Bien comprendre l'approche pour ne pas la dévier !


#1

Bonjour,

J’espère que malgré la longueur de mon message, certains prendront le temps de le lire et de m’apporter des réponses.

Depuis deux jours j’ai découvert @Celine et ce forum avec enthousiasme mais ce matin je m’interroge. Je n’ai pas encore acheté le livre, j’y vais cet après-midi mais j’ai passé mon Week-end à visionner les vidéos et à lire tout ce qui se trouve sur le site.

Je précise bien que je ne porte aucun jugement, je m’interroge juste.

Ses intentions et son travail sont formidables, j’adhère complètement.

Il me semble que le but de ce travail est de prouver que d’autres méthodes pédagogiques peuvent fonctionner à l’école maternelle afin d’inciter l’éducation nationale et les enseignants à revoir leurs modes de fonctionnements pour tendre vers un meilleur développement et épanouissement des enfants de 3/6 ans. Dans le cas de son expérimentation il s’agit d’enfants issus de quartiers difficiles donc qui partent pour la plupart avec un handicap que l’éducation nationale devrait être en devoir de réduire en priorité.

Quand j’ai visualisé les vidéos de Céline, ce qui m’a interpelé en premier c’est le calme qui règne dans la classe. C’est génial d’arriver à un tel résultat avec un groupe d’enfants quand on sait comment les enfants d’aujourd’hui ont du mal à canaliser leur énergie et à vivre harmonieusement en collectivité et combien il est mauvais pour eux d’évoluer dans un environnement bruyant. Les enfants n’ont pas l’air malheureux et je suppose qu’ils ont des temps pour évacuer l’énergie parce qu’ils ne peuvent pas être en permanence dans le contrôle.

Le deuxième détail qui m’a émerveillé, c’est sa douceur, la tendresse qu’on ressent quand elle parle des enfants, la gentillesse et l’amour qui émane d’elle, on la sent bienveillante pour reprendre son terme que je trouve très juste. Même ressenti pour @Anna. Merci à toutes les deux.

Quand je parcours le forum, ce qui m’interpelle c’est la focalisation sur les ateliers et le matériel. Ça me semblent effectivement indispensable pour mettre en place un apprentissage en milieu scolaire, mais qu’en est-il de la posture de l’adulte face à l’enfant qui a, me semble-il en écoutant Céline, une importance non négligeable ?

Mon ressenti est qu’il ne s’agit pas simplement de leur proposer des ateliers, mais de leur apprendre aussi à se poser, à se concentrer, à vivre en harmonie, à se respecter eux et les autres. Il s’agit de leur donner confiance en eux, envie d’apprendre, bref les aider à devenir des êtres intelligents si possible mais surtout qui savent vivre en harmonie et dans le respect de l’autre.

Des parents, des assistantes maternelles, des centres de loisirs interviennent pour mettre en place des ateliers chez eux ou au sein de leur structure, c’est très bien, mais hors apprentissage scolaire quel est le but ?

Stimuler à outrance les enfants ou simplement leur apporter les clés d’une vie en collectivité et en société saine, respectueuse, harmonieuse et bienveillante ce qui me semble être le leitmotiv de Céline ?

La finalité est-elle de faire des génies de tous les enfants, ce qui est impossible, ou de les aider à s’épanouir pour devenir “de bons adultes” ? On peut être bienveillant sans être un génie et à mon avis mieux vaut une personne normale et bienveillantes qu’un génie abject genre Steeve Jobs pour n’en citer qu’un et il y en a beaucoup. Trop d’intelligence ne rime pas toujours avec bienveillance.

A-t-on besoin de matériel pour apprendre aux enfants la gentillesse, la bienveillance, la solidarité ou la vie en collectivité ? Je ne pense pas.

La première des démarches à avoir à mon avis, avant de penser à des ateliers, est déjà de regarder les enfants, TOUS LES ENFANTS pas uniquement le sien, avec un autre regard. Toujours avoir à l’esprit que quand on regarde un enfant, qu’on interagi avec lui d’une façon ou d’une autre on contribue à sa socialisation et à son développement. Donc être souriant, doux et poli chaque fois qu’on s’adresse à un enfant, il reproduira ses comportements. Plus les adultes seront bons et justes avec les enfants meilleurs seront les enfants et de fait les adultes qu’ils deviendront et donc le monde dans lequel ils évolueront.

Beaucoup d’adultes ont une posture autoritaire quand ils demandent quelque chose à un enfant.
Exemple tout simple mais tellement courant : quand on demande à un enfant de dire bonjour c’est “Tu dis bonjour”, moi je dis “Tu veux bien dire bonjour”, c’est totalement différent. On n’impose pas, on suggère, on lui laisse le choix, c’est un pas vers l’autonomie il me semble. L’enfant a la possibilité de dire bonjour mais c’est lui qui décide et en général il dit bonjour ce qui n’est pas toujours le cas si on impose. “Tu donnes” est différent de “Tu veux bien donner”. Il me semble que Céline donne un exemple de ce genre dans une vidéo.

Combien d’adultes obligent les enfants à faire la bise pour dire bonjour ? Mais moi je ne fais pas la bise, je n’aime pas ça et j’ai le droit ça ne m’empêche pas d’être polie et de dire bonjour. Je trouve très violent d’obliger un enfant à faire la bise surtout à un inconnu. Avec les enfants il y a plein de petites actions anodines qui résonnent avec violence.

Toutes les personnes qui mettent ou envisagent la mise en place d’ateliers ont-elles commencé par analyser leur façon d’interagir avec les enfants ? Se sont-elles demandées si elles font toujours preuve de patience, de constance et de bienveillance avec les enfants ?
C’est la première étape à mon avis ; se lancer sans ces trois qualités est peut-être une erreur et avec les enfants on n’a pas vraiment droit à l’erreur. Si on n’a pas ces trois qualités il convient avant toute chose de faire un travail sur soi. Les enseignants et les professionnels n’ont pas toujours ces qualités de base.

Après, il faut faire une analyse de son projet. Pourquoi je veux mettre en place cette approche pédagogique, avec quel moyen financier et humain, etc. ? Il me semble qu’un des objectifs du livre et d’aider à se lancer.

Peut-être n’ai-je rien compris après tout ? Il s’agit peut-être tout simplement de suivre les lois naturelles de l’enfant pour pouvoir lui faire absorber un maximum de connaissances sans se soucier de ce qu’il en fera mais je ne crois pas.

Maria Montessori avait pour but de conduire les enfants vers un monde meilleur dont ils seraient les bâtisseurs et acteurs et j’ai cru comprendre qu’il en était de même pour Céline qui a la chance que n’avait pas Maria Montessori de vivre en 2017 et de profiter de moyens de communication et de diffusion bien supérieurs.

Pour en revenir au titre du sujet, je crains que si trop de personnes se mettent à faire tout et n’importe quoi il y ait des échecs préjudiciables pour les enfants qui desserviraient la pédagogie au lieu de la servir.

Je crains également que si l’éducation nationale ne s’empare pas assez vite de cette approche au moins pour la maternelle, des personnes bien ou mal intentionnées ne surfent sur la mode des pédagogies alternatives, qui semble se répandre, pour créer des écoles privées. Si trop d’enfants quittent l’école publique alors l’état fera encore moins d’efforts. Ceux qui resteront seront issus des milieux moins favorisés et la France perdra son école publique qui malgré tout ce que les médias tentent de nous faire croire reste encore de très bonne qualité pour un système gratuit il ne faut pas l’oublier, même s’il est un peu vieille France. Comme pour la santé nous aurons un système éducatif à deux vitesses.

C’est un cercle vertueux qu’il convient d’activer et non pas un cercle vicieux.

Bien à vous
Nadia


#2

Bonjour @NadiaL,

Votre interrogation et vos craintes pourraient-elles se résumer ainsi : Le fait de se focaliser sur le matériel et sur la mise en place d’ateliers sans prendre en compte la dimension humaine n’est-il pas plus préjudiciable pour les enfants que ce que nous vivons dans les écoles publiques jusqu’à maintenant ?

Je crois que le livre de Céline répondra à vos questions. “Le secret, c’est l’amour” dont elle parle résume parfaitement l’essence de cette démarche. En effet, et je vous rejoins complètement, chaque adulte entourant l’enfant, parent, enseignant, assistante maternelle, éducateur sportif… a déjà un travail de prise de conscience à faire sur lui-même. Ensuite s’il est interpellé par une autre façon de voir l’enfant, de le considérer, la responsabilité lui revient de mettre en place dans sa vie les changements d’attitude nécessaires tels que ceux que vous décrivez.

Céline insiste beaucoup sur cet aspect fondamental de la qualité de la relation adulte-enfant et sur l’inefficacité du matériel et des ateliers si la posture de l’adulte ne devient pas plus horizontale.

Le chemin sera long bien sur car chaque individu n’en est pas au même point et le rythme de chacun doit être respecté. Ce qui me paraît important c’est que chaque adulte interpellé par cette démarche bienveillante, respectueuse de lui et de l’autre, cherche en lui-même les meilleures façons de l’offrir aux enfants.

Nous sommes très nombreux sur ce forum à partager des outils, des idées d’ateliers ou d’activités, à en discuter.
A chacun ensuite de s’approprier ce merveilleux partage de connaissances et de le personnaliser en fonction de sa sensibilité propre et en fonction également de son degré de réflexion sur le chemin de la bienveillance.

En ce qui me concerne, je ne pense pas à la dérive possible car je me focalise sur mes actions en faveur d’une plus grande bienveillance envers tous les enfants et les adultes qui m’entourent :slight_smile:.

En résumé, chacun peut contribuer, à son échelle et à sa vitesse à un meilleur épanouissement des Enfants !

Je ne sais pas si je vous ai apporté une réponse. En tout cas le livre de Céline devrait vous rassurer !

Bonne lecture et tenez-nous au courant ! :closed_book:

Céline


#3

Je ne pense pas que Nadia mette en doute les objectifs de Céline…mais plus ceux de certains qui s’en inspireraient mais en dévoyant la démarche: pousser le plus possible les enfants sans prendre en compte leurs besoins, sans cette bienveillance nécessaire…
Certains pourraient effectivement être tentés, en école privée…mais aussi publique…pour obtenir de meilleurs résultats…
Heureusement, la base de la démarche comme l’a rappelé @cnivelais , c’est que ces résultats ne peuvent être obtenus que s’il y a de l’amour, de la bienveillance.

En tant qu’enseignante j’ai envie que mes élèves progressent le plus possible, oui, mon premier objectif est d’obtenir de meilleurs résultats, de ne plus laisser des élèves sur le côté, de donner “à manger” à ceux qui ont “faim”…bref de permettre à chacun d’aller au mieux de ce qu’il peut faire!!! Mais celà, je ne peux l’obtenir que si mes élèves se sentent bien!! Et bien avant de découvrir Céline et sa démarche, c’était mon objectif numéro 1!
Je crois que c’est le cas de beaucoup sur le forum! nous souhaitons améliorer notre pratique pour que les enfants se sentent bien et obtiennent de meilleurs résultats, les deux sont indissociables!


#4

Je crois moi aussi que ce qui motive l’immense majorité des enseignants et des adultes sur ce forum, c’est d’arriver à mieux respecter chaque enfant, et chaque adulte aussi, dans une ambiance de classe apaisée, bienveillante et chaleureuse… Pour chacun d’entre nous c’est à la fois l’objectif numéro 1, et le véritable moyen de faire entrer les enfants dans les apprentissages dont il est capable…
Pour pouvoir mettre en oeuvre cette démarche, la grande nouveauté n’est pas tant le matériel, c’est l’organisation de la classe en activités individuelles, avec des ateliers en libre choix et des apprentissages à la carte… Plus d’ateliers dirigés de 6 ou 8 enfants avec la même progression pour tout le monde, au même moment… Mais une multitude de plateaux en libre service, qu’on va essayer de montrer à chacun au bon moment…
D’où quand même l’importance du matériel : sans matériel prêt et étudié dans la classe, les enfants ne pourront pas être actifs et autonomes et on ne pourra tout simplement rien faire de bien…
On peut décider d’être bienveillant et chaleureux, quelle que soit sa pédagogie, mais sans individualisation réelle de l’enseignement, c’est un projet inabouti, et se lancer dans les activités autonomes ne s’improvise pas…


#5

Cette interrogation, je l’ai également.
Il est clair que le livre de Céline Alvarez crée des attentes chez beaucoup de parents. Que va-t-il se produire si ces attentes sont déçues ?
Conflits enseignant(e)s/parents, fuite de certaines familles vers le privé ?
Je suis profondément attachée à l’école publique et mon attachement traversera toutes les modes. Quoiqu’il arrive, j’aurai appris de ce qu’il se passe aujourd’hui autour de l’expérience de Gennevilliers, de la pédagogie montessori, de la pédagogie Freinet… On parle de la bienveillance partout et c’est un terme qui est aujourd’hui accommodé à toutes les sauces. Cela signifie-t-il qu’il faille le rejeter pour ne pas succomber à une mode ou le galvauder comme je peux le voir dans certaines satires ? Lorsque la mode de montessori et de la bienveillance sera passée, il restera chez moi un changement profond de ma pratique pédagogique, changement amorcé il y a plus de 6 ans et qui n’est pas arrivé à maturation (le sera-t-il un jour ?).
Je ne suis pas la seule dans ce cas, d’autres étaient engagé(é)s dans cette voie bien avant moi, bien avant Céline Alvarez, d’autres la prendront plus tard, et chacun avancera à son rythme propre. Ayons le même respect pour les adultes que celui que nous réclamons pour les enfants ; le libre choix et l’autonomie, le respect du rythme de chacun. Céline Alvarez dit qu’il ne s’agit pas que tous les enfants de Gennevilliers de GS sachent lire, mais que ceux qui le désirent puissent le faire. Je dirai la même chose concernant ce qu’il se passe aujourd’hui autour de tout cela ; il ne s’agit pas pour moi que tous les enseignants fassent “à la manière de” Céline Alvarez, où Maria Montessori ou Célestin Freinet, mais que tous ceux qui le souhaitent puissent le faire. Et donner à chacun le maximum d’éléments pour opérer ses choix en toute connaissance.
Quant à la fuite des familles vers le privé, j’espère que la plupart des familles conquises par le livre de Céline Alvarez comprendra que c’est de temps dont nous avons besoin et qu’en attendant l’école maternelle traditionnelle, du moment qu’elle respecte l’enfant, est une école de qualité dans laquelle depuis des années de nombreux enfants se sont épanouis et ont appris de nombreuses choses. Quant à moi, quoiqu’il arrive, je resterai dans le public, parce que c’est là qu’il faut être, parce qu’il est si facile de se tourner vers ce qui est semblable, de s’entourer de gens qui pensent et fonctionnent comme nous. Mais ce n’est pas comme ça que le monde est fait. Cette démarche n’est pour moi légitime que si elle est offerte à tous, et surtout à ceux qui ne la demandent pas.


#6

Bonsoir Nadia,

Je suis certaine qu’il y a et qu’il y aura des dérives.
Récemment, une amie enseignante est allée visiter une collègue qui lui disait " faire comme Céline Alvarez" : elle a trouvé dans la classe beaucoup de matériel et des ateliers, mais elle a surtout entendu un discours tourné uniquement vers les performances des enfants, elle a assisté à de bien nombreuses scènes violentes ( enfants punis, isolés dans le couloirs lorsqu’ils pleurent), et a pu voir aussi que loin de les inviter à coopérer et interagir entre eux ils étaient réprimandés à chaque fois qu’ils quittaient leur atelier pour aller regarder celui du copain, et qu’aucun atelier n’était prévu pour que des enfants travaillent ensemble.

Mais…non seulement cette enseignante ne faisait pas “pire” que les années précédentes, elle a juste ajouté des ateliers dans sa classe, point, mais en plus, on peut au moins espérer que cet intérêt pour une autre façon de faire va petit à petit l’amener à reconsidérer sa position vis à vis des enfants, et à se poser les bonnes questions sur ses pratiques. Donc, finalement, s’il faut tout de même veiller à ce que ces mauvaises expériences ne servent pas d’exemples, on peut tout de même se dire que ce n’est pas si grave ( enfin si, ce qu’elle fait est grave, mais l’était déjà avant, et cela n’a rien à voir avec ce changement qu’elle tente de mettre en place).

Si déjà on pouvait entendre dans toutes les classes des " tu veux bien dire bonjour" au lieu de " dis bonjour", je serais évidemment aux anges ! Ceci dit, j’entends parfois, souvent même, dire " tu veux bien dire bonjour" sur un ton aussi sec que le " dis bonjour", avec clairement une attente de l’adulte, et un faux choix laissé à l’enfant qui sent bien la pression à ce moment là. Je pars du principe que si les adultes disent bonjour, les enfants vont le faire aussi naturellement, et que s’il ne le font pas, il y a peut-être une raison, une peur derrière, ne serait-ce par exemple l’envie de ne pas être là, avec cette personne…Quand un enfant ne répond pas à un bonjour, et que j’entends un adulte insister, je dis simplement à l’enfant qu’il pourra me dire bonjour plus tard, ou bien je lui propose de réfléchir à une autre manière de dire bonjour ( soit dans une langue imaginaire, soit avec un signe de la main, soit…) mais je lui dis bien qu’il le dira quand il sera prêt. Et s’il est bougon, je me dis que le fait qu’il ne veuille pas le dire signifie aussi quelque chose ( pas envie de venir me voir, vexé par quelque chose qui s’est passé auparavant, pas envie que ses parents partent etc).
Bref, tout cela pour dire que même passer du “dis bonjour” à " tu pourras me le dire comme tu veux, quand tu seras prêt", passer de l’injonction au choix réel peut prendre beaucoup de temps…

Donc, même si oui, moi aussi cela m’inquiète beaucoup lorsque j’entends trop parler de performance ( personnellement, je pars du principe que si cela revient c’est parce que les enseignants ont des comptes à rendre, ont à prouver que leur “méthode” est efficace ; pas parce qu’ils veulent à tout prix qu’un enfant puisse lire et écrire à 4 ans et être fiers de leurs petites génies) et de matériel ( alors qu’en effet, ce n’est pas là l’essentiel !). Pour moi, c’est une évidence qu’un enfant peut apprendre à lire à 10 ans et dévorer des romans à 15, ou apprendre à lire à 3 ans et ne plus rien lire à 15, je me fiche completement qu’un enfant apprenne à compter jusqu’à 100 ou 1000 et qu’il le fasse à 4 ans ou à 15 ans, je me fiche qu’il maîtrise ou non l’orthographe. Qu’il préfère danser que compter, observer les oiseaux plutôt que lire ne me pose aucun souci. Sauf lorsque cet enfant est scolarisé dans le système classique et que cela va lui être reproché en permanence…là, savoir lire, écrire, compter assez jeune va leur permettre de ne pas perdre totalement leur enthousiasme naturel.

Mais je crois qu’il y a un si grand chemin à parcourir entre les pratiques classiques de l’école et la direction pointée par les travaux de Céline et d’Anna, qu’il faut accepter que chacun avance à son rythme, en fonction de son histoire, de son parcours, du soutien qu’il trouve, ou pas, autour de lui.
Je ne pense pas qu’une mauvaise compréhension des travaux puisse entraîner des catastrophes dans les classes.

Si je partage vos questions quant à cet usage du matériel et des performances au détriment de la nécessaire non violence envers les enfants, je ne partage pas du tout votre peur quant au risque de voir les écoles publiques désertées. Cela ne me fait pas peur dans la mesure où oui, il y a plein d’écoles alternatives qui ouvrent, oui il y a de plus en plus d’enfants non scolarisés, mais cela au contraire, me réjouit énormément ! Parce que les enfants n’ont pas le temps d’attendre que l’école publique change, parce que le chemin ne va pas se faire en quelques mois, parce que si on continue tous à rester et à cautionner la violence de ce système, on va partir du principe qu’il convient finalement à la plupart des gens. Alors que si les classes se vident, que d’autres modèles pédagogiques émergent par monts et par vaux, peut-être alors que le système pourra être remis en question ! Pour moi l’école actuelle est loin, vraiment loin, d’être “de très bonne qualité”, et si je reconnais les fabuleuses expériences qui se jouent dans quelques classes, dans certaines écoles, je ne peux pas cautionner ce système de roulettes russes en encourageant les parents à y laisser leurs enfants en disant à ceux-ci " je sais que vous souffrez, mais vous verrez un jour l’école ira mieux, les choses bougent…". A trop vouloir sauver les quelques bons côtés de l’école, à trop avoir peur d’oser lâcher ce que l’on a construit, à trop s’accrocher à la sécurité, on oublie la possibilité d’une révolution complète, d’un départ vers autre chose.
Donc, cela ne me fait pas peur du tout. J’ai bien plus peur des adultes qui continuent à croire dans l’adultisme et qui prônent la supériorité de l’adulte sur l’enfant, punissent, humilient, rabaissent, et offrent ainsi un modèle violent aux enfants…


#7

Bonsoir et merci d’avoir alimenter ce sujet.

Je suis heureuse de lire vos retours, ça fait du bien :grinning:

C’est évident qu’on ne peut aller que vers quelque chose de mieux et qu’il faut aller dans ce sens dans le cadre scolaire, là n’était pas mon inquiétude.

Vous enseignants, avez l’habitude de gérer une classe et d’apporter des savoirs aux enfants.

Ce qui me fait un peu peur, mais qui ne doit en aucun cas être un frein au sein de l’école, c’est que n’importe qui, y compris les parents, se mette à vouloir faire des enseignements sous prétexte qu’avec cette méthode il semble simple de délivrer des apprentissages aux enfants.

Il me semble évident qu’on peur leur faire acquérir facilement des compétences, les préparer mieux à la suite de leur scolarité mais pas à leur faire l’école.

Il n’y a d’ailleurs pas besoin d’une méthode particulière pour les éveiller et les préparer à l’entrée en maternelle. Il suffit de suivre leur rythme, de les accompagner, de les respecter, de les laisser s’épanouir et de les aimer de 0 à 3 ans et de continuer par la suite bien entendu.

Effectivement, les enseignants qui font déjà des dégâts ne feront pas pire avec n’importe quelle autre méthode et ceux qui ont déjà une approche bienveillante ne pourront que faire mieux surtout auprès des enfants qui en ont le plus besoin. Ce sont ceux-là qui m’inquiètent le plus et pour lesquels l’éducation nationale n’est pas adaptée et qui ne bénéficieront jamais d’une école privée. Les autres, ceux qui sont bien entourés à la maison suivront de toute façon une scolarité convenable comme ils l’ont toujours fait.

Bien à vous
Nadia


#8

Oui clairement’ l’un ne va pas sans l’autre.
Mais je pense que nadia a lu de’nombreux posts qui sont sur ce forum ( et qui m’ont fait exactement le même effet… voir la rubrique maman qui se pose beaucoup de questions, mais pas seulement la) ou on a le sentiment que l’enjeu c’est que les enfants sachent lire par tous les moyens avant le cp voire avant la grande section, les mamans s’inquiètent car leur enfant aime les lettres donc vite vite on achète le matériel montessori et on le fait lire à la maison… ah mais zut à l’école ils ne le font pas lire… ah la la il va s’ennuyer… je trouve ça assez hallucinant, j’ai l’impression que les enfants font leur journée d’école et enquillent avec une soirée pédagogie montessori à la maison, alors qu’ils doivent déjà être bien fatigués, car quand même s’il aime tant les lettres et que la maîtresse ne lui apprend pas à lire de suite il faut vite que je m’en occupe… stimulation, stimulation, quand tu nous tiens…
pour ma part je suis en rep plus, ravie de découvrir et pratiquer cette nouvelle manière de fonctionner,avec des hauts et des bas mais dans l’ensemble plutôt de la joie et de la satisfaction, et je me rends compte que cette pédagogie me permet de mieux comprendre et mieux aider les plus faibles, de les aider à rattraper le retard, les enfants sont issus de milieux très défavorisé et tres peu stimulés à la maison. on ne veut pas créer des génies on veut que tous les enfants puisse suivre un parcours scolaire fluide et serein… que les mamans des enfants qui ont deux ans et qui adorent les lettres se détendent , tout ira bien!:blush:


#9

Vc[quote=“papillon, post:6, topic:2059”]
Si je partage vos questions quant à cet usage du matériel et des performances au détriment de la nécessaire non violence envers les enfants, je ne partage pas du tout votre peur quant au risque de voir les écoles publiques désertées. Cela ne me fait pas peur dans la mesure où oui, il y a plein d’écoles alternatives qui ouvrent, oui il y a de plus en plus d’enfants non scolarisés, mais cela au contraire, me réjouit énormément ! Parce que les enfants n’ont pas le temps d’attendre que l’école publique change, parce que le chemin ne va pas se faire en quelques mois, parce que si on continue tous à rester et à cautionner la violence de ce système, on va partir du principe qu’il convient finalement à la plupart des gens. Alors que si les classes se vident, que d’autres modèles pédagogiques émergent par monts et par vaux, peut-être alors que le système pourra être remis en question ! Pour moi l’école actuelle est loin, vraiment loin, d’être “de très bonne qualité”, et si je reconnais les fabuleuses expériences qui se jouent dans quelques classes, dans certaines écoles, je ne peux pas cautionner ce système de roulettes russes en encourageant les parents à y laisser leurs enfants en disant à ceux-ci " je sais que vous souffrez, mais vous verrez un jour l’école ira mieux, les choses bougent…". A trop vouloir sauver les quelques bons côtés de l’école, à trop avoir peur d’oser lâcher ce que l’on a construit, à trop s’accrocher à la sécurité, on oublie la possibilité d’une révolution complète, d’un départ vers autre chose.
Donc, cela ne me fait pas peur du tout. J’ai bien plus peur des adultes qui continuent à croire dans l’adultisme et qui prônent la supériorité de l’adulte sur l’enfant, punissent, humilient, rabaissent, et offrent ainsi un modèle violent aux enfants…
[/quote]
Pour avoir vu quelques classes en écoles privées, pour avoir longuement discuté avec des collègues qui en avaient fait autant, je peux vous dire qu’être enseignant dans le privé et être bienveillant, même quand ce point est revendiqué par l’établissement, peuvent être deux choses totalement étrangères, la bienveillance n’étant qu’un masque qui tombe bien rapidement.


#10

Je suis d’accord avec ce qui a été dit, et je suis moi aussi préoccupée par les remarques de certains parents, sur ce forum ou dans ma classe.
Je crois que seule une très petite minorité d’enfants de 2 ou 3 ans ressent le besoin de travailler avec les lettres rugueuses. Par contre, je vois de nombreux parents qui ont besoin de voir leur enfant avancer plus vite que la moyenne. Ce n’est pas un jugement. J’entends leur demande comme une angoisse. La vie est dure, l’avenir pro incertain…alors si on peut se rassurer en sortant son enfant du lot…
J’ai moi aussi peur de la fuite vers le privé, alors j’espère de tout coeur que l’école publique va enfin s’emparer du sujet et permettre à notre démarche de se développer. Car pour l’instant, nous sommes bien seuls et c’est un chemin qui demande un investissement hors normes. Il faut que l’éducation nationale se bouge car il y a là un moyen de “retenir” certaines familles tentées par le privé tout en aidant les plus fragiles. Car c’est quand même mon objectif premier personnellement.
Ce que je vois avant tout chez Montessori et chez Céline Alvarez c’est une ode au vivre ensemble et à l’épanouissement.
Apprendre à lire à 3 ans, ce n’est pas l’essentiel.


#11

Je tiens aussi énormément à l’école publique, mais la création des écoles alternatives ne me fait pas peur, au contraire je trouve cela stimulant. C’est toujours positif quand un petit groupe réfléchit à un autre possible. Ça peut donner des idées que nous n’aurions pas osé avoir. Surtout que souvent ces écoles sont créées avec la fraicheur, la naïveté et l’élan que nous avons parfois perdu à l’éducation nationale.

Apprendre à lire à 3 ou 4 ans n’est pas, ne doit pas être un objectif, c’est une conséquence observée chez certains enfants lorsque l’on met en place une autonomie bienveillante.


#12

Papillon, je suis moins optimiste que toi.
Cela arrangerait l’état de se débarrasser financièrement d’un certain nombres d’élèves. C’est déjà le cas.
Ceux qui resteront sont ceux qui n’auront pas les moyens d’aller ailleurs…et je ne crois pas du tout qu’on essaiera alors de leur fournir le meilleur. Pas un instant.
Je serai très curieuse de connaître le nombre d’enfants scolarisés dans le public chez nos dirigeants.


#13

Sujet passionnant …


#14

Cela ne fait aucun doute ! J’ai largement pu constater cela aussi, le privé, l’alternatif ou même le nom " Montessori" ne sont en aucun cas un gage de quoique ce soit !
Mais pour avoir aussi fait beaucoup d’observations, je peux vous assurer qu’il y a aussi de merveilleuses écoles alternatives, et de beaux projets qui éclosent, que ce soient dans des lieux encore nommés “école” même s’ils n’ont plus grand chose à voir avec une école, ou bien dans les familles !:o)

Et je crois surtout que si on veut qu’un jour les enfants bénéficient tous d’un accompagnement digne de ce qu’ils sont, on a tout intérêt à rester unis, et à ne pas défendre d’un côté l’école publique, d’un autre l’école privée, d’un autre le unschooling, d’un autre les écoles alternatives publiques/privées…
Ce qui me semble important n’est pas de sauvegarder ce qui est mais bien de changer le regard que les adultes portent sur les enfants et de faire en sorte que les enfants puissent tous suivre leurs propres lois naturelles…et pour cela il y a plusieurs solutions, et il est important que chaque famille puisse choisir celle qui lui convient !


#15

oui, avoir le choix, c’est essentiel…cependant, dans les écoles publiques, on accueille quand même une bonne partie d’enfants dont la famille n’a tout simplement pas les clés pour pouvoir suivre ces lois naturelles et encore moins pour avoir un avis sur le type d’école choisir…dans le meilleur des cas ils font confiance à l’école publique, dans le pire des cas, ils ne font confiance à personne…C’est pour ces familles là qu’il est particulièrement important que l’école publique soit de grande qualité…ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et qui le serait encore moins en cas de transfert d’enfants “favorisés” du public vers d’autre type de scolarité…
C’est un problème complexe…peut-être en donnant d’avantage d’autonomie aux écoles, en changeant la façon de concevoir les projets d’école, en modifiant le mode de nomination sur les postes…mais là, on touche vraiment au mammouth…et il s’agit de bien réfléchir pour ne pas créer un enseignement à 2 vitesses…


#16

Simplement pour nuancer:
"90% des enfants français du public disent aimer leur école " PISA 2015


#17

C’est important de le rappeler !


#18

Et oui mais là base de tout pour une société juste, égale, c’est une école gratuite. L’école publique n’est pas parfaite,je suis enseignante depuis plus de dix ans , je travaille chaque jour de chaque année à améliorer’ le fonctionnement de ma classe , comme la plupart des enseignants que j’ai croisé dans les ecoles où je travaille, et quand je lis certains posts j’ai l’impression qu’on reçoit tous, nous tous qui pourtant essayons de faire notre possible avec les connaissances, les moyens et la hiérarchie qu’on a, des tomates en pleine figure. Bien sûr qu’on peut faire mieux , on peut toujours. on chemine, on explore, on teste pour trouver le meilleur. Mais l’école maternelle en France est gratuite, ce n’est pas une garderie au rabais, c’est’une Ecole, avec des personnes impliquées avec lesquelles à mon sens les parents ne dialoguent pas assez ( ainsi que l’inverse!) mais elle est gratuite, accessible à tous, on accueille tout le monde, les enfants du quartier, les enfants réfugiés , les enfants’ riches’ les enfants pauvres, les enfants handicapés ( Bon je sais que là dessus’ il y aurait fortement à redire… c’est un autre débat!) c’est cette diversite qui fait aussi que le travail est difficile car’les enfants ont tous des histoires tellement différentes… mais c’est ce qui fait la richesse aussi, et la mixité de ces enfants est primordiale, la carte scolaire n’existe pas pour rien, tous les enfants ont besoin les uns des autres, et c’est possible. Et quoi qu’on en dise, ça c’est de la vraie bienveillance. Ouvrir des écoles privées c’est aussi fatalement en refuser l’accès aux plus démunis, je suis tellement contre et tellement désolée pour mes élèves que je ne sais même pas comment le dire.


#19

Un rapide rappel : l’école publique en France n’est pas gratuite, elle est subventionnée. Elle a un coût réel qui est assumé par la collectivité, ce qui est une excellente chose pour assurer l’accès à l’éducation à tous.
Pour rappel également, le budget de fonctionnement d’une école publique élémentaire en France est de 450 euros par mois pour l’éducation nationale, ce qui n’inclut pas les dépenses municipales. Ce qui veut dire qu’une école hors contrat (ne recevant aucun financement) qui veut travailler à budget égal, doit demander cette somme aux familles.
Je ne vais pas nier l’existence d’écoles privées élitistes qui demandent des coûts exorbitants afin d’effectuer un tri social et de s’assurer un entre soi. Mais parmi les écoles alternatives et beaucoup d’écoles Montessori qui veulent offrir aux enfants une pédagogie basée sur les lois naturelles, vous trouvez très souvent des écoles qui demandent une somme inférieure, travaillent avec des budgets réduits, pour des salaires très bas.
Parce que eux aussi sont attachés à ces valeurs de mixité sociale, que vous retrouvez dans ces écoles.

Bref, tout ceci pour dire que la dichotomie n’est pas dans public/privé, elle est dans l’intention pédagogique et la bienveillance. Le système français est figé dans une guerre d’un autre temps, qui freine considérablement les gens qui veulent faire autrement, à l’image de ce que Céline a tenté de faire à Gennevilliers.
Un système à l’anglais de charter schools, ou même carrément le modèle scandinave où tout le monde peut ouvrir une école (une fois prouvé le sérieux de votre projet éducatif) mais où vous êtes immédiatement subventionnés par l’état et avec interdiction de demander de l’argent supplémentaire aux familles.

Né déplorez donc pas que des gens ouvrent des écoles privées : lamentez vous plutôt que l’Etat refuse de subventionner des propositions éducatives innovantes.


#20

Merci @Hadrien pour votre précision.

Pour notre part, nos coûts sont largement majorés par rapport à la province car les locaux que nous louons (nous n’avons pas les moyens d’acheter) ont des prix relativement élevés. Le prix du loyer par enfant est déjà de 2500 euros par an (et ce pour des locaux extrêmement modeste bien loin du clinquant marketing)

Evidemment il faut ajouter les salaires des enseignants, du personnel administratif et de service, les frais divers, les achats de matériels etc.

Pour notre part, nous avons à coeur que nos enseignants puissent trouver un logement au moins dans la petite couronne (communes limitrophes à Paris) … même sans avoir besoin d’avoir un conjoint pour se loger ! Nous essayons ainsi d’être bienveillants à l’égard de l’équipe éducative en limitant les heures de transport et la difficulté des conditions de vie pour qu’ils puissent eux-même être calmes et positifs en commençant leur journée de classe. Tout cela implique a minima d’être à 2000 euros net mensuel (soit à peu près 43000 euros/ an en coût employeur) et rapporté à un ratio de 1 enseignant pour 16 enfants cela fait encore 2700 euros par enfant.

Donc en prenant les seuls loyers et salaires de l’enseignant nous sommes déjà à 5200 euros/an/enfant pour le coût…

Je vous assure que nous essayons de faire au plus juste, que nous travaillons tous énormément et que nous accueillons des enfants qui peuvent avoir des profils très variés, y compris des enfants en situation de handicap sans recevoir aucune aide publiques.

Des écoles avec un coût beaucoup plus élevé que la nôtre vont pouvoir être également beaucoup plus chères mais elles auront une grande bibliothèque, un espace de jeux et/ou un gymnase, peut être des salariés support en nombre plus important (personne en charge de l’accueil des enfants en situation de handicap ou de langue maternelle non francophone etc…). Je ne juge pas forcément négativement ces établissements. Ils offrent un service supplémentaire que nous serions également ravis de pouvoir offrir à nos élèves.

Il serait formidable de pouvoir offrir un cadre éducatif positif à chaque enfant.