Enfant qui ne dit pas un mot


#1

Bonjour à tous,
Je ne sais plus comment faire. J’ai une petite fille de famille Pakistanaise non francophone dans ma classe depuis l’année dernière,( elle est en ms cette année). Elle est souvent absente et quand elle vient, elle refuse de parler que ce soit à moi, à mon ATSEM ou aux autres enfants. Quand je lui demande de répéter, elle me fait juste un très grand sourire. Elle est capable de me montrer certaines choses en pointant quand je lui dit montre moi ci ou ça. Son papa et sa maman qui parlent très peu français m’ont fait comprendre qu’à la maison elle parle français en jouant à la maîtresse avec sa petite sœur… je n’ai jamais entendu le son de sa voix et je ne sais plus comment faire !!! Avez-vous des solutions à m’apporter?


#2

Il s’agit peut-être d’un cas de mutisme sélectif. Voici un lien vers une association pleine de bon conseils. Sinon as-tu contacté le RASED ?


#3

On va dire que le RASED n’est pas le point fort de notre école :anguished: merci pour le doc.


#4

Un grand grand merci Leila, je ne connaissais pas du tout le mutisme sélectif et je crois que ça va me donner plein de pistes pour un petit de ma classe !


#5

Bonjour, as tu essayé de mettre en place des petits moyens de communication alternatifs ?
Quelques picrogrammes qu’elle pourrait pointer, ou un peu de langue des signes simplifié. Cela lui permettrait peut être une première entrée en communication avec toi, qui favoriserait ensuite la prise de parole.


#6

Je ne connais pas assez la situation, je donne des idées qui me viennent: le RASED est-il venu l’observer en classe? Est-ce qu’elle a besoin d’un bilan psy?
Autrement je pense à des moments de langage où elle se sentirait en sécurité par la répétition du cadre. Une collègue a eu une conférence pédagogique avec Pierre Peroz; il y a peu d’intervention du maître, il pose des questions ouvertes après la lecture d’un texte et les enfants échangent entre eux, sans le jugement de l’adulte sur chacune de leurs réponses. Zaubette a fait un petit topo ici http://www.zaubette.fr/une-pedagogie-de-l-ecoute-en-langage-maternelle-a118398350.
J’ai aussi la chance de participer à des débats philo Lévine avec l’aide du RASED de l’école (je suis en CP-CE1 mais ça peut se faire en maternelle): une question philo est posée et le bâton de parole circule entre les enfants pendant 10 min, sans intervention de l’adulte. A la fin, l’adulte synthétise tout ce qui a été dit. J’espère qu’en le faisant régulièrement, cela peut aider de petits parleurs ou non parleurs, qui auront envie de donner leur avis sur des questions de grands!


#7

Une autre piste trouvée presque par hasard: aller dehors, au contact de la nature! De petits parleurs (voire des enfants qui ne me parlaient pas) sont souvent devenus presque bavards en observant la nature, les animaux… Une petite très “sauvage” s’est apprivoisée devant des poussins; un autre ne me parlait au début que quand nous allions chercher les oeufs des poules. Enfin, quand nous allons au jardin (pour nos plantations ou tout simplement pour jouer) c’est très souvent l’occasion de moments privilégiés avec des enfants plus timides qui “s’ouvrent” dans ses conditions!
Par ailleurs, je ne sais pas si c’est une coïncidence mais j’ai l’impression que depuis que j’ai changé ma façon de travailler, j’ai beaucoup moins de “petits” parleurs!


#8

Bonjour Manue

Peut être devriez-vous vous intéresser à la méthode de la pédagogie de l’écoute ?
Lisez les livres ou regardez les conférences de Monsieur Pierre Péroz. Cela fait plus de cinq années que je n’ai plus de non parleurs dans la classe, quels que soient leurs origines et la langue parlée à la maison. Et pourtant j’accueille bon nombre d’élèves allophones.
Je vous donne les références :
*** Apprentissage du langage oral à l’école maternelle. pour une pédagogie de l’écoute Pierre péroz CRDP Lorraine décembre 2010**
*** Pédagogie de l’écoute Hachette éducation mars 2018 (toujours P. Péroz)**
*** http://www.cndp.fr/crdp-reims/ressources/conferences/peroz/peroz.htm**
(il y a plein d’autres conférences de P. Péroz sur le net)
Enfin Gougoux et Cèbes travaillent aussi sur le langage en maternelle avec une méthode peut être plus attractive “Narramus”

Bon courage
Bien à vous
Reliance


#9

Merci pour toutes ces réponses très utiles, je vous tiendrai informé de l’évolution
de cette petite fille. En espérant qu’elle vienne plus régulièrement à l’école.


#10

Bonjour, Il n’est pas rare qu’un enfant en apprentissage d’une autre langue ne se risque pas tant qu’il n’a pas l’assurance de bien s’exprimer. Ça peut prendre de 12 à 18 mois. Il faut éviter de mettre de la pression sur la prise de parole. Assurez-vous que les tâches sont comprises en surveillant leur exécution. Parlez plus lentement, montrez ce dont vous parler. Profitez des chansons et comptines pour suggérer sa participation (ex. terminer une phrase: “Au clair de la …”, etc.). Suivez les conseils généraux appliqués au mutisme sélectif: micro-graduez les étapes. L’enfant peut hocher la tête (oui, non); pointer; dire un mot à l’oreille de l’adulte ou un ami, dire un mot dans un contexte structuré et prévisible (ex. fin d’une chanson), dire quelques mots en jeu avec un ami, puis deux, etc. Parfois l’utilisation d’une marionnette permet à l’enfant d’oublier que c’est lui qui parle, etc. Si vos inquiétudes persistent, consultez l’orthophoniste pour exclure un possible trouble du développement langagier.


#11

Bonjour, ton histoire m’est arrivée en 1986 à Trappes. J’avais une classe de moyens avec trois petits. La classe roulait du tonnerre après un court début compliqué. Un garçon turc est arrivé en cours d’année chez les moyens. Visage avenant, calme, aucun mot. La mère n’a pas pu m’aider. Je ne suis pas sûre qu’elle parlait français. Elle me laissait le petit et partait aussitôt.
Pendant trois semaines, le petit est resté debout près d’une chaise. Il n’avait pas l’air malheureux alors j’ai vite cessé de le solliciter mais je croisais fréquemment son regard en lui souriant. Les autres élèves me demandaient pourquoi il ne faisait rien et je leur faisais chut en leur souriant, ou bien ne vous inquiétez pas, discrètement, mais si, il regarde. Un jour, de nouveau, un enfant demande assez fort pourquoi Yawuz ne fait rien. Je réponds faussement scandalisée et à la fois fermement et en douceur : “Comment il ne fait rien ? Yawuz est très occupé. Ne le dérangez pas. Il est en train de faire quelque chose de très intéressant, beaucoup plus intéressant que ce que nous faisons nous.” Et bien, juste après, le garçonnet s’est assis, il a pris des crayons et a dessiné comme ses camarades, et!.. il s’est mis à chanter ! Une longue chanson, une voix d’ange, très douce et mélancolique. Les autres cherchaient mon regard. J’ai fait un chut et ils m’ont tous suivie. Nous l’avons laissé chanter. Son dessin fini, je me suis approchée. Il avait dessiné des scènes de guerre, des tanks, des armes, pas de couleurs vives. Tellement éloigné de la beauté du chant que nous venions d’entendre.
Il ne parlait toujours pas mais à sa façon, a partagé toutes les activités de ses camarades jusqu’à fin mai, date de la fin de mon remplacement.
Que j’aimerais savoir ce qu’il est devenu !
Véro


#12

Comme je ne peux pas appuyer deux fois de suite sur le cœur, je l’écris donc ici : “j’aime !”


#13

L’animal est souvent un bon médiateur entre deux humains. L’enfant qui a son attention focalisée sur un animal peut avoir envie de parler à l’animal. Ce qui libère la parole. L’adulte à ses côtés qui parle aussi à l’animal établit une connivence qui amorce un échange. Après 25 ans de médiation cognitive auprès de jeunes en collège ou lycée je pratique maintenant la médiation animale auprès je jeunes en institution spécialisées. J’ai observé que côtoyer un animal facilite les échanges verbaux. Mais il n’y a pas de recette miracle.


#14

Bonjour,
C’est un énorme challenge pour cette petite fille allophone d’apprendre le français dans un contexte scolaire où il y a déjà tellement à découvrir pour un enfant francophone.
Pour se mettre à sa place, imaginons la même situation inversée, avec un petit français parachuté dans une école pakistanaise… je gage qu’on ne l’entendrait pas beaucoup parler non plus pakistanais, du moins durant les premiers mois! Ce n’est donc pas d’un spy dont elle a besoin, mais de temps, de patience et de soutien linguistique.

Si elle rejoue l’école à la maison, c’est bon signe, elle s’attelle à “digérer” les mots et situations qu’elle a appris à l’école en journée. Je suis persuadée qu’elle observe et écoute avec attention, et cherche à capter le plus possible d’informations, mais avec le peu de mots dont elle doit disposer c’est sûrement encore trop intimidant pour elle de se lancer.

J’aime beaucoup les conseils de Marpeau, Nathalie, Thot et Vero: lui donner confiance pour s’exprimer avec le peu de mots dont elle dispose, sans pression, dans un contexte décomplexant /désinhibant (jeu, nature, animaux, marionnettes, musique, art, mime…).

Le Casnav de Strasbourg a développé des outils pour enfants allophones et propose des histoires (version audio et texte) pour enfants racontées dans plusieurs langues au choix. Proposer à l’enfant d’écouter la version de sa langue maternelle avec la version française peut l’aider à faire le lien culturel et linguistique.
http://www.ac-strasbourg.fr/pedagogie/casnav/enfants-allophones-nouvellement-arrives/ressources-premier-degre/supports-pour-valoriser-la-langue-dorigine/traductions-audio-et-ecrites-dalbums/#c9631

Il y a aussi des imagiers et livres de contes multilingues. Les éditions Migrilude sont spécialisées dans ce domaine:
https://www.migrilude.com/fr/43-nos-livres-multilingues?q=Tranche+d'âge-3+ans+et+%2B

1,2,3 l’école avec CD et cartes en 17 langues: https://www.migrilude.com/fr/nos-livres-multilingues/74-123-l-ecole-avec-cd-et-cartes-en-17-langues.html

Imagiers multilingues: https://www.migrilude.com/fr/packs-offres/78-pack-imagiers.html

Bonjour tortue, histoire en 10 langues: https://www.migrilude.com/fr/nos-livres-multilingues/36-bonjour-tortue-album-multilingue-9791097542009.html