Enfant de GS en grande souffrance


#1

Je débute en année 0 depuis septembre avec une classe de MS-GS de 23 élèves + 2 forrains en ce moment.
En octobre, N., un nouvel élève de GS est arrivé. Cet élève peut se montrer violent mais fait surtout d’énormes crises de colères et se montre extrêmement provocateur envers les adultes et les enfants. Cet enfant est arrivé en classe 3 jours après son placement en maison d’enfants. Il était depuis mars dans une famille d’accueil chez qui cela se passait mal et allait très peu à l’école (je n’ai pas exactement compris pourquoi). Il vit très mal son placement et surtout le fait que sa petite soeur de 2 ans soit toujours avec les parents. Il a aussi deux grands frères placés eux aussi mais dans un autre département… Bref une situation complexe qui ne s’arrangera pas dans l’immédiat d’autant que la famille ne semble pas très à l’écoute pour ce qui est des rdv avec les éducateurs.
Le problème est qu’en classe je ne sais plus comment m’y prendre. Il cherche sans cesse l’attention et est littéralement intenable dans tout type d’activité de groupe : en regroupement que ce soit pour lire une histoire, chanter, aller au sport, décloisonnement etc.
J’ai essayé de le garder près de moi ce qui l’aide (d’autant qu’il est plutôt bien disposé pour les apprentissages et apprécie certaines activités) mais ce n’est pas toujours possible. Dès qu’il est en activité près d’autres enfants il ne peut pas s’empêcher de toucher à ce qu’ils font, faire à leur place etc. Il lui arrive souvent également de ne pas respecter le matériel ou le détourner et refuse que je lui montre comment bien s’en servir. Il part alors en “crise” et se montre très grossier et frappe les meubles autour de lui. Il refuse de m’écouter quand je lui redis les règles et ne veut pas lâcher le matériel. J’ai essayé de lui parler en dehors de la classe dans le couloir pour discuter de son mal être, lui donner des responsabilités, le féliciter à chaque bon comportement mais rien n’y fait. Il dit sans cesse que les règles ne servent à rien et qu’il n’aime pas l’école (il le dit avec un lexique très “fleuri”).
J’ai enfin rencontré son éducatrice en présence de N. Elle était surprise de ses colères et s’est tournée vers lui en lui disant qu’elle ne voulait plus qu’il en fasse… J’ai bien essayé de soumettre le besoin urgent d’un suivi psychologique mais le foyer est pour l’instant en “phase d’observation”.
Avez-vous des pistes pour l’aider ? Car je ne sais pas comment faire et toute l’ambiance de classe en souffre.


#2

Je comprends bien ton désarroi, c’est très difficile de savoir comment faire face à un enfant aussi visiblement en souffrance. Les enfants placés sont souvent comme ça, et dans ma classe j’en ai assez souvent car nous avons plusieurs familles d’accueil dans le village. Mais si en plus, ton élève est retourné en foyer ça doit être encore pire bien sûr…
Je n’ai pas de recette, mais je crois que la seule chose qui finit par marcher, c’est de témoigner autant de respect et de douceur que possible à ces enfants. L’an dernier en PS j’ai accueilli 2 enfants très difficiles, au comportement qui ressemble à celui que tu décris, sauf qu’ils étaient plus petits et ne parlaient pas ou très peu. Un matin j’avais décidé de ne faire aucune présentation et de seulement “veiller au calme” et observer… C’est le jour où ces deux-là se sont trouvés pour faire mille et une folies ensemble… J’ai passé la matinée à les suivre pour essayer d’empêcher qu’ils fassent trop n’importe quoi, à leur parler doucement et avec le sourire, à essayer de leur montrer comment se déplacer, utiliser leur corps et le matériel, etc… à la fin de la matinée j’étais épuisée et démoralisée… J’avais réussi à ne pas m’énerver, à ne pas monter le ton une seule fois, à rester douce et présente, à ce qu’ils n’agressent pas trop les autres et à ce que les autres ne sur-réagissent pas trop non plus à leurs interventions souvent brusques… Mais je ne pouvais pas imaginer passer l’année scolaire comme ça !
Mais depuis ce jour, quelque-chose a changé : ils ne sont pas devenus comme les autres aussi facilement, mais un mieux s’est fait sentir dès le lendemain… Alors je continue à faire très attention à ne pas me fâcher contre eux, à ne pas trop les reprendre non plus, à leur parler le plus positivement possible, même quand ils sont en train de transgresser une règle… aujourd’hui ils sont toujours dans ma classe, en MS, et s’ils sont toujours difficiles, ils le sont extraordinairement moins quand même, l’un comme l’autre…

Alors voilà, courage et patience… en attendant d’obtenir de l’aide de l’institution… J’ai obtenu une Aesh 12 h par semaine pour celle des 2 qui est placée, après moult demandes, car elle griffait les autres au visage de façon imparable. C’est quand j’ai envoyé à l’inspection la photo d’un petit avec la trace sanguinolante de ses 5 doigts du front au menton, passant à un mm de l’oeil, que j’ai enfin eu quelqu’un… (dans la semaine !)
Et aussi, n’oublie pas de prendre soin de toi…


#3

Merci de ton message je vais essayer la matinée d’ovservation à veiller au respect des règles. J’espère qu’il y aura un mieux après ça !


#4

Bonjour @elise13, je comprends ton désarroi également car je vis ces situations quotidiennement en IME. Je partage tout à fait la réponse de @isa1. Voici quelques autres pistes à tester :

Lorsque l’enfant est en crise, réaliser des stimulations bilatérales alternées sur les cuisses, les épaules, les mains (en fonction de ce qu’il supportera). S’il refuse le contact lui proposer de tendre ses mains et tu viens toucher les mains alternativement ; de cette façon il garde le contrôle ; il peut les retirer dès que ça ne lui convient plus.
Tu accompagnes ces mouvements par la parole en explicitant les émotions/sentiments qu’il peut ressentir et en lui garantissant ta présence soutenante dans cette tempête émotionnelle : “peut être que tu es très en colère, que tu as peur… tu vas voir ça va aller, je vais t’aider…”

Frotter une partie du corps (si l’enfant supporte bien sûr), accompagné également de la parole permet la libération d’ocytocine et peut aider à un retour au calme.

J’ai introduit une marionnette avec un enfant pour faire passer les messages autrement et établir plus facilement un lien affectif.

Dans un cadre plus large et à plus long terme, tu peux entreprendre un travail autour des émotions : pochettes de vocabulaire des émotions, affichage collectif d’une météo de l’humeur avec un curseur que chaque enfant peut déplacer librement… pour que chacun devienne plus autonome dans la compréhension de ses émotions.

Et puis exprimer très fermement que tu n’acceptes pas qu’il violente qui que ce soit ou qu’il abîme le matériel et l’orienter vers un coin “calme” (un endroit banalisé dans la classe dédié au retour au calme : tente, coussin, livres, boîte à musique…).

C’est essentiel :tulip:. Et te donner la permission de ne pas être aussi bienveillante que tu l’aurais souhaité, il y a parfois des comportements qui nous font déborder ! Personne n’est parfait :wink:

La psy scolaire est-elle intervenue ? Peux tu faire appel à l’équipe ?

Bon courage


#5

Je viens de relire ton premier message, et je me demandais ce que je pourrais répondre à un enfant qui pense que les règles ne servent à rien… Il doit penser que les règles sont faites uniquement pour les enfants et pas pour les adultes, ou qu’il ne s’agit que de “discipline” ou de moyens de prendre le pouvoir sur lui, de l’empêcher d’exprimer son être profond et de satisfaire ses besoins…
Il faudrait réussir à lui faire comprendre que les règles de vie de la classe ne sont rien de tout ça, bien au contraire, et que nous (adultes de l’école) sommes les premiers à respecter ces règles dans la classe et dans la vie. Qu’il n’y a pas d’arbitraire ni d’autoritarisme dans ces règles, mais qu’elles sont l’expression de lois plus grandes que nous, de lois universelles, les lois naturelles de la communication entre humains tout simplement… Peut-être.qu’on peut faire sentir ça à un enfant qui en doute, en lui disant par exemple “tu sais dans la vie, ça ne marche pas comme ça…” plutôt que " tu sais que tu ne respectes pas telle règle"… Chercher “l’intention positive” qui a précédé la transgression : “Tu voulais jouer avec lui ? Tu voulais son matériel ? Tu voulais passer et il était trop près ? Tu voulais aussi être à côté d’Untel ? Tu étais en colère ? Il te gênait, il te faisait peur ?” etc;… Faire remarquer les conséquences de l’acte problématique (cris, pleurs de l’autre, voire marques visibles en cas de coups, matériel cassé ou abîmé etc…), faire parler la “victime” s’il y en a une de ce qu’elle ressent sans demander quoi que ce soit d’autre au responsable que d’observer et d’écouter (il s’agit de stimuler sa capacité d’empathie, c’est tout, donc pas de demande d’explication et surtout pas de demande de pardon… s’il vient spontanément pourquoi pas, mais ne pas le demander) et enfin proposer une meilleure façon de faire respecter le besoin qui cherchait aussi maladroitement à être respecté…
Par exemple j’ai souvent répété à mes 2 zébulons que s’ils veuient entrer en contact avec un autre enfant pour jouer avec lui, et qu’ils s’approprient leur matériel sans rien dire, ça va mal se passer parce que c’est normal de ne pas se laisser prendre son matériel des mains… et j’ai passé beaucoup de temps à leur expliquer et à leur réexpliquer comment faire : poser la main sur l’épaule, et parler… Et à le faire moi-même aussi à toute occasion… (j’avoue que je dois encore faire attention à ne pas interpeller à haute voix un enfant dans la classe sans vraie nécessité, et à penser à me déplacer jusqu’à lui, pour lui poser la main sur l’épaule et pouvoir lui parler doucement)… Je leur ai soufflé 100 fois les phrases “qui marchent” : “Je peux jouer avec toi ? Tu veux bien me prêter cet outil, je te le rendrai après…”. etc… Tout en précisant que les demandes ne sont pas des exigences et que si l’autre dit non, même si la demande était parfaitement respectueuse, il en a le droit et qu’il faut aussi l’accepter… Et quoi faire dans ce cas : trouver une autre activité, un autre copain plus réceptif, ou venir voir l’adulte pour ne pas rester seul… Et ce n’est pas inutile non plus pour les autres, d’ailleurs… Le seul refus que je ne comprends pas et pour lequel j’interviens c’est celui d’écouter ce qu’un enfant veut dire… à moins que l’enfant en question dise qu’il veut être seul et qu’on le laisse tranquille, ce qui est un droit aussi, bien sûr… Mais celui qui joue ou travaille en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre ce qu’un autre enfant veut lui dire, j’essaie de lui expliquer qu’écouter l’autre ne l’oblige pas à lui obéir mais seulement à lui répondre…
C’est un travail de longue haleine mais qui finit par payer… aujourd’hui mes 2 enfants difficiles parlent avant de se saisir d’un objet déjà pris en mains, ou viennent me trouver avant de frapper… enfin la plupart du temps… ça arrive encore, mais l’an dernier à cette époque c’était 10 fois par jour au minimum chacun, maintenant c’est une fois de temps en temps…


#6

Merci CeCeline pour tes idées d’intervention apaisantes énergétiquement… je vais essayer si j’y pense, je suis sûre que ça peut être efficace…
Je me souviens d’un remplacement il y a longtemps ou un PS pleurait beaucoup beaucoup… Il me fendait le coeur mais je n’arrivais pas à le rasséréner ou très difficilement… Jusqu’au jour où, il était à côté de moi en pleurs comme d’hab en récré parce qu’il n’avait pas LE vélo qu’il voulait, et je me suis mise sans réfléchir à lui caresser le dos… Il s’est apaisé tout de suite… j’avais trouvé LE truc qui fonctionnait pour lui… Malheureusement mon remplacement touchait à sa fin et je m’en suis voulue de ne pas avoir trouvé ça plus tôt, alors que c’est tellement simple et naturel ! Mais je m’en souviens et je teste toujours ce geste quand un enfant pleure et l’accepte… et ça marche souvent…


#7

Merci pour vos réponses et conseils. Depuis hier je passe beaucoup de temps à l’observer et à veiller au respect des règles et du matériel et ça va un peu mieux. Il voit que je suis attentive à lui ce qui le rassure je pense.
Le truc “caresser le dos” fonctionne pas mal aussi notamment sur un autre de mes élèves dont je soupçonne des troubles autistiques.


#8

Juste pour dire à @isa1 que je l’admire pour sa patience et sa bienveillance… Te lire me fait beaucoup de bien et me donne le courage d’essayer encore et encore… Mais où puises-tu l’énergie de rester zen, douce et patiente en toutes ces occasions? Bravo à toi en tous cas!


#9

Merci loulotte de ce beau complliment !
Tu sais, c’est beaucoup plus facile (pour moi en tous cas) de rester zen et bienveillante au calme devant mon écran, que dans ma classe avec mes bouts de zan… parfois bien sûr je perds patience, je m’énerve moi aussi, et je dois bien reconnaître que certains jours, ou en fin de matinée par exemple, la fatigue aidant, je ne suis pas toujours aussi bienveillante que je le voudrais… Mais j’y arrive de mieux en mieux, et puis si je me suis laissée emportée avec un enfant qui a fait une “bêtise” d’enfant, et que j’en ai fait des tonnes bêtement, et bien ensuite quand je m’en aperçois je m’excuse auprès de l’enfant… S’il veut bien je le prends dans mes bras, et ça me fait du bien autant qu’à lui… et aux autres enfants qui sont témoins de tout ça aussi… Ils voient que les adultes aussi font des erreurs, et qu’ils peuvent les reconnaître et s’en excuser… ça m’aide aussi à ne pas continuer à culpabiliser et à m’apporter à moi même de la bienveillance et de la chaleur…
Et ce forum m’aide aussi énormémenti : mettre en mots ce qu’on croit, ce qu’on sait, même si on n’arrive pas encore à l’appliquer tout le temps au quotidien, échanger avec vous toutes sur nos difficultés, nos questions, nos petits et nos grands soucis, quelle chance !