Bonjour,
Je démarre mon métier d’enseignante avec des maternelles. Je suis en recherche sur le sujet comment encourager sans évaluer , sans juger , sans récompenser de manière indirecte …
Pour le moment, je n’arrive pas à voir la limite dans le quotidien … Auriez-vous des exemples de situation concrète ?
cela m’aiderait beaucoup !
Merci beaucoup
Agnèle
Encourager sans évaluation ni jugement
Bonjour @agnele,
Merci de soulever cette question si fondamentale dans notre démarche, si difficile aussi à mettre en œuvre !
Après avoir retenu mon élan premier consistant à porter un jugement “C’est bien, tu as bien travaillé…”, je m’entraîne à souligner le chemin parcouru : "La dernière fois tu as compté jusqu’à 13, aujourd’hui tu es allé jusqu’à 15"
ou “Je vois que malgré la difficulté à visser cette étagère, tu es allé jusqu’au bout, tu as fait preuve de beaucoup de persévérance” ou “Hier nous avons stoppé l’activité avant la fin, aujourd’hui je t’ai présenté la totalité de l’activité et tu as attendu sans m’interrompre, tu as gagné en patience.”
Parfois, je cherche et… je ne trouve pas alors je ne dis rien !!
J’attends aussi d’autres témoignages d’encouragements
Encourager sans juger est un beau sujet en effet !
Il me semble que l’évaluation n’a cependant rien à voir là dedans. Évaluer est pour moi essentiel si on veut aider les enfants à progresser. Comment leur proposer l’activité la plus pertinente pour chacun si on n’évalue pas ? On n’est juste pas obligé de faire des évaluations sommatives sur table ! Evaluer peut se faire en observant les enfants, et en notant discrètement leurs réussites au jour le jour dans des tableaux de suivi par exemple pour savoir où ils en sont, et quoi leur proposer.
Quand un enfant me montre une réussite: “regarde maîtresse, j’ai fini le puzzle” je demande avec un grand sourire: “et tu es content?” Sa bouille s’éclaire aussitôt… j’adore ces moments!
Merci beaucoup Céline, tes explications me donnent une direction plus claire et concrète. le fait de rester dans l’observation et de décrire le chemin parcouru est pour moi très inspirant !
Et comme pour conforter cela, hier ma fille de 4 ans qui venait de grimper dans un jeu m’a dit :" c’est la première fois que je monte si haut "
Merci Loulotte, c’est tout simple… juste accueillir …
Cet après midi, en classe pendant la séance quotidienne de phonologie: une petite fille après qu’un élève ait trouvé l’objet dont j’avais donné les sons successifs: “maîtresse, avant, L il n’y arrivait pas bien et maintenant, il y arrive toujours!”. Grand sourire de L…
Sur ce sujet de grande importance, vous trouverez d’autres éléments de réflexion intéressants ici:
2 messages ont été intégrés dans un sujet existant : Comment être bienveillants sans donner de bons points ?
J’ai eu envie de réactiver ce sujet, central dans notre pratique d’enseignant.
Voici ce que je viens de rédiger à ce sujet. Bonne lecture.
Observer ou interagir ? Comment doser au mieux ?
Comment doser le temps consacré à l’évaluation ? Poser un diagnostic initial, suivre les apprentissages des élèves, faire un bilan des acquis. Ce suivi méthodique est-il suffisant ? Ou empiète-t-il trop le temps consacré aux apprentissages proprement dits : recherches, essais et erreurs, correction, et travail répété ? Car passer son temps à évaluer les élèves, ou bachoter pour les préparer aux évaluations à venir, ce n’est pas enseigner ! L’enseignant a une vision de plus long terme, centré sur ses élèves. Nous ne sommes pas là pour flatter des statistiques, mais pour accompagner l’humain.
En jardinage permacole, une longue phase nécessaire est l’observation du terrain avant d’agir. Ce temps est nécessaire pour éviter de nombreuses erreurs, même si cela ne les empêche pas toutes. Il faut faire pour apprendre et se tromper pour progresser. Certaines plantes se plaisent naturellement à un emplacement donné, d’autres pas. Le haut de ma parcelle n’a jamais donné de patates alors que les oignons s’y plaisent, je ne sais pourquoi.
Je pense que pour l’enseignement on pourrait faire le parallèle. Le système change à chaque nouvelle rentrée scolaire avec de nouveaux élèves, le renouvellement total ou partiel de la classe. Une phase d’observation intense est alors nécessaire afin de faire connaissance des nouveaux. Mais dans d’action.
Une collègue témoigne de sa première période. Elle identifie déjà bien les changements (comportement, maturité,…) chez les élèves qu’elle connaît déjà. Et elle constate de nouvelles interactions positives ou négatives entre les élèves. Il s’agit alors de construire au mieux la cohésion de son nouveau groupe classe, réinstaurer progressivement les règles de la classe, installer une ambiance sereine. C’est l’objectif principal de la rentrée. La maîtresse se place très en retrait, elle garantit juste la sécurité et le respect des règles de la classe.
Elle se donne alors un temps d’observation des élèves, qui peut intégrer des évaluations diagnostiques individuelles mais ne se limite pas à cela. Ce n’est pas en cochant des cases qu’elle va instaurer un climat sécure ! C’est de l’ordre de l’humain, du ressenti, cela est impossible à compiler par écrit, mais permet d’être réactif et rebondir au mieux pour gérer les élèves et le groupe classe.
Dans un deuxième temps arrive l’observation plus précise des apprentissages au quotidien, et la mise en place de l’autonomie de la classe par rapport à elle, la maîtresse. Quand elle est remplacée, sa classe doit rouler toute seule en ateliers libres toute la journée. Cette autonomie est son second objectif, après la garantie d’une ambiance sereine de classe. Cela lui dégage du temps pour intervenir de façon plus efficiente individuellement auprès de chaque élève en fonction de là où il en est.
Je me rends compte que la majeure partie de mon temps en classe est consacré à de l’enseignement. Présenter le matériel, jouer avec les enfants pour ancrer par la pratique et l’exemple le vocabulaire et la gestuelle que j’attends d’eux. Quand ce n’est pas simplement de la gestion de classe : vérifier que les enfants se déplacent et parlent doucement en classe, sans chahut, que le matériel ne soit pas détourné et soit rangé au fur et à mesure… En début d’année, c’est l’essentiel. L’observation proprement dite est plus informelle, de l’ordre du ressenti. On finit par connaître ses élèves. On cible pour chacun quelques objectifs précis qui le feront progresser : se poser, oraliser, se sociabiliser, s’intéresser aux sons et aux lettres, aux chiffres…
L’observation diagnostique critériée permet d’ajuster ce ressenti, de remettre à jour des préjugés sur des enfants qui évoluent plus vite qu’on ne saurait l’imaginer. Je constate régulièrement que certains petits qui ne payent pas de mine savent en fait lire et compter sans que j’y ais consacré mon attention. Inversement, des connaissances que l’on pensait acquises chez des plus grands s’avèrent parfois fragiles. C’est l’intérêt de ces temps d’évaluation formative. Affiner son étayage pédagogique au-delà d’une simple impression générale parfois trompeuse.
Une formation continue portant sur ce que le conférencier a appelé “parcours de réussite” préconisait d’évaluer rapidement chaque notion en amont de la séance, afin de préparer ensuite son travail et répartir les élèves en trois parcours différents selon leur maîtrise de la notion. Les élèves ne maîtrisant pas du tout la notion travaillent avec l’enseignant qui construit le savoir avec eux. Un groupe s’entraîne en autonomie par une batterie d’exercices autocorrectifs. Les enfants plus experts dans cette notion s’attèlent à préparer une présentation orale ou écrite finale.
Cette démarche m’a séduit par son évidente simplicité, et je m’applique à la mettre en œuvre dans ma pratique en activités libres et autonomes. En présentation individuelle, et lors des quelques temps d’ateliers dirigés, je m’astreins à conduire une évaluation ciblée des élèves. Je peux alors les répartir selon qu’ils seront avec moi en priorité afin que je leur présente la notion, en autonomie pour s’entraîner sur le matériel, ou tuteurs pour expliquer le travail aux autres. Concrètement, et toujours dans l’esprit de mon fonctionnement de classe, je cible quelques élèves qui ont besoin d’aide pour manipuler un matériel précis, je le leur propose ou j’attends qu’ils manifestent de l’intérêt pour l’activité. Je fais alors appel à un élève tuteur à qui je demande de montrer et d’expliquer. Je reste en observateur afin d’évaluer la capacité de mon élève tuteur à donner la consigne, ce qui n’est pas facile. Et la capacité de l’élève demandeur à écouter, comprendre et respecter ce qui lui a été présenté. Il faut souvent que je reprenne la présentation de façon plus précise ; on ne peut pas demander à un enfants de quatre ans d’être à la place experte du maître ou de la maîtresse. Mais ils se prennent au jeu, c’est formateur, très motivant, et parfois tout aussi efficace qu’avec l’adulte. De toute façon, avec une trentaine d’élèves, je n’ai pas le choix que de compter sur les apprentissages entre pairs.
L’enseignant est avant tout un observateur dans sa classe. Il est un guide pour orienter finement les élèves vers des apprentissages à leur portée. Le temps d’évaluation ne doit cependant pas prendre toute la place, cela reste souvent de l’ordre du ressenti. Enseigner, c’est aussi accompagner les élèves dans leurs apprentissages, se laisser surprendre par leurs progrès fulgurants, tout en restant attentifs à leurs fragilités. Dans un constant mouvement de va et vient, les acquis sont rarement définitifs, on y revient de façon spiralaire, le savoir se construit par renforcement.
Voila un autre extrait pour prolonger la réflexion.
La maîtresse au milieu
L’enseignante se lance dans sa classe tête haute, comme elle entre en scène pour captiver et mobiliser son public. En actrice expérimentée, elle capte l’attention de chacun, module sa voix tout en variant les tons, tantôt charmeuse et complice, tantôt stentor et magistrale. Elle relance régulièrement l’intérêt de la leçon par des questions ou des pointes d’humour. Elle garde un œil sur les réactions des élèves qu’elle sent en difficulté. Elle recadre les petits débordements avec fermeté mais bienveillance. Quel verve, quel talent ! Quel professionnalisme !
Et ce pendant les six heures que dure la journée de classe, quatre jours par semaine, trente-six semaines par an, quarante-deux ans de carrière. C’est une vocation, un sacerdoce… qui finit au mieux par un craquage nerveux, au pire par une lassitude coupable et routinière.
Personne ne peut tenir au centre en permanence, tenir sur ses épaules le bon déroulement de la classe jour après jour sans jamais faillir. Le titre est donc provocateur : “Vive les vacances. Finies les pénitences. Les cahiers au feu. La maîtresse au milieu !” Cessons d’alimenter la fournaise !
Il faut savoir anticiper, ruser, et varier ses postures d’enseignant sur la journée. Le premier principe en permaculture propose d’observer avant d’interagir. Se laisser assez de champ pour prendre du recul, prendre le temps de la réflexion. Ne pas s’imposer constamment au centre de sa classe. Savoir parfois se placer en retrait… à défaut de la retraite.
Se poser dans sa classe
Une bonne journée de classe est une journée où j’ai pu passer du temps en retrait, en simple observation. L’ennui stimule la créativité des élèves. Eh bien de même pour l’enseignant ! l’observation bienveillante et attentive m’apporte souvent les meilleures idées. N’attendons pas forcément d’avoir préparé en amont une grille de critères d’évaluation précis, même s’il en faut parfois. Juste se poser, regarder les élèves, et être présent dans sa classe, disponible, ouvert à l’imprévu.
Mais il faut se forcer au début ; on a tous tendance quand on commence ce métier à être à fond, plein d’énergie, un moulin à parole, à vouloir tout contrôler, tout régenter, en scène toute la journée. On veut bien faire, mais à trop vouloir se placer au centre de sa classe, on oublie de varier les postures d’enseignement. On prive alors les élèves de faire eux même leur expérience de vie collective autogérée.
Comme dans toute thérapie, commençons par s’observer soi-même avant de vouloir changer les autres. Posons nous la simple question en tant qu’adulte, enseignant ou parent, des diverses postures que l’on a adoptées dans nos échanges avec les enfants. Dans une journée de classe, combien de temps ai-je consacré :
- à parler / à écouter ?
- à observer / me donner en spectacle ?
- à communiquer de façon orale / visuelle / tactile ?
- à parler fort / chuchoter / me taire ?
- à être en collectif / en petit groupe / en tutorat / seul ?
- à sourire / me fâcher / pleurer ?
- à regarder un enfant dans les yeux / à surveiller le groupe ?
Certains collègues poussent même la conscience professionnelle jusqu’à se filmer ou s’enregistrer. Cela n’est pas toujours flatteur, mais c’est un bon moyen de se rendre compte de ses travers. Un travail en co enseignement serait l’idéal, très formateur. L’observation d’un collègue en activité nous renvoie en toute humilité à notre propre pratique.
A suivre…