Permaculture scolaire


#62

Les temps de déplacements par exemple sont des transitions propices aux débordements. J’essaie de les ritualiser pour cadrer ces moments où certains petits ont besoins d’être rassurés. Cela détourne l’attention, évite les pleurs.

Depuis la rentrée, je marque un petit rythme (trois temps suivi d’une pause) pour capter la file des enfants. Je profite de ce moment de regroupement imposé, en rang, pour mener des comptine (123 nous irons au bois…), des séances de phonologie (geste de Borel Maisonny).

Comme les temps de regroupement se font rares sur la journée en travail libre autonome, je “rentabilise” donc ces moments formels que sont les petits déplacements réguliers. Je relâche assez la pression toute la journée de travail, les enfants choisissent leurs activités, prennent leur temps. Ils peuvent donc se concentrer cinq minutes le temps qu’ils sont en rang.

Et pour les plus long déplacements en extérieur, on en profite pour rechanter tout notre répertoire de chansons. :microphone::grinning:


#63

Le temps de récréation est également un temps particulier de relâchement, tant pour les élèves que pour les adultes. On a tendance généralement à le considérer comme en marge des apprentissages. Je ne connais pas de collègues qui fasse de préparations, de progressions sur ce temps qui représente tout de même une demi-heure chaque matin et chaque après-midi. J’ai essayé ; des présentations de chaque jeux, sur plusieurs niveaux de difficulté, comme je fais avec mes activités de classe. Puis j’ai laissé tombé en pratique car je partage la cour avec des collègues ont choisi de laisser les enfants libres en récréation. Mais je garde l’idée.

Je conserve tout de même de cette expérience une tentative de cohérence entre les règles de la classe et celle de la récréation. On utilise les messages clairs pour communiquer, résoudre des conflits, dans la bienveillance. On peut garder un jeu aussi longtemps qu’on le souhaite. On demande, on ne prend pas des mains. On range soi même ce qu’on l’on a sorti. Si on laisse un jeu la temps d’aller aux toilettes par exemple, on est rassuré car personne ne l’aura pris d’ici à ce que l’on revienne.

Enfin, je laisse la récréation de l’après-midi n’est pas obligée. Je laisse la possibilité aux élèves qui se réveillent tout juste de la sieste de rester tranquillement travailler en classe. Et souvent je saute tout simplement ce temps pour prendre plus notre temps l’après-midi. Je renvoie au sujet que j’avais ouvert sur le sujet : “La récréation de l’après-midi est-elle bien nécessaire ?” Sous réserve que chaque collègue accepte de gérer sa classe et que l’on ne soit pas tributaire de services de récré, ce qui n’est en rien institutionnel, mais peut poser des problèmes en équipe comme l’a souligné cette collègue. D’où l’importance de rester maître de sa classe pour pouvoir s’adapter librement, tout en souplesse face aux imprévus.

Je garde aussi des ces année où j’étais coincé dans une petite classe tout en longueur l’habitude d’ouvrir la porte sur l’extérieur quand la météo le permet. Les enfants qui le souhaitent peuvent alors travailler dehors. Mais c’est un temps de travail, dans le calme, exactement comme à l’intérieur.

Voilà donc comment transformer des contraintes de temps, d’espace, en autant opportunités pour modifier ses pratiques de façon constructive.


#64

Cette fin de période, avant Noël, est un moment particulier de relâchement dans l’année. Les enfants sont à la fois fatigués et excités. Je ne sais pas vous, mais je ne prévois rien en tant qu’apprentissages nouveaux en décembre. :christmas_tree:

Au contraire, je laisse libre toutes les activités connues, que les enfants puissent y revenir, se rassurer en réussite. Je ne pousse pas trop les contraintes de progrès, je les laisse utiliser le matériel de façon basique. Pour chaque activité, je défini en effet divers niveaux de difficulté notés sur les fiches d’observations que je me suis construit, de façon à faire évoluer les consignes en fonction de l’age et du niveau de chaque élève. Eh bien ce n’est pas bien le moment de pousser les élèves vers des consignes plus complexes, je m’en rend compte chaque année en cette période.

Par exemples, sur les jeux de constructions, les enfants sont en construction libre ; ce n’est pas vraiment le moment d’encourager l’utilisation de fiches modèles, ni la construction par étapes, ni les listes de commandes de pièces. En pâte à modeler, c’est la période où les enfants reviennent à la base, les boudins, les galettes. Nombreux sont ceux qui aiment se concentrer sur les dessins et décorations ce mois-ci. Je laisse aussi libre les graphismes au tableau. En motricité, les parcours sont libres. Et les quelques nouveaux jeux que j’ai sorti pour Noël sont en mode découverte. J’ai déballé par exemple mes commandes de SmartGames, mais je leur laisse un temps pour raconter les histoires avec les figurines, avant d’introduire doucement les défis. Puzzles, jeux d’empilement, et petites manipulation de début d’année sont également à disposition.

C’est donc une période où je laisse beaucoup d’activités à disposition des élèves, mais sans grandes contraintes de difficultés. En revanche, je recentre l’attention de la classe sur le respect des règles de travail, le calme, le respect, le rangement. Je gère en fait comme un début d’année, à la différence de la quantité de matériel qui est volontairement très limitée à la rentrée, alors qu’il est foisonnant en cette période. Je ne peux pas tout présenter, je veille juste à ce que la matériel soit utilisé convenablement. Et j’observe.

C’est également la période d’activités décrochées, comme la cuisine des gâteaux secs que l’on a encadré toute cette semaine. Les sorties. Ou des activités de petites décorations que je prévois dans les deux semaines à venir.

La période suivante, en janvier et février, je recentrerai au contraire la classe sur quelques activités ciblées. La plupart du matériel actuel va être rangé dans les placards. Je proposerai alors quelques activités nouvelles précises. Et je ressortirai quelques activités connues des élèves, mais que je pousserai au niveau des consignes pour encourager les apprentissages nouveaux.

Je fais le pari qu’en variant le matériel à disposition et les consignes, j’accompagne l’ensemble de la classe dans des cycles d’apprentissage, alternés avec des périodes de consolidation. J’encourage les élèves dans leur progrès, tout en respectant leur choix libre et autonome car les activités restent variées.

Voici comment les outils de la permaculture m’aident à faire un pas de côté quand nécessaire. “Utiliser les bordures et valoriser les marges”. Ce mois de décembre est un mois peu propice aux apprentissages, eh bien je laisse les élèves consolider leurs acquis. La période n’encourage pas l’ascétisme, ce n’est pas le moment de limiter le matériel comme d’habitude. Je leur propose au contraire de reprendre de nombreuses activités, pour le plaisir avant tout, pour les répéter à l’envi, pour se perdre un peu dans l’abondance du matériel à leur disposition. C’est Noël, cadeaux ! :gift:


#65

Pas évident de garder le cap en cette époque d’incertitude permanente, où on nous ballade, on nous enfume d’une absurdité à une autre. Il y a de quoi perdre ses repères. C’est d’ailleurs volontairement qu’on nous bassine d’un mensonge à un autre, d’un scandale à un autre. Jusqu’à nous faire perdre le sens des valeurs et l’envie même de nous indigner. Tout devient normal, même l’impensable. Plus c’est gros, mieux ça passe !

Dans nos classes, il nous a fallu improviser avec le confinement, adopter le port du masque, intégrer les gestes barrières à notre gestion de classe. Avant cela déjà, il y avait l’état d’urgence terroriste qui nous a fait accepter des règles absurdes que l’on nous a imposé et qui d’exceptionnelles sont devenues courantes. J’ai connu la mise en place des premiers PPMS, des réunions rocambolesques imposées par notre hiérarchie, à discuter des heures de cornes de brume pour sonner l’alerte et de rouleaux de scotch pour calfeutrer les fenêtres en cas d’accident nucléaire !

J’ai connu en vingt ans de carrière des changements de programmes à chaque ministre. J’ai pu constater également une lente dégradation des conditions d’exercice du métier. Un glissement des missions de notre hiérarchie, d’un accompagnement bienveillant à notre service, vers un rôle de gestionnaire DRH. De même qu’une tendance générale, un glissement de la mission des services publiques au bénéfice du privé. C’est malheureusement flagrant et d’actualité pour l’hôpital publique, qui continuent à fermer des lits en pleine pandémie. Mais l’éducation est le prochain gros marché à prendre pour les financiers.

Bref, le monde change, et tout s’accélère. Cependant notre mission auprès des élèves reste la même, l’émancipation. Il nous faut donc être inventif pour réussir à maintenir l’essentiel, garder la main sur sa classe, et continuer à accompagner les enfants dans leurs progrès quotidiens, être là pour eux.

La génération à venir n’aura pas la tâche facile. Nous devons tout faire pour les préparer à la libre pensée, l’autonomie, la communication non violente. Faire société. Assumer des choix libres et autonomes. Cela commence par l’exemple, dans le cadre d’un fonctionnement de classe qui respecte ces valeurs de société. Mettre en pratique dès le plus jeune âge la devise républicaine tant malmenée. Liberté. Égalité. Fraternité. :clipperton_island:


#66

Quand on analyse un système avec les outils de la permaculture, on utilise diverses grilles de lecture qui permettent de prendre en compte l’environnement global du système, les paramètres à prendre en compte, et les besoins pour assurer une dynamique équilibrée et résiliente vers une production abondante et partagée.

Le jardin par exemple est le système dynamique productif qui vient en tête immédiatement quand on cite le terme de permaculture. Les conditions climatiques sont un premier facteur comme le cycle des saisons, les dates des gelées, l’ensoleillement, la pluviométrie, l’orientation du terrain. Les ressources en eau également, le type de sol, les vents. Mais aussi le découpage cadastral, les accès routiers, les terrains voisins. Puis les facteurs humains sont à prendre en compte, comme le temps à consacrer, le niveau de connaissances et les envies des uns et des autres, jardin potager ou d’agrément … Bref, on fait le bilan de tous les facteurs à prendre en compte, puis on établit une organisation (design) optimale pour obtenir une production qui se renouvelle dans les meilleures conditions.

Je vais essayer de reprendre certains de ces outils d’analyse dans le cadre d’une classe, système complexe et dynamique en soit, qui vise à émanciper les enfants par le savoir.


#67

Un premier outil est le zonage. Géographique dans le cas de la parcelle de jardin. De la zone 0 qui est l’habitation, à la zone 5, partie du terrain laissée sauvage.

En classe, la zone 0 est le domaine de l’intimité de chacun des élèves, sa personne physique et émotionnelle. Ses besoins sont fondamentaux, si un enfant ne se sent pas en sécurité affective et physique, il ne sera pas en mesure de développer des apprentissages. Cela va de la liberté d’aller aux toilettes dès que le besoin se fait sentir, jusqu’à sa reconnaissance en tant qu’individu dans toute ses particularités et son intégrité. Tout le contraire d’une conduite “militaire” de la classe, normative, visant à conditionner, embrigader, brider les individus pour les plier à un fonctionnement stéréotypé.

La classe inclusive en revanche part des réalités de chacun, tout en allant dans une direction commune (les programmes de l’école), mais par des chemins variés, adapté aux besoin de chaque élève. On ne peut pas tout individualiser, une classe éclatée n’aurait pas de sens non plus, car les interactions entre enfants sont partie prenant de leurs progrès, et l’enseignant ne peut pas se disperser à l’infini sans s’épuiser. Il faut donc une direction, des projets communs, des rituels, une culture commune construite en classe. Mais ces projets doivent se nourrir de la diversité de chaque élève. C’est une alchimie délicate à trouver entre le collectif et les individualités.

Plus le fonctionnement laisse la place à la souplesse et aux initiatives, mieux on pourra s’adapter. C’est le cas des ateliers libres et autonomes, les enfants sont libres et responsables de leurs choix, mais dans dans une directions imposée par la présentation stricte et précise de l’utilisation de chaque matériel, visant des apprentissages définis. L’enseignant fait le pari dans cette organisation que chaque enfant a envie fondamentalement d’apprendre, et qu’il choisira le matériel qui est le plus adapté.

C’est un pari risqué, qui demande une grande vigilance quant à la pertinence de l’utilisation du matériel. Mais on est au plus prêt de cette zone 0 de l’intimité, le libre choix de l’individu, à son rythme. Il faudra seulement veiller à ce que ce choix intime se fasse dans des conditions optimales.

Choisir ses activités est un apprentissage difficile qui peut être déstabilisant pour certains, qui se sentent mis en insécurité. Ces élèves se raccrochent alors pour se rassurer au matériel déjà sorti par les copains, les enfants s’agglutinent. Ils se ruent sur les nouveautés, ce sont les effets de modes, vites passés, les enfants passant à autre chose dès les premières difficultés. Ou alors ils se limitent au matériel connu et ressortent inlassablement le même matériel.

Ce sont les écueils que j’ai pu constater dans le fonctionnement strict tel qu’expérimenté par Céline Alvarez. Et ce qui m’a amené à m’en écarter petit à petit pour expérimenter des fonctionnements un peu différents. Surtout la peur de m’ennuyer à toujours rester sur le même matériel. Le matériel Montessori finit par devenir austère et lassante. Je n’ai pas pu me résoudre à abandonner la conduite de certains projets. Égoïstement, j’ai aussi envie de me faire plaisir en classe. Un enseignant épanoui transmet sa motivation aux élèves.

Bref, la personnalité de chacun est un point essentiel qui différencie chaque classe. Chaque enseignant fera ses propres choix en fonction de sa sensibilité, mais il devra également veiller à s’adapter à la diversité de ses élèves. Les années ne se ressemblent jamais car les élèves ne sont plus les mêmes. Il faut sans cesse s’adapter. L’approche permaculturelle donne une cadre pour garder le cap tout en souplesse.


#68

Merci Florian, tu prends le temps d’écrire bravo, moi je le fais court, je sens et ressens tout ce que tu dis. Je n’en suis qu’à ma première année 100% inspirée Céline Alvarez après deux formations intensives et bien sûr que l’on s’adapte sans cesse, enfants, matériel, projets, espaces, collègues, atsem, et nous sommes riches de ça !
La recherche, le mouvement, l’apprentissage actif, l’autonomie, la réflexion, le partage, la bienveillance, la transmission, l’épanouissement personnel, individuel et collectif, le challenge, la persévérance, le beau… Comment pourrait on se planter !? Merci à toutes et tous, de très belles fêtes ! :slight_smile:


#69

Bonjour, je réponds à ton message du 6 février sur l’utilisation détournée du matériel. J’ai opté pour la solution suivante (l’idée est venue d’une cour de récréation tellement vide que les enfants jouaient avec leurs gourdes tellement il n’y avait rien d’autre, les règles ont été élaborées par les enfants eux-mêmes). Je sors en récréation des jeux qui me dérangent par leur bruit en classe (circuit à billes par exemple) ou qui sont détournés en classe. Les deux règles sont les suivantes: 1 dans la cour, on utilise le matériel pour jouer mais en classe, uniquement pour travailler. 2: les limites à l’exploration du matériel sont la mise en danger et la détérioration. Tant que personne n’est en danger et que ça n’abime pas le matériel, tout est permis dans la cour. Pour la règle 1, si un enfant détourne le matériel en classe, je lui rappelle qu’il pourra jouer librement avec dans la cour mais qu’en classe, soit il travaille avec, soit il le range. Pour la deuxième règle, je n’hésite pas à ranger le matériel aussitôt. Climat de classe beaucoup plus serein depuis!


#70

Intéressant :slight_smile: Ca me donne des idées.
Dans le même idée, à la pause méridienne : j’ai une classe de GS, qui mangent au 2e service (ils ont une bonne demie heure d’attente du coup). Ils peuvent prendre du matériel plus ludique qui ne peut être sorti qu’à ce moment là. Et ils peuvent jouer à plusieurs, faire plus de bruit. Ils peuvent aussi prendre du matériel de classe, mais je n’avais pas pensé à autoriser de détouner à ce moment là.


#71

Dans le cas de l’utilisation de ce zonage en permaculture scolaire, la zone 0 délimite l’intime de chacun, la zone 1 délimite son espace proche. L’espace de travail, le matériel, la table. C’est un espace qui doit être protégé par des règles strictes, que chaque élève se sente en sécurité. Un matériel qu’un élève aura sorti et posé devant lui ne pourra pas être pris ni touché par un autre. L’élève qui a choisi l’activité en est pleinement responsable, jusqu’à ce qu’il l’ait rangé.

Dans le cas d’un travail à plusieurs, ceci implique que les objets doivent être donnés et non pris, ce qui change tout. En langage en particulier. Car la demande nécessite de passer par la parole, donc il faut nommer. Certains jeu demandent parfois de préciser, d’utiliser des indicateurs de repérage dans l’espace (dessus, dessous…) de couleur, de taille… Et c’est tout l’intérêt de ces jeux que de devoir verbaliser pour apprendre. D’où le travail en binôme passant par la parole, ce qui n’est pas spontané si l’on n’instaure pas cette règle du respect stricte de l’espace de chacun.

L’utilisation de formule de politesse n’exclue pas un refus parfois. C’est valable également pour les adultes. Quand je demande poliment à un élève s’il peut me passer un objet pour que je lui montre comment l’utiliser, il m’arrive d’essuyer des refus spontanés de la part de petits. Il me faut alors bien leur expliquer que je ne vais pas faire à leur place, juste montrer, puis leur rendre. Sinon je dois me contenter d’expliquer oralement la consigne. Si c’est important, détournement ou chahut, je pose la main sur l’épaule pour un message clair, et l’élève se doit d’écouter ce que j’ai à lui dire, je ne lui laisse pas le choix, il utilise correctement le matériel ou il range.

L’autre intérêt que je trouve à l’application de cette règle stricte de demander au lieu de prendre, c’est le contrôle inhibiteur. Le premier réflexe des petits est de toucher l’objet convoité pour le prendre. Il devront aller contre leur envie instinctive. A défaut de pouvoir nommer l’objet, ils pourront toujours le montrer du doigt, mais sans le toucher, ce qui demande de contrôler ses gestes. Quand la règle est bien intégrée par tous, beaucoup de conflits et de précipitations sont évités.

Pour matérialiser cet espace proche, la zone 1, j’ai eu utilisé des tapis. Je n’en utilise plus, mais cela permet certainement de bien délimiter un espace de travail à chacun des élèves. Il est clair cependant que l’organisation de son espace de travail est un premier pas vers l’organisation et la hiérarchisation des taches à effectuer pour réaliser une consigne complexe. Compléter un puzzle par exemple demande de disposer les pièces à l’endroit visibles devant soi, les trier si besoin, les orienter. De nombreuses activités scolaires demanderont une organisation logique (si … alors … mais si … ou bien … sauf …), des classements, des tris. Autant habituer les élèves dès la maternelle à ces tâches complexes tout en manipulant, ce que d’aucunes nomment les compétences exécutives. Qui ne sont pas nommément inscrites dans les programmes, comme me l’a fait remarqué l’inspectrice il y a quelques années, mais qui sont pourtant au cœur des apprentissages en maternelle pour une bonne poursuite de la scolarité.

Pour conclure, cette zone 1 désigne l’espace de travail que chaque élève organise autour de soi pour mener sa tâche à bien. C’est une zone protégée, que les autres peuvent observer et commenter, mais n’ont pas le droit de toucher. Le travail demande souvent à organiser cet espace de façon logique et ordonné, en contrôlant ses gestes. Le matériel est entièrement sous la responsabilité de l’élève.

Mais il pourra être partagé avec d’autres s’ils demandent poliment, ce qui permet d’engager des conversations scolaires avec un vocabulaire précis travaillé en classe. Les enfants devront en effet s’expliquer les consignes entre eux en parlant plutôt que de faire à la place de l’autre, ce qui engendrerait vite des conflits.

J’observe ainsi des grands qui vont spontanément vers des petits, non pas seulement par pur esprit de bienveillance, mais aussi parce que le petit monopolise un matériel que le grand a très envie lui aussi de manipuler. Le grand devra alors user de diplomatie à l’oral pour que le petit accepte de lui prêter le matériel, que ce dernier lui montre et qu’il trouvent ensemble à partager l’activité.

Inversement, les petits sont généralement très attirés par le matériel que les grands sortent. Mais comme ils n’ont pas le droit de le leur prendre sans demander, et qu’ils sont timides, ils restent souvent à observer leur travail attentivement pour leur faire comprendre que ça les intéresse. Les grands prennent pitié et peuvent alors leur proposer de faire avec eux et ils chapeautent l’activité. Ça se passe généralement bien car les consignes sont moins détournées par les grands quand ils doivent montrer l’exemple.


#72

La zone 2 désigne la zone qui entoure chaque élève, la table par exemple autour de laquelle on se réunit pour un atelier commun, le matériel entre élèves pour un atelier à plusieurs. Le matériel de la zone 2 est à disposition de chacun. Il faudra encourager chacun à remettre au centre le matériel dont il ne sert plus pour le laisser à disposition des autres. C’est un pas vers l’altruisme, ne pas garder pour soi mais offrir au partage. Ne pas s’accaparer tout ce qui est disponible mais juste ce dont on a besoin.

J’ai eu fait beaucoup de cuisine ces derniers temps, toujours la même recette de petits gâteaux pour vendre au marché de Noël. L’organisation est de plus en plus déléguée aux enfants eux-mêmes, qui doivent apprendre à travailler à plusieurs, en autogestion. Le groupe d’élève à l’initiative de l’atelier va chercher en cuisine le matériel nécessaire à la recette. Les ustensiles sont rangés à disposition sur une tablette, les ingrédients sur une autre. Chacun va se laver les mains. Il faut pendant ce temps nettoyer une table ronde, enlever toutes les chaises. Puis un enfant prend l’initiative d’aller chercher ce qu’il faut pour commencer la recette, par exemple un saladier. Un autre l’aide en allant chercher les deux œufs, en passe un à son voisin pour le casser chacun son tour dans le saladier avant d’aller jeter les coquilles à la poubelle. Pour que les choses se déroulent sans précipitation, les élèves doivent respecter l’ordre dans le sens horaire autour de la table, prendre le temps d’attendre que chacun, grand ou petit, fasse à son tour, pour ensuite le passer à son voisin de gauche. Les plus grands anticipent et savent que quand leur tour viendra il faudra qu’il aille chercher un deuxième saladier pour y faire un puits de farine. Un deuxième groupe s’organise alors. L’un va chercher le verre doseur, l’autre la farine, le dernier un saladier et une grande cuillère.

Dans cette organisation, chacun est responsable d’une et une seule action, pour ne pas monopoliser toute la recette. Ça tourne. La zone devant chaque enfant est son espace de travail personnel, sa zone 1, il est responsable du matériel qui s’y trouve, personne ne peut s’en occuper à sa place. Il devra donc penser à faire tourner au suivant, faire la vaisselle pour nettoyer si besoin les ustensiles qu’il a utilisé. Mais tout le reste est un espace commun, la zone 2. Tout le groupe en est responsable. Chacun utilise le matériel et l’espace collectif. Et tous devront tout remettre en état, ranger, nettoyer, avant de pouvoir passer à autre chose. Il est donc important de réserver un petit moment en bilan à la fin pour vérifier avec tous les élèves participant à l’atelier que tout a bien été remis à sa place. On pourra alors féliciter tout le monde pour l’ensemble des gâteaux cuisinés, partager quelques restes à déguster. On prend un moment pour un cercle de parole, chacun son tour disant ce qu’il a aimé, partager sa gratitude.

Un autre exemple de travail à plusieurs est le partage du matériel des ateliers de construction. Les grosses caisses peuvent accueillir jusqu’à quatre enfants, un de chaque côté. Chacun prend ce dont il a besoin et construit devant lui. Ce qui reste dans la caisse est en commun (c’est la zone 2). Mais il arrive un moment où les constructions deviennent démesurées, les enfants veulent garder toutes leurs constructions, la caisse se vide et les pièces viennent à manquer. Il faut donc convaincre les enfants de ne garder devant eux que la construction en cours, de taille raisonnable, de façon à laisser le reste à disposition dans la caisse. Un élève qui aura besoin d’une pièce spécifique a le droit de démonter ce qui se trouve dans la caisse. Sinon, il devra demander cette pièce gentiment à un voisin, qui peut la lui donner s’il est d’accord. La règle est que l’élève qui suit un modèle est prioritaire, on doit lui céder la pièce si elle est indispensable. La encore, le groupe entier est responsable. Si la moindre pièce traine,ou si c’est le bazar, tout le groupe s’arrête, range, avant de reprendre ses constructions. Les constructions à plusieurs sont encouragées. Elles peuvent être plus grandes, et là encore je leur donne la priorité en cas de conflit concernant le partage du matériel.

J’encourage les enfants à travailler à plusieurs sur une même activité si possible. Par exemple, le mobilier de la maison de poupées se prête bien à ces jeux d’imitation à plusieurs pour exercer le langage courant. Chaque enfant installe le mobilier qu’il prend et anime les personnages qu’il a en main. Mais tout ce qui est posé est partagé avec l’autre, dans un esprit de jeu bienveillant, en parlant. Bien sûr, un enfant qui souhaite rester seul à jouer peut refuser quand un autre élève lui demande de partager son jeu. Mais s’il dit oui, il doit accepte aussi que son espace de jeu devienne un espace commun avec l’autre, une zone neutre de partage. Un enfant ne peut pas tout prendre, ranger la maison à sa guise , monopoliser les poupées, tout seul sans communiquer avec l’autre. Au risque sinon de conduire à un conflit. Du moins que l’autre se lasse et s’en aille. Et refuse de partager la prochaine fois. Il faudra donc échanger par la parole, se faire comprendre de l’autre en verbalisant ses actions, user d’un vocabulaire précis. C’est justement là mon objectif de langage dans cette activité d’imitation, le récit. En plus de la manipulation fine que ça induit tout en jouant.


Journées éco(lo)citoyennes
#73

La zone 3 désigne la classe entière. Entendu tout ce qui est accessible à l’élève. En classe contrainte, cet espace est réduit comme peau de chagrin. Un élève à qui on impose de rester assis à une place désignée aura une zone de liberté limitée à autour de sa chaise. Ce qui risque d’être le cas une grande partie de sa scolarité ! Ce n’est pas notre vision de l’espace de l’espace en travail libre et autonome. Les places de chacun des élèves ne sont pas réservées. Chacun pourra occuper des espaces choisis divers au cours de la journée. Cet espace de liberté est suffisamment riche pour que chaque enfant y trouve matière à apprendre et s’émanciper.

Une première liberté concerne les besoins fondamentaux. Un libre accès aux toilettes parait évident. Mais ne l’est pas toujours. Il faudra garantir une certaine autonomie, qui n’exclut pas le besoin d’aide de l’Atsem en maternelle. Accès et hauteurs adaptées. Ce qui est souvent le cas dans les bâtiments conçus pour. Pensez y aussi à la maison, beaucoup d’espaces ne sont pas conçus à hauteur d’enfant. Dans l’école toute neuve que l’on a investit cette année, j’ai réclamé pendant deux mois que les boutons poussoirs des lavabos soient réglés, que les petits puissent se servir seuls de l’eau. J’ai demandé également sans succès que l’eau ne soit pas mitigées. Ce n’est pas sain en effet de boire de l’eau qui a chauffé et stagné dans un ballon d’eau chaude. Et je voulais que les enfants puissent boire au robinet. J’ai du installer une fontaine, que je dois remplir chaque jour.


#74

Un autre espace de liberté fondamental serait un libre accès à un espace naturel extérieur. Ce qui paraît une évidence est loin d’être le cas dans la plupart des écoles. La cour est généralement bétonnée, et son accès par les élèves est soumis aux horaires de récréation. Imaginez en tant qu’adulte qu’on réglemente vos sorties, limitées à des horaires chronométrés et dans un espace confiné en béton, cela s’appelle un espace carcéral. Une prison ! J’ai souvenir de mes premières classes à la campagne où la cour de récré de l’école, enherbee, se prolongeait sur un parc et des prés. Les enfants n’étaient pas enfermées. Et la récré des petits se prolongeait souvent un peu le temps que les grands se mettent au travail.

Enfin, un espace de liberté fondamental qui doit être garanti aux élèves est un espace de repos. Un élèves qui a besoin de se reposer doit pouvoir le faire en toute liberté sans être dérangé. La sieste de l’après midi doit pouvoir être prolongée pour les enfants qui en ont besoin. Certains gros dormeurs ne se réveillent pas facilement et rejoignent le groupe tardivement. Tant pis, au moins ils sont bien reposés. Après, l’idéal est qu’ils aient aussi un bon rythme de sommeil à la maison.


#75

Tout ce qui est accessible à l’élève en classe lui permet d’enrichir ses expériences. Les espaces doivent être variés, le matériel de qualité et les consignes précises. Et je suis également pour limiter le matériel en quantité. L’epure évite trop de dispersion de la part des enfants. Le manque de matériel les incite également à observer et partager. Mais j’ai du mal à me limiter, donc j’alterne en fait des moments où le matériel et les espaces sont abondants, et d’autres où seules quelques activités ciblées sont offertes aux élèves.

Cette zone 3 accessible aux élèves est donc modulable. Les enfants ont interdiction d’ouvrir seuls les portes. C’est un des paramètres dont j’use pour réguler un tant soit peu leurs activités et apprentissages. J’ai des placards qui ferment. Des étagères qui sont accessibles, d’autres en hauteur et cachées par des cartons, car ce qui visible risque de tenter les enfants. Des pièces qui sont accessibles uniquement quand la porte est ouverte.

Concrètement, je déroule les activités accessible au cours de la journée comme un emploi du temps. Le matin à 8h30, à l’accueil, les enfants sont accueillis dans le couloir vestiaire, passent par les toilettes, traversent la salle de sieste qui sert de bibliothèque, et ont accès à toutes les activités de la classe. Chacun se met au travail à son rythme, lecture, petite activité qu’il sort puis range, parfois un gros projet peinture, cuisine… Vers 9h, j’ouvre la porte qui donne accès à la salle de motricité. Les enfants qui le souhaitent peuvent y installer des parcours, y faire déconstruction, et ont accès aux instruments de musique. Certains élèves continuent leur travail en salle de classe, mais généralement la plupart finissent par rejoindre le travail en salle de motricité.

Mais sans précipitation, en prenant le temps de finir et ranger, j’y veille avec l’Atsem. De même dans la salle de motricité. Passage aux toilettes, et un temps de goûter collectif, parfois un regroupement, avant la récréation de 10h. Retour en classe à 10h30 par les toilettes, et la salle de bibliothèque, chacun y lit des livres le temps que tout le monde soit prêt. Puis lecture collective, ou regroupement sur les bancs de la classe. Pour finir un atelier par groupes d’âge. Avant d’aller s’habiller à 11h15. Déplacement rituel en rythme et chanson jusqu’à la sortie ou cantine.

Voilà pour un déroulement de matinée classique, mais tout peut être modifié et régulé naturellement et sans m’egosiller en contrôlant simplement l’ouverture des portes. Il arrive qu’un élève réclame une activité ou un espace qui était fermé. Je lui réponds tout naturellement que ce n’est pas possible car la porte est fermée. Et l’élève n’insiste pas. Je peux ouvrir la porte si je le souhaite un peu plus tard, mais rarement suite à une sollicitation directe, sinon je crains que des enfants réclament au lieu simplement de choisir parmi ce qui est disponible.

L’après-midi, pendant la sieste de 13h15, ou juste un temps de repos pour certains, j’ai les GS en décloisonnement. Dans le contexte actuel, on ne mélange pas les classes. Mais les années passées, je prenais aussi les MS non dormeurs après Noël pour les intégrer au travail dirigé des grands. Ensuite, à 14h30 , j’entreouvre la porte pour que l’Atsem fasse sortir les enfants qui se lèvent. Ils rejoignent la classe au fur et à mesure de leur réveil.

Je laisse jusqu’à maintenant libre accès à toutes les activités de la classe le temps du réveil, comme à l’accueil du matin. Or j’ai remarqué que c’est un temps calme de grande concentration. Les enfants sont bien reposés et motivés par des projets ambitieux. Ce sont des bons moments pour se lancer en cuisine, en peinture. Ou pour entrer dans des apprentissages nouveaux. J’incite donc les plus grands à des activités nouvelles. Sous la forme d’ateliers volontaires. Je commence une activité et les élèves qui le souhaitent me rejoignent. J’invite en particulier ceux qui en auraient besoin, les élèves que j’ai ciblé. Ainsi que les élèves perturbateurs ou désoeuvrés s’il y en a. Et tous ceux qui en ont envie s’il reste de la place.

La récréation de 15h30 n’est pas toujours adéquate. Certains se réveillent tout juste. D’autres dorment encore. Et la plupart sont occupes dans leur travail et de long projets. Il m’arrive donc de ne même pas ouvrir la porte. Ou bien juste d’entrouvrir pour laisser la possibilité aux enfant qui le souhaitent de faire une récréation avec la classe de GS CP. Ou bien de prévoir une activité collective dehors juste à 16h, avant de conduire les enfants pour 16h30 à leurs parents ou en garderie.

Voilà comment je gère les espaces accessibles aux enfants au cours le journée. Ils bénéficient donc d’un libre choix d’activités autonomes, dans un espace ouvert et varié. Je canalise cependant le travail en ouvrant ou fermant des portes ! Et en incitant certains enfants à qui je propose de présenter des activités particulières. Ils sont ravis généralement quand je viens observer, m’intéresser à ce qu’ils font, ou que je leur propose de venir travailler avec moi.


#76

On arrive à la zone 4, et on s’éloigne du cœur de la classe pour envisager l’environnement global de l’école. On a moins de prise directe. Si ce n’est à travers l’investissement des espaces, l’élaboration du projet d’école, une bonne concertation au sein de l’équipe pédagogique, et beaucoup de bon sens.

Qu’est ce qu’une école ?

Les enfants doivent se sentir dans un environnement sécurisé, bienveillant, riche et rassurant. Cela passe par des locaux adaptés, des règles claires et limitées à l’essentiel, de l’écoute et de l’observation. Une école doit être centrée avant tout sur l’intérêt des enfants, ce qui paraît une évidence, mais n’est pas toujours le cas dans les faits. D’où le bon sens qui doit primer sur nos représentations d’adultes. Soyons radicaux, au sens d’aller à la racine, à l’essentiel.

L’école est un espace et un temps d’apprentissage et d’émancipation pour les élèves, à l’abri des contraintes et sollicitations de la société environnante. A l’école laïque, les enfants sont préservés du prosélytisme religieux mais aussi du martelage publicitaire. L’école est un lieu de construction du savoir et de libre arbitre, qui ne saurait être soumis à des impératifs extérieurs, la religion et la société de consommation restant du domaine privé.

Autant les instances et les collègues sont vigilant quant à la non intrusion du religieux dans l’école publique. Les amicales laiques sont des associations qui oeuvrent à défendre la laïcité dans nos écoles, et y promouvoir les échanges culturels. Elles font un travail admirable.

Mais à côté de ça, nous avons aussi des politiques qui s’engouffrent régulièrement dans la brèche pour attiser des polémiques stériles, autour du port du voile ou du porc dans les cantines. Ces même politiciens s’offusquent de la main mise de plus en plus prégnante des firmes privées sur l’école laïque et républicaine, qui devrait rester indépendante.

Prenons l’exemple flagrant du numérique. Nous sommes contraint dans les écoles d’utiliser Windows, préinstallés sur chaque ordinateur qu’on nous livre. Ce système d’exploitation est inadapté à nos usages, avec des mises à jours intempestives qui brident nos vieux materiel obsolètes au bout de quelques années. Les logiciels associés ne sont pas prévus pour être utilises par des enfants. Et nous n’avons pas la main pour paramétrer ces logiciels propriétaires pour les adapter à notre pédagogie.

Pourtant, avec tous ses plans écoles numériques qui ont coûté des milliards, cédant au lobbying, l’état a loupé l’opportunité de promouvoir des logiciels libres de droit, adaptés aux usages scolaire d’apprentissage. Sans parler de développer ces logiciels dans toutes les administrations publiques, en particulier dans les domaines sensibles. Au lieu de cela, nous ramons à former des élèves sur du matériel et des logiciels inadaptés. Pourquoi ne pas mobiliser des étudiants en informatique pour concevoir un environnement libre adapté aux impératifs scolaire. Ou avoir un vrai service d’État. Plutôt que de sous traiter les applications à des boites privées qui nous pondent des horreurs. L’administration adore nous torturer avec des sites imposé aux jolis noms de Gaïa, Jade, Pia …

Et nous sommes encouragé à placer les enfants devant un écran dès leur plus jeune âge si en suivait les programmes, ce qui est une aberration. Je n’utilise quasi aucun écran dans ma classe maternelle, sauf occasionnellement en langage avec le vidéoprojecteur, et quelques photos avec le portable. La plupart des enfants subissent déjà abusivement la télé et les jeux vidéos à la maison. Apportons leur autre chose à l’école, quitte à paraître ringard.

Les exemples d**'intrusion des firmes privées dans l’école** sont de plus en plus courant. Il faut savoir que le secteur de l’éducation, avec celui de la santé, constitue les plus gros marchés dont le secteur marchand prévoit de s’accaparer en le privatisant. Pour le moment, on a des firmes qui, sous couverts d’actions pédagogique et de partenariats publique privé, entrent discrètement dans les classes. Et notre hiérarchie s’en accommode très bien, à commencer par notre ministère qui les mets en place.

Chacun a des exemples de ces pratiques. J’ai souvenir d’une action pour la santé dentaire avec des dentistes intervenants dans les classes, très bien. Mais c’était sponsorisée par Colgate, avec la grosse publicité dans le clip de présentation. En arriverons nous à présenter des programmes télévisuels éducatifs aux élèves entrecoupés de pages de pub, comme aux États-Unis dans les écoles publiques (“pour les pauvres” aux USA).

Je pourrai citer également le kit sur les énergies renouvelables gracieusement offert par Areva (industrie nucléaire), celui sur l’alimentation mis en place sous l’égide du ministère par Danone, ou le kit d’expériences sur l’eau distribué par Véolia. Ce n’est pas sérieux, le message est forcément biaisé. Parler énergie avec un chantre du nucléaire ! Ou alimentation équilibrée avec un industriel qui bourre ses produits d’adjuvants. Ou encore accepter le kit sur l’eau offert par le champion mondial du lobbying pour privatiser ce bien commun vital.

Mais le matériel est offert et attractif, bien pensé du point de vue pédagogique, c’est tellement tentant. Nous n’avons pas tant de budget dans les écoles pour se permettre de refuser ces kits gratuits prêts à l’emploi. D’autant que l’aval du ministère nous sert de caution. Les industriels y mettent les moyens, ce qui est louche car rien n’est fait sans intérêt.


#77

L’école est un temps où les relations humaines sont centrées sur la transmission du savoir. Ce qui ne peut s’effectuer à mon avis que par la confiance et la bienveillance, car la motivation et la sécurité émotive sont des préalables. Un apprentissage sous la contrainte serait contre productif. De même, la compétition ne peut permettre de construire un savoir durable et personnel. Que nous reste-t-il en tant qu’adulte du bachotage de nos années lycée ? On n’apprend pas pour obéir ni pour faire plaisir, on apprend pour se faire plaisir. La motivation est au cœur.

Les notes, bons points, ou smileys sont des motivations extérieures à l’élèves, tout au moins une reconnaissance de son travail. Mais pourrait-on envisager une reconnaissance plus vaste en tant que personne, digne d’être écoutée, libre de ses choix, assumant ses actes. Si l’école est conçue pour apprendre, et que modalités sont claires, on peut raisonnablement faire le pari que les enfants sont câblés pour y prendre du plaisir, jouer le jeu en tant qu’élève. Que les punitions ne seront pas utiles. Dans le cas contraire, est-ce l’élève perturbateur qui est inadapté à l’école ou l’école qui n’a pas su s’adapter à lui ?!


#78

La zone 5 est en fait la plus importante, c’est la famille. Mais aussi la garderie, la nounou, chez papi mamie, en dehors de l’école, là où l’enfant passe la majeure partie de son temps. Le temps des vacances, des WE, le soir. Chaque retour à l’école est une petite rentrée, un rappel des règles de l’école s’impose. Car chacun a vécu des histoires familiales variées. Et le retour dans la classe doit s’accompagner de rituels de passages pour adopter un comportement d’élève. Les enfants s’adaptent très bien, ils savent très bien changer d’attitude selon le contexte. Mais ils faut bien poser le cadre pour que le changement soit clair. Plus la différence est marquée, plus ce sera facile de passer le cap.

Dans la famille, l’enfant est au centre. Chez sa nounou de même.Il peut monopoliser l’attention de l’adulte. En classe, nous sommes au mieux un adulte pour dix élèves, souvent plus. On passe d’un taux d’encadrement à un autre. D’ailleurs on remarque de suite un enfant qui a déjà vécu la petite collectivité en garderie, ou en famille nombreuse, d’un enfant d’une famille unique. L’élève va devoir apprendre à se décentrer, et c’est difficile à cet âge là, il va falloir l’accompagner, le rassurer. Mais ils y prenne goût, une fois qu’ils ont compris ce que l’école pouvait leur apporter. Ils se sentent grands, autonomes, et fiers. Le changement est radical, entre un petit qui s’accroche à ses parents en pleurant à la rentrée, puis très vite qui entre tout seul la tête haute avec son cartable sur le dos.

La question est : comment aider un enfant à se décentrer ? Se détacher de son vécu familial pour intégrer le groupe classe. Surmonter ses émotions premières, ses frustrations, pour se projeter dans une expérience plus collective, partager, échanger. Ce qu’on leur demande est énorme, ne sous estimons pas le travail demandé à un jeune enfant de maternelle. On comprend mieux pourquoi ils craquent complètement de retour à la maison, avec de grosses colères parfois, de la fatigue. L’attention et le contrôle émotionnel qui leur est demandé lors d’une journée de classe est énorme. D’autant que certains commencent et continuent leur journée en collectivité en garderie, ce qui leur fait parfois des journées de douze heures.

Si cette journée ne comporte pas de temps et d’espace dans lesquels l’enfant puisse se poser, c’est difficile et ils explosent. Si le seul échappatoire est le temps de récré, la tension est telle que des conflits éclatent, certains enfants vont littéralement déverser leur énergie de façon éruptive. Pouvoir se poser tout au long de la journée quand il le souhaite est une garantie pour l’enfant. Le fonctionnement en activités libres et autonome le permet. Se poser n’est pas nécessairement dormir, la sieste est nécessaire certes, mais ce sont également des temps privilégiés choisis tout au long de la journée. S’isoler sur une activité avec la sécurité de ne pas être dérangé. Partager un temps de complicité avec l’adulte, qui soit vraiment à l’écoute, individuellement. Mobiliser son énergie à des activités variées qui correspondent à ses besoins du moment. Mobiliser non seulement son intellect, mais aussi sa créativité, son corps, son langage, son intelligence sociale.


#79

Quand l’enfant vient le matin à l’école, il quitte son statut d’enfant avec papa maman nounou, pour endosser l’habit d’élève. Il range le doudou, la tétine, qu’il ne reprendra qu’en sortant ou pour la sieste. On se dit bonjour en chuchotant dans le couloir. Ça peut être un petit moment pour se dire des choses personnelles, se faire un petit calin, mais souvent ce moment est écourté pour entrer en classe. Après un passage au toilettes, chacun se met directement au travail.

Le temps d’accueil est instauré comme un vrai temps d’apprentissage, avec les règles de calme, de concentration, de rangement. On chuchote dans la classe. On marche doucement. Le matériel est manipulé délicatement, et systématiquement rangé avec soin après utilisation. On prend son temps, et je ralentis volontairement les quelques enfants qui voudraient se précipiter.

J’ai fait le choix de ne pas instaurer de temps de regroupement en début de matinée. Je laisse chacun s’installer dans son travail à son rythme. Ils ont un grand temps pour choisir leurs activités, se lancer dans des projets. J’ouvre ensuite la salle de motricité pour autoriser toute les activités de jeux de construction, parcours, musique … J’attends donc généralement la récréation pour ensuite regrouper les élèves sur des activités communes, comptines, rituels, ateliers dirigés.

Ce grands temps en activités libres autonomes en début de matinée a permis à chacun de se poser et s’adapter en douceur aux contraintes scolaires. Pas facile de faire s’asseoir les élèves en regroupement plus tôt le matin et de capter l’attention de tous. J’ai remarqué que les moments collectifs étaient plus efficaces en fin de classe. Les élèves sont plus sereins, ils savent qu’ils vont bientôt retrouver leurs parents, la cantine ou la garderie. On distribue les cahiers en lisant les prénoms, les livres empruntés et ce qu’ils emportent à la maison. Et on prend le temps avant de partager un moment ensemble, une chanson signée, un rituel de phonologie, chacun de dire ce qu’il a aimé apprendre à l’école, raconter une histoire.


#80

Mon regroupement de fin de journée permet souvent de faire le moment des mercis et des bravos. Je souligne les progrès de quelques enfants et remercie pour la classe bien rangée, le calme… (ou pour la petite portion de classe bien rangée, les 10 minutes de calme de la journée, on prend ce qu’on a) puis je demande: “qui veut dire un merci ou un bravo?” Beaucoup de doigts se lèvent. Ils se remercient et se félicitent les uns les autres, parfois, ils me remercient ou remercient l’aide maternelle, c’est un moment exclusivement positif qui fait remonter le niveau d’énergie des uns et des autres. Nous finissons en douceur et nous rapportons essentiellement le meilleur à la maison.


#81

De beaux moments de gratitude :grinning:
J’ai repris ton idée des BRAVOS et des MERCI, en plus de mes J’AIME. Cela complète bien les petits moments rituels en fin de demi-journée. Je les signale avec les gestes correspondants en langue des signes. On profite des ces moments pour reprendre des petits rituels de phonologie, des comptines, blagues, témoignages, présenter ce que chacun veut présenter, ou le travail distribué qu’il va rapporter chez lui.