mon fils, il est passé en grande section au milieu de sa moyenne section…et le CP a été plutôt difficile. J’ai même regretté qu’il ait passé une classe (mais contrairement à moi, l’instit et la psy étaient sures que ça allait marcher…).
A posteriori, je ne sais toujours pas si nous avons bien fait…il est extrêmement à l’aise en mathématiques (pour le coup, il pourrait à mon avis être encore une classe au dessus dans cette matière) mais a longtemps galéré en français, a des difficultés en orthographe et n’est devenu un très bon lecteur qu’au prix d’efforts immenses à la maison (qu’a mon avis peu de personnes sont assez disponibles/motivées pour mener à bien).


#11

Bonjour,
Ma fille a su lire et compter comme en cp dès la moitié de la petite section.
Je ne pouvais l’imaginer en élémentaire car elle était vraiment trop petite.
Elle a profité de la maternelle à fond et des amis de son âge .
En fin de gs, elle est allée en ce1, ce qui fait qu’elle retrouvait ses amis dans la cour de récré.La maîtresse de ce1 a adapté les lignes de cahiers pendant un mois puis…
Elle a eu des passages difficiles, mais de toutes façons, les enfants en avance doivent trouver leur voie dans l’école
Le passage en ce1 est une bonne alternative, car il se base sur des compétences évaluables et non sur un potentiel ou sur un bilan psy.Soit l’enfant sait tout ce que sait un cp, soit non. Le choix est plus facile je pense.


#12

Sans vouloir trop polémiquer… " il a beaucoup de mal à se projeter, à faire des choix d’orientation, à travailler pour les épreuves du bac " N’avez vous pas l’impression de décrire 80% de la population adolescente masculine ???
une maman de 2 ados (lycéen et collégien) qui n’ont pas sauté de classe mais correspondent pourtant très bien à ce descriptif… :wink:


#13

Merci @pamiki !!!je me sens moins seule du coup :wink:


#14

Je trouve aussi que lorsqu’un enfant est susceptible de “sauter une classe”, c’est plutôt en primaire que c’est intéressant… à moins bien sûr que dès la maternelle, l’enfant se sente mal avec ceux de son âge et ait vraiment envie non seulement d’être plus challengé au niveau des apprentissages, mais aussi de côtoyer des enfants plus vieux… ça peut arriver, mais je n’ai pas encore pu le voir moi-même…
J’ai cette année un de mes MS que ses parents et moi pensons être précoce : il lit couramment depuis janvier, écrit bien (mais pas souvent), compte très loin depuis l’an dernier, mais n’a aucune envie de changer de classe, et n’aime pas trop montrer aux autres tout ce qu’il sait faire… De plus il est très impressionnable et souvent à fleur de peau, il n’aime pas trop les changements ni les nouveautés : affectivement il n’est pas aussi mature qu’intellectuellement… Et lors de notre entretien ses parents ont été soulagés de voir que je n’envisage pas de le faire passer un an plus tôt en primaire, même si je me rends bien compte de ses capacités, et que ce n’est pas un problème pour moi de l’accompagner au-delà du programme s’il le souhaite… il aura toujours la possibilité en primaire, où nous avons forcément des cours doubles, de faire deux années en une par exemple…


#15

Je vous donne des nouvelles maintenant que l’entretien est passé !
J’ai d’abord écouté les parents qui n’avaient pas beaucoup d’arguments. il s’agissait juste pour eux de “gagner du temps” car leur enfant étant entré dans la lecture et curieux et demandeur (à la maison), ils pensaient qu’il pourrait gagner une année avec un peu d’efforts.
Grâce à vos participations, j’ai pu argumenter pour expliquer ma position qui est surtout basée sur le bien-être de cet enfant qui aurait vraiment à perdre à sauter la GS.
Du coup les parents ont compris ma position et même s’ils sont un peu déçu (je pense), se sont rangés à mon avis pour laisser encore une année à leur enfant pour avancer à son rythme dans les apprentissages (pas le cas en cycle 2 dans mon école), vivre le libre choix et développer son sens des responsabilités et sa confiance en lui, ainsi que son autonomie dans le travail (les GS ont un plan de travail dans ma classe).
Merci à toutes !


#16

Juste uneeiee pour les lycéens en avance, mon frère a fait une “année” sabbatique" aux États Unis entre sa première et sa terminale. Il a été accueilli successivement dans 3 familles d’accueil dont les enfants avaient le même projet, il allait à l’école avec des jeunes de son âge.
C’est un programme du Rotary club avec un très bon encadrement (et les familles ne sont pas forcément elles mêmes rotarriennes!).
Ma petite soeur avait juste 15 ans quand elle a commencé son CAP dans une grande école, elle était dans une super famille d’accueil.


#17

Exact! Ma nièce qui aura 16 ans en juillet et qui est en première va partir un an au Japon grâce à ce programme du Rotary (je précise que ses parents ne sont pas membres du club). Elle reviendra dans un an pour faire sa terminale. C’est vrai que ça peut également être une bonne solution pour des enfants qui auraient besoin d’une année de plus pour mûrir.