Frise numérique ou pas ?


#1

Bonjour à toutes et à tous,
Je viens tout juste de finir le petit livre “apprendre à calculer à l’école” de Rémi Brissiaud, que j’ai trouvé très intéressant. Il s’agit d’une critique d’une méthode d’apprentissage qu’il appelle le comptage-numérotage (qui consiste à apprendre à compter en faisant correspondre un nombre- un objet) qu’il oppose au comptage-dénombrement, qui consiste à apprendre à compter en précisant que une peluche plus une peluche c’est deux peluches, et entraîne à visualiser le nombre comme un tout et non un objet. Il explique les ravages de la première méthode, et les avantages de la seconde. Cela n’a rien de révolutionnaire sur ce forum, puisqu’il me semble que la plupart des activités que propose Céline Alvarez sur son site découlent de cette seconde méthode. Toutes sauf … la frise numérique !
Rémi Brissiaud explique que dans les années 80 il encourageait l’usage de la frise numérique dès la maternelle avec précaution, mais il a depuis changé d’avis et la déconseille auprès des enfants qui ne savent pas compter-dénombrer au moins jusqu’à 5 ou 10. Il donne pour preuve les résultats comparant le niveau en mathématiques de CM2 de 1987, 1999 et 2007. En 1987, les élèves de CM2 avaient commencé les mathématiques au CP directement avec des “dénombrements” et avaient un niveau en maths largement supérieur à celui d’élèves de 1999 et 2007 qui eux ont découverts les nombres dès la maternelle en commençant par “numéroter”. Bref il semble dire que le comptage-numérotage malforme la conception des mathématiques, et qu’il est bien plus difficile de faire comprendre les maths à un enfant qui sait compter-numéroter qu’à un enfant qui ne connait pas les nombres.
Ce qui entre en contradiction avec le commentaire sous la vidéo de la frise numérique de ce site et qui explique que cette activité peut être faite dès deux ans et demi et que les recherches scientifiques montraient que ça permettait de mieux concevoir les mathématiques.
Voilà, je voulais lancer le débat, connaître vos avis, et savoir si vous avez les références des recherches scientifiques évoquées sous cette vidéo.


Questionnement frise numériques et barres rouges
#2

Manuela Piazza (INSERM), explique lors de sa conférence Le gout des nombres et comment l’acquérir (Colloque du 20 mars 2012 “Sciences cognitives & Education” au Collège de France) les résultats solides issus de la recherche en neurosciences cognitives, spécifiquement dans le domaine de la cognition numérique, qui nous fournissent des pistes claires pour aider nos enfants à développer de bonnes compétences numériques.

Manuela évoque dans cette conférence le sens inné du nombre ainsi que (à partir de la minute 23) l’importance de la représentation linéaire des nombres pour le préciser de manière efficace. “On sait que les supports pédagogiques qui font référence explicite à la notion de ligne numérique sont très efficaces”, explique la chercheuse.

Manuela Piazza cite ensuite, à partir de la minute 26, plusieurs études - Griffin & Case (1994, 2004) ; Ramani & Siegler (2008) ; Lilliard and Else-Quest (2008) ; Wilson Fayol Dehaene (2007) - ayant testé l’efficacité de supports pédagogiques utilisant explicitement la notion de linéarité dès le plus jeune âge (via des lignes/frises numériques) et ayant montré une efficacité très significative. Une de ces études montre par ailleurs que ces supports offrant une visualisation spatiale des nombres sont particulièrement bénéfiques chez les enfants issus de milieux sociaux-économiques très défavorisés, qui, après un entraînement avec ce type de supports voient leurs performances numériques augmenter significativement et dépasser celles d’enfants issus de milieux plus favorisés.

Voici le carton de conclusion de Manuela Piazza :

  • L’apprentissage des nombres et du calcul se construit à partir d’un système neurocognitif préexistant qui permet d’extraire et manipuler mentalement l’information numérique approximative de l’environnement sensoriel.
  • Ce système est suffisamment plastique pour être partiellement reconverti, grâce à l’éducation, au codage du nombre exact, grâce auquel nous arrivons à comprendre et manipuler les symboles numériques.
  • Ce processus d’apprentissage est aidé par l’utilisation des supports de visualisation spatiale des nombres.

Pour information, Mr Rémi Brissiaud était présent lors de ce colloque. Manifestement dérangé par la conférence à laquelle il venait d’assister, il est intervenu lors du temps de parole qui a suivi (à 5’50 min dans le lien ci-dessous) en remettant en question le contenu exposé qui fait pourtant aujourd’hui consensus dans le monde de la recherche scientifique… allant jusqu’à affirmer que l’effondrement des compétences numériques des enfants à l’école depuis les années 80 était corrélé, selon lui, à l’entrée dans les classes de supports pédagogiques utilisant la ligne numérique. La réponse de Manuela Piazza est intéressante et a le mérite de remettre les choses à leur place.

J’espère que ces vidéos vous auront été utiles :slight_smile:

Merci pour votre message qui nous invite à ajouter cette référence que nous avions oublié d’insérer sous les vidéos de Mathématiques sur le site internet.


#3

Merci beaucoup, c’est exactement ce que je cherchais. Je vais regarder ça tout de suite !


#4

Bonjour. difficile de se mêler et de prendre position dans un débat scientifique.
Pour ma part, je garde toutes les options ouvertes pour mes élèves . Bande numérique assidument lue et étendue, mais je n’utilise le dénombrement pour donner un cardinal qu’avec les élèves qui ont acquis les perceptions globales de 1, 2 et 3 et qui savent voir 1 et encore 1, 2 et encore 1 etc.
Ce qui m’amène à dénombrer avec les élèves vers leurs 3 ans 4 mois , bien que la comptine numérique soit étudiée et bien avancée.


#5

Depuis que j’ai pris connaissance de ce débat je me pose aussi beaucoup de questions … J’ai pris l’option de ne pas favoriser une approche plutôt qu’une autre, j’ai donc laissé ma frise numérique et mes élèves aiment beaucoup s’y référer, mais je propose aussi bien sûr les barres rouges et bleues pour le dénombrement (conformes à l’approche de Brissiaud) et je travaille beaucoup sur les décompositions des nombres (en regroupement ou pendant le temps de travail libre, avec des jetons ou un jeu de cartes type Brissiaud).


#6

Tout à fait, pour ma part, la frise numérique apporte une véritable frénésie à mes élèves, mais je veille lors de certaines activités si un enfants me donne un certain nombre d’objets ex: 4 briques pour représenter les filles présentent, et qu’il y a divergence," oui, 4 c’est un et encore un (2)et encore 1 (3)…