Lorsque je lis les écrits de @Celine je ne peux m’empêcher de m’étonner de la place prépondérante donnée à la démonstration par l’adulte , l’imitation par l’enfant des gestes montrés par l’adulte , la répétition ( j’ai déjà exprimé dans un autre sujet mes interrogations quant à la répétition ). Pourquoi cette réticence vis à vis des jeux de faire semblant (ils sont tolérés mais non considérés comme essentiels) ?
Quelle place est-elle donnée à la créativité & au développement de l’imaginaire ?
Merci de m’éclairer !
Imaginaire & jeux de "faire semblant"
sylcha
#1
Leila
#2
Bonjour Sylcha,
Quand un enfant “fait semblant” de mettre la table au coin dinette, n’est-il pas dans la répétition des gestes des adultes qui l’entourent ? Et du coup, n’est-ce pas plus intéressant pour lui de mettre la table “pour de vrai” ?
Ceci dit l’école n’est pas une vrai maison, et malgré tous nos efforts, nous avons bien du mal à nous séparer des situations artificielles que nous proposons aux enfants. Il faudrait, comme Montessori le préconisait, que les écoles soient des maisons, et que les enfants soient réellement en charge de ces maisons (avec l’aide et l’étayage des adultes bien sûr).
Je ne crois pas que le train électrique ou le coin épicerie soit mauvais pour les enfants, simplement il y a vraiment beaucoup de choses à faire en classe qui réclament calme et attention. Si nous pouvions avoir une salle de jeu dans l’école, que les enfants pourraient fréquenter librement… pourquoi pas 
Quant à la créativité, je crois qu’elle ne vient qu’avec la liberté et l’autonomie. Et elle a une grande place dans la vie d’un enfant qui doit constamment faire des choix, trouver des solutions.
sylcha
#3
Bonjour Leila81 et merci pour votre réponse .
Le travail des fonctions exécutives est une chose , le développement de la créativité &de l’imaginaire en est une autre.
Apprendre à manipuler et se servir d’objets courants, oui , bien sûr ! Mais " jouer à " avec ces mêmes objets , " faire semblant de "est fort différent et ne développe pas les mêmes compétences . Ça n’a rien à voir avec une simple répétition de schémas moteurs .
Je suis également très séduite par le concept de la classe belle comme une maison lieu de vie agréable comme une ruche ,mais pourquoi , au sein de cette ruche ne faire que la place du pauvre à ces coins jeux ?
Faire semblant de faire la popote ce n’est pas seulement manipuler les ustensiles , c’est rêver avec , inventer , se projeter ( je fais une soupe pour mon nounours , je suis une méchante sorcière et je fais un vilain bouillon , je fais de la magie et les couverts deviennent des baguettes magiques ).
Les activités précises , bien structurées , ordonnées , constructives sont bien sûr essentielles ( elles me paraissent d’ailleurs nécessaires tant pour l’enfant que pour l’adulte qui l’accompagne dans ses découvertes et ses apprentissages car elles sont facilement observables ) mais je reste persuadée que , même s’il y a beaucoup à faire dans ce domaine , un indispensable temps doit être aussi réservé au développement de l’imaginaire , de la créativité , de la richesse intérieure .
De même qu’un enfant s’approprie la langue tout en devenant aussi " créatif en langue ", il me semble que cette créativité doit se développer dans tous les domaines cognitifs .
Je reste très intéressée par toute votre démarche mais cet aspect me laisse sur ma faim …
Celine
#5
Bonsoir @sylcha, je partage entièrement votre avis. Le jeu libre, non dirigé de l’extérieur, est capital - avec d’autres paramètres bien sûr - pour le bon développement de l’enfant.
Si ce point vous intéresse, je donne une bibliographie dans mon livre qui renvoie vers des recherches confirmant que le jeu libre entre enfants développe non seulement les compétences exécutives mais également la créativité, les compétences émotionnelles et sociales, l’imagination, et la confiance en soi. Vous trouverez ces informations notamment dans la partie “Plus de liberté” p. 329, où j’évoque l’importance des moments où les enfants “se racontent de grandes histoires”, notamment lorsqu’ils peuvent le faire librement dans la nature.
C’est pourquoi j’insiste régulièrement sur l’importance de tendre de plus en plus vers des environnements qui offriraient aux enfants un accès libre à l’extérieur, ou à des salles attenantes où ils pourraient s’immerger dans de grandes aventures imaginaires sans perturber leurs camarades engagés dans des activités qui requièrent calme et concentration.
Néanmoins, comme le dit @Leila81, et comme je le précise dans mon livre lorsque j’aborde les limites de l’expérience de Gennevilliers, nous avons manqué de place pour offrir un tel espace aux enfants. Lorsque nous poursuivrons notre recherche pédagogique dans les années à venir - l’expérience de Gennevilliers n’est qu’un point de départ - nous donnerons une place importante à cela. Peut-être pas forcément “à la dinette”, car lorsque les enfants peuvent réellement participer à la vie quotidienne, ils délaissent naturellement ce type de substituts de réalité, mais nous avons en tête de nombreux autres dans lesquels les enfants s’immergent spontanément.
Melanie
#6
Je crois que personne ici ne pense qu’ils ne sont pas intéressants.
Le problème pour nous est bel et bien la place qui nous est offerte dans les écoles ! Et puisqu’il n’est pas possible de placer dans une classe tout ce qui serait souhaitable, nous sommes nombreux à faire le choix d’ôter ces coins jeux.
La présence d’un enseignant n’étant pas nécessaire pour ces activités, nous pouvons les laisser pour le temps hors scolaire: à la maison, chez la nourrice, au centre de loisirs, à la garderie périscolaire, … Ce sont aussi des temps importants pour les enfants.
sylcha
#7
Bonsoir @Celine et merci pour votre réponse éclairante .
Je suis avec beaucoup d’intérêt le " phénomène" que vous avez initié et , sur la réserve au début , je dois dire que plus le temps passe , plus je lis les échanges riches qui ont lieu sur ce forum , plus je suis convaincue que vous avez soulevé une vague porteuse . A lire l’enthousiasme suscité chez chez les enseignants , je me régale .Vous avez redonné du peps à bien des professionnels en souffrance , et ça , ça ne peut être que bénéfique pour les enfants . Quant aux jeunes profs , ils démarrent leur vie pro avec une formidable motivation .
En tant qu’orthophoniste je suis passionnée depuis mes débuts par les sciences cognitives et je me réjouis qu’elles soient un moteur fort pour l’école .
g6kpey
#8
A la lecture de vos messages il me semble que pour répondre au manque de “place”, de moyens pour offrir ces jeux libres aux enfants il pourrait être intéressant de le faire réinvestir aux familles. Former informer les parents sur cette nécessité pour l’enfant du jeu comme moyen d’apprentissage et de développement.
Ces jeux sont malheureusement perçus comme une perte de temps ou une fantaisie par des parents qui parfois méconnaissent ces besoins de l’enfant ou parfois sont trop soucieux d’un apprentissage objectivé.
marie21
#9
Autre piste de réflexion : la cour de récréation…
Comment enrichir cet espace et les moments que les élèves y vivent…?
L’an dernier, j’ai “osé” davantage de matériel de motricité… Puisque j’avais chamboulé mon emploi du temps et diminué les temps formels de motricité, il me semblait indispensable de proposer une expérimentation libre avec le matériel auquel les élèves avaient moins accès…
Désormais je me questionne sur les jeux de “faire semblant” ainsi que (pour les plus grands) les jeux de “faire jouer un petit personnage” et je me dis que la cour de récréation peut offrir un bel espace à investir avec toutes sortes de jeux/jouets qui ne tiennent plus dans la classe…
Voici quelques idées glanées ça et là auprès de collègues :
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coin poupée / dînette / marchande dans une petite cabane en bois / maison si la météo le permet avec baigneurs (plus résistants aux intempéries) baignoires et eau en été, poussettes, lits, dînette, accessoires et petits meubles de cuisine. Tout ça va évidemment se salir (miam la bonne soupe à la gadoue!
) ce qui donnera une excellente VRAIE BONNE RAISON de nettoyer / faire la lessive avec le matériel dédié en classe !! 
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des playmobils, duplos ou autres personnages à faire jouer (dans le bac à sable? ou ailleurs…)
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véhicules dans le bac à sable pour faire des circuits (ou sur un tapis-circuit si il fait beau et/ou qu’on n’a pas la chance d’avoir un bac à sable)
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une table avec de l’argile (et des blouses!) tellement mieux dehors pour des questions de salissures ! (et pourquoi pas des billes, toujours dans l’idée de réaliser des circuits/parcours)
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des craies pour dessiner au sol (voir juste de l’eau…sur cour goudronnée)
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incontournables billes, quilles, élastiques, cordes à sauter, cibles + balles velcro, bref jeux d’adresse en tous genres!
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quand il fait très beau : caisse de déguisements, des grands tissus (idéal pour des cabanes éphémères ou pour matérialiser des espaces au sol)
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pour les artistes et chercheurs de trésors, des émaux de Briare (morceaux de mosaïques/petites chutes de carrelage) et autres verroteries (billes plates) enfouies dans le bac à sable… émerveillement garanti ! et les pâtés ont une autre allure!!
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… etc! d’autres idées? je suis preneuse!
Helene35
#10
Petite illustration de ce que donne la liberté d’expression dans une cour en avril avec des PS/MS
Une autre idée : laisser des pelles, des brouettes … et laisser faire les petits cantonniers !
surtout en cette période d’automne, quel bonheur de pouvoir brasser des feuilles …
Celine
#11
L’idée d’une “Boite à jouets”, offrant des objets en tous genres, qui invite aux jeu libre, à la création et aux jeux imaginaires me semble également intéressante pour réinvestir les cours d’école.
Leila
#12
Hihi ! J’étais en train d’écrire un message ici pour renvoyer vers le sujet que je viens de créer à ce sujet 
marie21
#13
ah oui @Helene35 , pelles et brouettes j’avais déjà … ainsi que le nec plus ultra : une balayette et sa pelle (pour nettoyer le sable qui s’insinuait un peu partout dans la structure de jeu)
Pour ce qui est des petits cantonniers, j’approuve à fond et même je rajouterais 1 ou 2 petits râteaux-griffes : 
sylcha
#14
Formidable !
Merci Céline pour cette découverte , ce reportage est d’une grande richesse .
Des cours de récré de géniaux petits inventeurs …
Et l’ OBJET DÉTOURNÉ , une source inépuisable et essentielle dont on comprend bien ici les bénéfices .
sophilo
#15
Quelle belle initiative,
J’adore les cabanes. Je crois que je vais m’inspirer de cela pour de nouvelles caisses dans la récréation : tissus ; briques diverses pour des constructions grandeur nature. Nos jeux de cour restent encore à base de jouets. J’aime cette idée de jeu créatif et je vais m’y atteler dès la rentrée 2017.
Pour ma part, j’ai fait le choix d’accorder une importance particulière aux jeux de faire semblant. Cependant, ces jeux sont sortis lors de la récréation où il y a un mélange d’âges et donc un foisonnement d’interactions sociales.
Pour le moment, nous avons :
- un espace poupée avec un bel ensemble baignoire tables à langer, poussettes, landaus, chaise haute…
- un espace dînette avec un lavabo, cuisinière, vaisselier, réfrigérateur, table, chaise…
- une jolie marchande
- diverses caisses : duplos, clipos, animaux, ferme, voiture et tapis routier, caisse d’aliments avec desserte pour les marchands ambulants…
- une belle marelle avec un palet
- une structure bateau toboggan
- draisienne, tricycle, trottinette
Helene35
#17
C’est drôle, c’est la réflexion que m’a faite une maman ce soir en récupérant son fils …
sylcha
#18
C’est aussi ce que je ressens quand je travaille en individuel avec mes élèves : si je m’ennuie , c’est que je suis en train de faire du mauvais boulot avec eux . Si je m’amuse ou prends plaisir ( quelle que soit la tâche , de la grammaire par ex qui peut paraître poussiéreuse et dont je suis folle ) , la séance est riche et fructueuse .
Jouer / travailler / apprendre … le trio gagnant , et tout le monde est heureux !
lunette
#19
Bonjour,
En pleine lecture - comme je le mettais dans certains messages - de Peter Gray, je me pose de plus en plus la question du jeu libre. L’auteur insiste vraiment sur le fait que le jeu libre (et pas avec supervision de l’adulte) est très important pour le développement de l’enfant, et que l’école grignote de plus en plus ce temps de jeu libre (pour du “travail”). Les semeur-cueilleurs - que les hommes ont été pendant 80% de l’humanité environ - ne sont pas “derrière” leurs enfants, pas dans l’attente etc… et les enfants sont épanouis (ou écoles Sudbury avec lesquelles il fait le parallèle). Est-ce que dans les formations pour être professeur des écoles, on parle de l’importance de ce jeu libre? (et de la nature souvent associée!) Etant une maman, et en train de visiter des écoles, je m’étonnes des “fiches de travail” pour des enfants de 3 ans (dernière école visitée) de la “pression” qu’il faut mettre (dixit une directrice d’école), je me sens de plus en plus en contradiction 
avec le personnel des écoles que je rencontre. Voilà un petit lien: http://apprendre-reviser-memoriser.fr/developpement-cognitif-enfants/