Permaculture scolaire


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Progresser

Pour avancer, les élèves ont besoin d’ancrage. En escalade, il faut au moins deux ou trois prises de confiance avant d’oser lâcher une main et s’aventurer vers une nouvelle plus en hauteur. Si l’on reste collé à la paroi, sans recul sur la voie déjà parcourue, ni sur les prises qui s’offrent à nous pour progresser, on va se tétaniser et ne plus progresser dans l’ascension, telle une moule rivée au rocher. La confiance dans les prises existantes et à venir est également primordiale. On n’osera jamais s’avancer si le doute s’installe sur la fiabilité des prises qui s’offrent à nous, et notre capacité à s’y maintenir. La capacité des élèves à progresser est liée à la confiance qu’ils accordent dans leur capacité à lâcher ce qu’ils maîtrisent déjà pour aller vers un apprentissage nouveau.

C’est une pratique qui se travaille, pour prendre confiance en ses capacités, en regardant le chemin parcouru et évaluer les voies qui s’offrent à nous. Les activités libres et autonomes permettent cette approche responsabilisant et sécurisant chaque élèves dans ses choix et ses progressions individuelles.


#90

Les parties sur l’enfant et la famille sont également achevées. Je vous livre également quelques courts extraits (il y a une trentaine de pages). Me demander le lien en MP pour consulter et participer à enrichir le document complet. A bientôt. Bon été.

L’enfant

En classe, la zone 0 est le domaine de l’intimité de chacun des élèves, sa personne physique et émotionnelle. Chaque élève est une petite personne en devenir, avec ses particularités, son histoire, son tempérament à fleur de peau. C’est avec un plaisir chaque année renouvelé que j’accueille les tout petits dans la classe. C’est toujours un émerveillement. J’adore, sous la timidité apparente des premiers jours, découvrir leurs petits caractères bien trempés, qui vont vite s’exprimer.

Les enfants sont fiers de gagner en autonomie. Il n’y a pas d’activité simple car je place un enjeu pour chaque matériel, même pour un jeu qui pourrait à priori paraître très basique. Les élèves sentent que leur travail est valorisé, qu’ils sont à l’école pour travailler et apprendre, et qu’il y a toujours des progrès à faire en s’entraînant. Les petits découvrent à leur niveau les activités des grands. Et les grands reprennent avec plaisir et application les activités des petits, avec exigence.

La personnalité de chacun est un point essentiel qui différencie chaque classe. Chaque enseignant fera ses propres choix en fonction de sa sensibilité, mais il devra également veiller à s’adapter à la diversité de ses élèves. Les années ne se ressemblent jamais car les élèves ne sont plus les mêmes. Il faut sans cesse s’adapter. L’approche permaculturelle donne une cadre pour garder le cap tout en souplesse.

La famille
La zone 5 est en fait la plus importante, c’est la famille. Mais aussi la garderie, la nounou, chez papi mamie, en dehors de l’école, là où l’enfant passe la majeure partie de son temps. Le temps des vacances, des WE, le soir. Chacun vit des histoires familiales variées. Chaque rentrée à l’école est une rupture, l’enfant quittant le nid familial pour un espace de travail à plusieurs. C’est fatiguant, cela demande de la concentration et de l’attention aux autres. Et une grande relation de confiance qui se construit dans la durée avec les enfants et leur famille.

Adopter des postures d’élèves qui demandent un apprentissage, des règles strictes. Laisser son affect de côté pour des relations basées sur le langage verbal en classe. Être un enfant parmi une vingtaine d’autres autour d’un ou deux adultes référents. Tout le contraire de la famille ! La rupture est nette avec les habitudes de la maison. En tant que professionnel, n’essayons pas d’atténuer cette rupture. Au contraire, exagérons toutes les particularités de l’école. Sacralisons le passage en salle de classe sur la pointe des pieds. Théâtralisons notre élocution en chuchotant. Formalisons la communication par des messages clairs en posant la main sur l’épaule. Et les temps de regroupement sont des rituels bien spécifiques à l’école lors desquels les élèves apprennent à écouter, demander la parole, et parler sur un thème imposé. L’enfant à l’école se fond dans la classe, alors qu’à la maison il a pris l’habitude d’être comme un petit roi !

La question est : comment aider un enfant à se décentrer ? Se détacher de son vécu familial pour intégrer le groupe classe. Surmonter ses émotions premières, ses frustrations, pour se projeter dans une expérience plus collective, partager, échanger. Ce qu’on leur demande est énorme, ne sous estimons pas le travail demandé à un jeune enfant de maternelle. On comprend mieux pourquoi ils craquent complètement de retour à la maison, avec de grosses colères parfois, de la fatigue. L’attention et le contrôle émotionnel qui leur est demandé lors d’une journée de classe est énorme. D’autant que certains commencent et continuent leur journée en collectivité en garderie, ce qui leur fait parfois des journées de presque douze heures.

Le monde de l’école est un monde volontairement hermétique, car les règles qui s’y jouent sont bien différentes de celles du monde extérieur. Les rituels de passage de la maison à l’école marquent pour l’enfant l’entrée dans un monde magique, nouveau, peuplé de nombreux autres enfants de son âge. Un monde sans papa et maman, dirigé par des adultes aux attentes bien particulières. Moins de câlins, un langage ciblé, centré sur des apprentissages, un emploi du temps plus contraint.

Pour réussir ce passage au monde scolaire, la confiance et la communication entre les enseignants et les parents est essentielle. La bienveillance ne doit pas être uniquement envers les élèves, mais entre tous les adultes référents de l’enfant qui ont chacun des enjeux divers mais tout aussi légitimes. Tout ce qui nous rapproche est bienvenu : le cahier de vie, l’ouverture de la classe aux parents, les rendez-vous, les échanges informels au portail et dans la vie du village.


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