C’est bien le problème des ateliers tournants : bien souvent les enfants ne se sentent absolument pas concernés par la tâche proposée. Ou bien c’est trop facile, ou trop dur, ou pas assez explicité, ou tout simplement ne correspond pas à leur préoccupation du moment… bref autant de raison qui font qu’un enfant a envie de tout sauf de faire ce que tu lui a demandé de faire !!!
Du coup à la fin de la 1/2 heure de travail, ni ceux qui étaient avec toi, ni ceux qui soit disant n’auraient pas besoin de toi n’ont fait quoi que ce soit à part se disperser et s’énerver (et toi avec). Et l’énorme programme que tu t’es fixé n’avance pas, ça te désespère, et te démoralise, ce qui est bien normal on le serait à moins !
De mon point de vue cet emploi du temps est intenable. Cette programmation aussi, elle n’a pas de sens. Je prends un exemple simple : c’est quoi cette barrière du 8 en maths ? Tu dis que tu as une classe hétérogène (en fait toutes les classes sont hétérogène, le fait d’avoir un groupe homogène d’enfant relève du fantasme, et je ne vois pas comment ce serait possible à obtenir, à part dans un film de science fiction où les êtres humains seraient clonés et élevés à part les uns des autres par des machines). Bref donc dans cette classe de MS il y a sûrement des enfants capables de faire tout ce que tu dis avec des nombres allant au delà de 30, et d’autres qui sont perdus après 5, d’autres qui peuvent compter jusqu’à 50, mais qui ne peuvent pas décomposer 5 etc… Donc décider arbitrairement qu’en période 4 de la MS, tu allais travailler les nombres jusqu’à 8, c’est mettre tout le monde en difficulté, les enfants d’abord, mais toi aussi.
Tout ce que je dis là n’est pas contre toi. Ni contre les collègues qui fonctionnent comme ça avec cette classe. Tant mieux si elles y arrivent, mais moi je ne vois pas comment je m’en sortirais, et je comprends que tu n’y arrives pas. Pour moi ce fonctionnement n’est tout simplement pas adapté à la réalité, et tout le monde s’épuise à vouloir faire tourner un truc pareil !
Si j’ai bien compris tu as deux semaines avec eux, et tu ne veux pas te lancer dans de grands chamboulements et c’est bien normal. Mais tu peux peut-être lever un peu le pied. A ta place, je prendrais peut-être un ou deux domaines où tu souhaites les faire progresser. Genre la phono et la connaissance de la comptine numérique. Je mettrai :
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deux groupes à des tables avec des ateliers pas pénibles à faire, et sans consigne trop fermée. Ils n’auraient pas le droit de parler fort, ni de se lever. Tu pourrais y proposer des jeux de construction, de la pâte à modeler, les puzzles… (tu n’attends rien d’eux à part qu’ils se fassent plaisir, et qu’ils restent calme, tu ne contrôle pas les réalisations, bref tu lâches prise).
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un groupe en ateliers autonomes individuels, puisque c’est en place dans la classe, ce serait dommage de ne pas en profiter !
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un groupe avec toi à avancer sur un domaine précis, mais chacun à son niveau. Un groupe auquel tu puisse te consacrer vraiment sans être dérangée par les autres, pour qu’ils avancent vraiment. Peut-être que pendant un jour ou deux ça vaudrait le coup de ne pas prévoir ce groupe là, mais seulement des groupes où ils n’ont pas besoin de toi pour l’activité, histoire que tu sois dispo pour installer les règles de vie avant de te mettre au boulot.
Et j’utiliserais les regroupements pour en faire des temps d’apprentissages rapides et ludiques, sans oublier de lire des histoires, beaucoup d’histoires. Là je crois que tu te fais du mal, et ce n’est pas très juste. Pour ce qui est des collègues titulaires de la classe, je comprends qu’elles aient donné des directives en terme d’objectifs, mais de là à t’imposer de mettre en oeuvre des activités vides de sens du genre de celles dont tu nous montres les photos, ça me paraît abusé. Leur as-tu demandé de te transmettre les outils de suivi des enfants, c’est à partir de là que l’on peut savoir quoi proposer à qui.
En tout cas je te souhaite beaucoup de courage pour ton stage. La maternelle est un âge fabuleux, les enfants y sont naturellement enthousiastes, pour peu qu’on ne s’enferme pas (et eux avec) dans un fonctionnement trop éloigné de leur élan naturel.