Travailler la persévérance


#1

Bonjour à tous,

Depuis 2 ans et demi, je fonctionne exclusivement en ateliers autonomes.

Je me pose malgré tout la question du développement de la persévérance chez mes élèves: le principe étant d’attendre qu’ils soient demandeurs pour leur proposer une activité et je sais bien qu’ils ne seront intéressés que par une activité correspondant à leur niveau.
Mais j’ai, chaque année, quelques élèves qui ne sont pas demandeurs de présentations, ou alors, une fois l’activité présentée, ils la rangent directement, ou s’ils commençent une activité mais la trouvent trop difficile ou trop longue, ils la rangent. Et ce pour une grande majorité d’activités dans tous les domaines…

Je parle ici d’une minorité d’élèves mais, malgré tout, certains persistent dans ce comportement au fil des années.

Or, si notre posture veut être bienveillante et que nous voulons partir de l’enfant, il faudrait le laisser ranger sans avoir essayer de réussir l’activité.

Mais dans ce cas, comment leur apprend-on le goût de l’effort, de la persévérance? Il y a une satisfaction à réussir quelque chose que l’on n’arrivait pas à faire mais comment leur démontrer?
Faut-il les forcer à finir l’activité? Cela me semble contraire à ce que nous cherchons à faire…
J’ai le même problème avec les jeux de société: tenir une partie entière, lorsqu’on a choisi de jouer à un jeu, est un supplice pour certains. J’ai alors l’impression d’être une sorcière en leur imposant de rester.
J’ai l’impression que certains de mes élèves (souvent des garçons de grande section) sont dans un zapping permanent d’activités et semblent s’ennuyer alors même qu’il leur reste tant d’activités à découvrir et même à réussir.

Constatez-vous ce problème? Comment faites-vous pour y remédier?

Merci beaucoup,

Marie


#2

Je suis très intéressée par les réponses qui pourront t’être données aussi !
En ce qui me concerne, j’incite parfois les enfants à aller jusqu’au bout d’une activité parce que je trouve, comme toi, que la persévérance s’apprend, mais j’ai bien vu que cela n’avait aucun intérêt parce que si les enfants ne sont pas motivés, ils se dépêchent de terminer et ne retiennent rien.
Pour l’instant la seule chose que j’ai trouvée pour les motiver c’est d’encourager certains enfants pendant les regroupements : "je voudrais féliciter X qui a fait son puzzle (ou autre !) jusqu’au bout.Je sais que ce n’était pas facile, que c’était long et pourtant tu es allé jusqu’au bout ! Tu dois être très fier de toi !"
EN espérant que leur sourire et leur fierté donne envie aux autres …


#3

J’ai lu dans le livre de Caroline Sost “s’épanouir à l’école”, qu’elle mettait un pot des réussites de la classe; lorsqu’un enfant parvenait à réaliser qqchose seul ou avait progressé ou autres, il mettait une boule (perle, ou autre chose) dans ce pot et quand le pot était plein des réussites des enfants, ils faisaient une petite fête. Je me suis questionnée sur cette pratique en y voyant au départ une récompense, or la récompense n’est pas une motivation endogène. Mais en réalité, ce n’est pas une récompense pour soi, puisqu’on le met dans le pot commun de la communauté de la classe: l’enfant ne reçoit pas quelque chose, il le donne en quelque sorte; par contre, je pense qu’il faut que l’enfant y voit un encouragement, un apport personnel et une contribution à la petite société à laquelle il appartient


#4

J’ai été amené par ces mêmes interrogations et sous la pression de collègues à faire une entorse aux principes du libre choix de l’activité par les élèves, et aux seules motivations endogènes.

J’utilise en effet le carnet de réussite comme un guide quotidien pour le travail des élèves. Ils prennent en effet en main ce livret dès leur arrivée en classe le matin pour se mettre au travail. Les consignes y sont explicites, avec des photos, et des marches de progrès (lien vers le sujet “accompagnement des élèves”). Ils sont encouragé à continuer pour validations les dernières fiches brevets des activités en cours, avant que je puisse me rendre disponible pour leur en présenter des nouvelles.

Ils ont toujours la liberté dans leur choix de nouvelles activités, mais ce support écrit permet de mieux canaliser certain enfants zappeurs, les encourage à persévérer dans leurs efforts. Tout en ayant encore la possibilité d’observer le travail des autres, d’essayer de nouvelles activités, de refaire, se tromper, travailler à plusieurs…

C’est un compromis, une autre organisation que celle des activités autonomes complètement libres, mais qui me semble convenir, à moi comme aux élèves. A voir dans la durée…


#5

bonjour
personnellement j’y vois la difficullte de concilier montessori
et systeme traditionnel qui demande des progressions generales par periode.
j’ai essaye comme vous de representer plusieurs fois l’activite puis de demander a un eleve performant de travailler en binome ca fon tionne assez bien
il y a aussi une question de maturite qu il faut respecter car souvent ce sont des enfants peu autonomes couves par l entourage il faut les aider a cela


#6

Bonjour,
Je trouve qu’apprendre la persévérance est un objectif en soi pour certains élèves qui zappent en permanence.
Je leur propose de choisir une activité qu’ils aiment bien et en la leur présentant, je leur explique que pour eux, l’enjeu n’est pas forcément de réussir l’activité (faire un nouvel apprentissage car en général ils choisissent quelque chose qu’ils maîtrisent déjà) mais que le but c’est d’aller jusqu’au bout et même s’ils en ont marre, ils doivent chercher la force (souvent mentale) de continuer pour terminer. Par exemple : faire un collier, on ne s’arrête pas avant d’avoir atteint la taille pour qu’il puisse passer autour de la tête. Attraper des boutons de différentes couleurs au milieu de graines avec une pince, on ne s’arrête pas avant que tous les boutons soient trouvés et il y a beaucoup d’autres activités qui demandent de s’investir un bon moment.

Nous avons aussi acheté des “timetimer”. Pour certains élèves, nous discutons avec eux de combien de temps ils se sentent capable de s’investir dans la tâche qu’ils ont choisie et réglons ensuite le timetimer. En général nous choisissons 5 minutes ou 10 minutes, rarement plus.
Je n’ai pas vu d’enfant qui s’arrête avant la sonnerie mais plutôt des enfants qui demandent de prolonger le temps.

Mais avant ça, nous utilisons aussi beaucoup le moment des présentations pour leur faire découvrir la patience, je montre l’activité jusqu’au bout et certaines fois ça prend du temps. L’enfant est obligé de ralentir, son rythme cardiaque redescend, souvent il s’investit plus longuement dans ces conditions.

J’espère avoir apporté quelques pistes.
Rachel


#7

Ce questionnement me rejoint.
Effectivement, le système traditionnel ne permet pas, à mon sens, de se rendre assez disponible pour les présentations individuelles. C’est en tout cas ce que je constate dans ma pratique. Du coup, s’il n’y a pas assez de présentations, les enfants ne savent pas bien quelle activité choisir. Soit ils prennent au hasard et on n’est pas dans la zone proximale d’apprentissages, soit ils ne s’intéressent plus au matériel… Et on a des dérives de comportement.
Pour remédier, je viens de créer des plans de travail individualisés où je fais figurer la photo de ce qui concerne l’enfant dans chaque domaine. J’ai fait simple pour ne pas submerger l’enfant : 1 priorité dans chaque domaine. Je ne regrette pas mon essai d’une pédagogie plus axée sur les ateliers de manipulation individuels, mais j’essaie de l’adapter à la réalité de ma classe… La pédagogie est une incessante recherche et adaptation à ce que nous observons dans nos classes!
Je pense que le premier secret est de ne pas culpabiliser!


#8

Bonsoir, je suis dans les mêmes interrogations que toi. En essai cette année pour la première fois avec une classe de 3 niveaux (7 ps/8 Ms/10 Gs), avec des ateliers autonomes
Les Ps sont demandeurs et vont chercher plusieurs fois les activités , les Ms ont mis plus de temps (déjà formatés depuis un an) , mais commencent à être un plus autonomes dans leurs choix…
Mon gros souci , ce sont les GS …aucune motivation , ils se contentent d’accumuler les présentations sans envie de refaire les activités , pas d’entraide volontaire auprès des plus petits, beaucoup de bavardages…je suis découragée. J’ai l’impression de ne pas les faire avancer et cela me rend certainement "tendue " avec ce groupe d’âge .J’ai aussi installé des plans de travail pour eux (non personnalisés) mais il faut aussi les pousser …les parents avaient l’habitude de beaucoup de retours écrits et d’une préparation “visible” pour le cp…Entre les présentations , l’ambiance de classe pas assez sereine, les Grands et les multiples suivis, j’ai m’impression d’être partout et nulle part, et je m’épuise nerveusement…Pourrais tu partager un exemple de ce que tu appelles plan de travail personnalisé? Mille mercis


#9

Bonjour Corinne @Coco68

Les grands ont besoin effectivement d’être guidé pour commencer. Je les trouve moi aussi moins demandeur et spontanés que les petits. Je les guide donc dans leur travail avec un carnet de réussite. Celui ci regroupe des brevets de réussite à valider pour chaque activité, avec des consignes précises. Voir le sujet “Accompagnement des élèves

Ce qui me permet d’assurer un suivi individuel de chacun et d’aller plus loin car chaque consigne comporte des marches de progression de difficulté croissante. Ce carnet assure également une présentation aux parents, car toutes les manipulations que nous faisons en classe ne donne pas lieu à des fiches! et certain peuvent avoir l’impression que l’on ne travaille pas autant que dans une classe “traditionnelle”.

Bref, pour les GS en tout cas, c’est plutôt intéressant pour commencer d’avoir un outil de ce type, comme un plan de travail.


#10

Bonjour
Je lis les réponses de tout le monde et il me vient quelques idées.
J’ai envie de prendre l’exemple d’un adulte qui doit également apprendre la persévérance.
Par exemple, j’ai parfois du mal à persévérer quand il s’agit de faire le ménage à la maison.
J’ai remarqué une nette amélioration de ma motivation quand quelqu’un me parle du ménage, sans que ce soit un reproche, Juste une petite discussion légère, qui m’apporte un angle nouveau.
Je suis de nouveau motivée parce qu’un nouveau point de vue me fait réfléchir sur la question sans que j’en sois préoccupée.

Je voudrais maintenant Comparer ça avec vos présentations.
Je ne suis pas sûr d’avoir compris ce que sont des présentations, je suis professeur de piano et non pas des écoles.
Mais il me semble que vos présentations ont le même rôle qu’une discussion.
À cela J’ajouterais, un petit bout de phrase magique :

La prochaine fois,…

J’ai remarqué, en parlant à mes enfants et à mes élèves que lorsque je pose une petite graine et qu’on la développe non pas le jour même mais plus tard, (la prochaine fois…) les enfants sont beaucoup plus réceptifs et volontaires.

Je dirais donc que la clé principale c’est de diluer la progression dans le temps de 2 façons

  • en parlant avec les enfants, en les projetant dans un nouvel objectif pour la prochaine fois ( comme ça ils ont un temps de maturation et ne sont pas obligés de dire oui ou non tout de suite)

  • en fabriquant des petites étapes comme j’imagine est constitué le cahier des progressions dont qqn a parlé plus haut.

Car des petits pas sont toujours plus faciles À faire que des grands pas.
Et en plus, ça facilite la vision du progrès.
Et si je veux développer la persévérance, je dois avant tout développer l’estime de soi. Et je pense que l’estime de soi passe par la conscience de ses propres progrès.


#11

Pour ma part, j’ai décidé de ne pas tout évaluer mais de me concentrer sur le langage et la numération. J’ai créé une frise avec les photos des activités dans un ordre de difficulté croissante. Ces frises sont visibles par tous et elles permettent à l’enfant de se repérer. Voyant les autres avancer, ils ont souvent envie de s’y mettre aussi ou quand un enfant ne sait pas trop quoi faire, je vais regarder les frises avec lui et lui propose de se lancer. Dès qu’une activité a été réussie seul et que j’ai validé, l’enfant sonne une petite cloche et annonce à tous qu’il a réussi un travail difficile et va passer au suivant. Les avancées sur les frises ne se font pas à rythme constant. Parfois, les enfants passent du temps à jouer, à regarder les autres puis d’un seul coup, je propose d’aller voir la frise, je présente une activité et ça décolle. Se voyant progresser, ils ne veulent plus s’arrêter et enchaînent 3 ou 4 activités à la suite. Pareil pour l’écriture cursive, certains détestent et écrivent au minimum (atelier 1 fois par semaine pour tous en individuel) puis d’un seul coup, ont envie d’avancer leur petit cahier et le terminent en 1 semaine.