On arrive à la zone 4, et on s’éloigne du cœur de la classe pour envisager l’environnement global de l’école. On a moins de prise directe. Si ce n’est à travers l’investissement des espaces, l’élaboration du projet d’école, une bonne concertation au sein de l’équipe pédagogique, et beaucoup de bon sens.
Qu’est ce qu’une école ?
Les enfants doivent se sentir dans un environnement sécurisé, bienveillant, riche et rassurant. Cela passe par des locaux adaptés, des règles claires et limitées à l’essentiel, de l’écoute et de l’observation. Une école doit être centrée avant tout sur l’intérêt des enfants, ce qui paraît une évidence, mais n’est pas toujours le cas dans les faits. D’où le bon sens qui doit primer sur nos représentations d’adultes. Soyons radicaux, au sens d’aller à la racine, à l’essentiel.
L’école est un espace et un temps d’apprentissage et d’émancipation pour les élèves, à l’abri des contraintes et sollicitations de la société environnante. A l’école laïque, les enfants sont préservés du prosélytisme religieux mais aussi du martelage publicitaire. L’école est un lieu de construction du savoir et de libre arbitre, qui ne saurait être soumis à des impératifs extérieurs, la religion et la société de consommation restant du domaine privé.
Autant les instances et les collègues sont vigilant quant à la non intrusion du religieux dans l’école publique. Les amicales laiques sont des associations qui oeuvrent à défendre la laïcité dans nos écoles, et y promouvoir les échanges culturels. Elles font un travail admirable.
Mais à côté de ça, nous avons aussi des politiques qui s’engouffrent régulièrement dans la brèche pour attiser des polémiques stériles, autour du port du voile ou du porc dans les cantines. Ces même politiciens s’offusquent de la main mise de plus en plus prégnante des firmes privées sur l’école laïque et républicaine, qui devrait rester indépendante.
Prenons l’exemple flagrant du numérique. Nous sommes contraint dans les écoles d’utiliser Windows, préinstallés sur chaque ordinateur qu’on nous livre. Ce système d’exploitation est inadapté à nos usages, avec des mises à jours intempestives qui brident nos vieux materiel obsolètes au bout de quelques années. Les logiciels associés ne sont pas prévus pour être utilises par des enfants. Et nous n’avons pas la main pour paramétrer ces logiciels propriétaires pour les adapter à notre pédagogie.
Pourtant, avec tous ses plans écoles numériques qui ont coûté des milliards, cédant au lobbying, l’état a loupé l’opportunité de promouvoir des logiciels libres de droit, adaptés aux usages scolaire d’apprentissage. Sans parler de développer ces logiciels dans toutes les administrations publiques, en particulier dans les domaines sensibles. Au lieu de cela, nous ramons à former des élèves sur du matériel et des logiciels inadaptés. Pourquoi ne pas mobiliser des étudiants en informatique pour concevoir un environnement libre adapté aux impératifs scolaire. Ou avoir un vrai service d’État. Plutôt que de sous traiter les applications à des boites privées qui nous pondent des horreurs. L’administration adore nous torturer avec des sites imposé aux jolis noms de Gaïa, Jade, Pia …
Et nous sommes encouragé à placer les enfants devant un écran dès leur plus jeune âge si en suivait les programmes, ce qui est une aberration. Je n’utilise quasi aucun écran dans ma classe maternelle, sauf occasionnellement en langage avec le vidéoprojecteur, et quelques photos avec le portable. La plupart des enfants subissent déjà abusivement la télé et les jeux vidéos à la maison. Apportons leur autre chose à l’école, quitte à paraître ringard.
Les exemples d**'intrusion des firmes privées dans l’école** sont de plus en plus courant. Il faut savoir que le secteur de l’éducation, avec celui de la santé, constitue les plus gros marchés dont le secteur marchand prévoit de s’accaparer en le privatisant. Pour le moment, on a des firmes qui, sous couverts d’actions pédagogique et de partenariats publique privé, entrent discrètement dans les classes. Et notre hiérarchie s’en accommode très bien, à commencer par notre ministère qui les mets en place.
Chacun a des exemples de ces pratiques. J’ai souvenir d’une action pour la santé dentaire avec des dentistes intervenants dans les classes, très bien. Mais c’était sponsorisée par Colgate, avec la grosse publicité dans le clip de présentation. En arriverons nous à présenter des programmes télévisuels éducatifs aux élèves entrecoupés de pages de pub, comme aux États-Unis dans les écoles publiques (“pour les pauvres” aux USA).
Je pourrai citer également le kit sur les énergies renouvelables gracieusement offert par Areva (industrie nucléaire), celui sur l’alimentation mis en place sous l’égide du ministère par Danone, ou le kit d’expériences sur l’eau distribué par Véolia. Ce n’est pas sérieux, le message est forcément biaisé. Parler énergie avec un chantre du nucléaire ! Ou alimentation équilibrée avec un industriel qui bourre ses produits d’adjuvants. Ou encore accepter le kit sur l’eau offert par le champion mondial du lobbying pour privatiser ce bien commun vital.
Mais le matériel est offert et attractif, bien pensé du point de vue pédagogique, c’est tellement tentant. Nous n’avons pas tant de budget dans les écoles pour se permettre de refuser ces kits gratuits prêts à l’emploi. D’autant que l’aval du ministère nous sert de caution. Les industriels y mettent les moyens, ce qui est louche car rien n’est fait sans intérêt.