Non au découpage en syllabes


#1

@Céline Alvarez
Alors voilà, je reviens d’une conférence peda sur l’évaluation de l’oral où nous avons dû travailler par petits groupes suivant le niveau choisi.Deja, cela pose un problème puisque ma collègue et moi avons des classes multi âges…Bon, nous nous rallions à la majorité de notre table et nous optons pour la moyenne section ( 2 autres collègues qui travaillent comme nous sont éjectées à une autre table car n’appartenant pas au même collège de secteur! Bonjour le partage pédagogique de nos pratiques )
Soit dit en passant ,de cliver ainsi les classes d’âges ne nous parlent plus du tout…
Il s’agissait de repertorier les indicateurs observables et les outils suivant 5 domaines de l’oral. Arrivés au paragraphe concernant la phono, nous expliquons ma collègue et moi que nous ne pratiquons plus le découpage syllabique mais le découpage en phonèmes, aidées en cela du son des lettres, de la boîte à sons, des lettres rugueuses, des alphas…Les conseillers pédagogiques, présents à ce moment-là nous ont soutenu qu’il fallait passer par le découpage syllabique, qu’il était important de savoir décomposer en syllabes pour pouvoir lire un mot, que c’était la méthode de l’entonnoir: on commence par la + grande entité ( phrase) pour finir à la + petite (la lettre)…Et qu’adviendra t’il de ces élèves en cp s’il ne savent pas découper en syllabes !!
Ma réplique fut de leur parler d’une de mes grandes qui a réussi la dictée muette (1) grâce auc lettres mobiles😏Mais, toujours du scepticisme de leur part…
Au secours celine!!!
J’ai beau être convaincue ,expliquer la démarche,mais quand j’ai devant moi des conseillers pédagogiques qui haussent les yeux au ciel quand on parle de ta méthode ,Céline, et qu’on préfère rester sur ses dogmes, c’est très agaçant :tired_face:


#2

Je ne suis pas étonnée…Personnellement, je ne pense pas afficher mes convictions dans ce domaine…Les programmes parlent explicitement d’entraînement au découpage en syllabes…Du coup, à moins de tomber sur quelqu’un qui me semble vraiment ouvert au dialogue…je reste discrète…j’ai convaincu mes collègues et pour le moment je trouve ça déjà pas mal!


#3

Nous on a dit qu’on allait bien faire travailler le découpage en syllabes… mais on le fera au mois de juin avec les grands seulement :smile::innocent:


#4

Si je me souviens bien de l’histoire, Céline Alvarez, malgré les résultats obtenus à Gennevilliers, s’est vue reprocher par la hiérarchie de commencer par le travail de la conscience phonémique plutôt que par le découpage syllabique. Alors, continuons à travailler dans nos classes, c’est le fruit de notre travail et de celui des enfants qui parlera pour nous.
Si ce n’est pas cette année, ce sera l’année prochaine, ou dans deux ans…
Et nous serons nombreuses et nombreux. Il sera alors difficile de dire que l’expérience n’est pas généralisable.
À ce moment là, ne levons pas les yeux au ciel, ce n’est pas très poli.
Et en attendant, je suis certaine que nos grandes sections auront le niveau attendu… Largement.


#5

Oui, je suis d’accord avec toi sur le fait que ce seront nos élèves qui porteront le fruit de notre demarche et seront nos meilleurs étendards.
Mais cela reste difficile de ne pas pouvoir exposer son point de vue …Et j’ai du mal à faire semblant, quand je suis convaincue…


#6

Je pense que certaines pratiques pédagogiques sont très fortement ancrées dans les esprits, et il est difficile pour beaucoup de personnes de les remettre en cause. A partir du moment où tu crois en ce que tu fais, où tu vois les bienfaits de la méthode sur les élèves, il est inutile prêter attention à ceux qui lèvent les yeux au ciel. Selon une recherche dont a parlé Stanislas Dehaene, le découpage en syllabes est à la portée des analphabètes contrairement au découpage en phonèmes que seuls les lecteurs experts (ou en devenir) sont capables de faire. C’est tout de même très significatif comme observation.


#7

J’ai du mal à comprendre … on peut travailler la conscience phono tout en mettant l’accent sur le phonème , mais pourquoi diaboliser la syllabe ?
Elle représente une entité physiologique très accessible , ludique , et n’empêche en aucun cas l’attention portée aux unités qui la composent . Pas plus que de jouer avec les mots n’empêche de manipuler leurs composants à différents niveaux pour bien les appréhender .
On peut faire du “tapping” ( sorte de découpage rythmé qu’ils adorent) , des jeux de soustraction , fusion , inversions etc …de syllabes .
Ces entraînements précieux n’empêchent en rien le travail au niveau du phonème .
Les deux sont complémentaires et peuvent très bien se travailler parallèlement .
L’important c’est de multiplier les entraînements pour donner aux enfants des outils complets et solides .
En quoi la syllabe serait-elle une entrave aux apprentissages ?
Je suis vraiment intéressée par tout ce que je découvre ici mais ce point me laisse perplexe …


#8

@sylcha, je dis simplement que le découpage en syllabes ne permet pas de rentrer dans la lecture mais risque d’induire les enfants dans la confusion.
Certes, le jeu du tapping ,du verlan est très ludique,mais je pense qu’il faut le dissocier de la lecture.Pourrsuoi pas dans ce cas, le limiter aux prénoms, ou l’aborder avec le reste des mots en fin d’année,une fois que la conscience phonèmique est acquise.
Le conseiller pédagogique me soutenait l’inverse: “nous devons d’abord commencer par le découpage du mot en syllabes, et que celui aidera à déchiffrer un mot quand il sera au cp, suivant le principe de l’entonnoir”.
C’est à cela que je m’oppose.Je ne vois pas en quoi ce découpage pourra aider au décodage d’un mot.


#9

C’est justement parce qu’elle est très accessible et ludique que je trouve la syllabe dangereuse. C’est comme le tube de l’été, ça vous rentre dans la tête, et plus moyen de s’en défaire pour penser à autre chose ! :smile: Je me heurte tous les jours à des enfants qui ont le réflexe “syllabe” pour composer un mot à l’alphabet mobile, et qui n’arrivent pas découper ces syllabes en phonèmes. Pour composer moto, ils entendent que ça commence par /mo/, et comme /mo/ n’a pas de casier, ils sont bloqués. Alors que ceux qui entendent /m/, puis /o/ n’ont aucun mal.
Certains bien-sûr ne sont pas gênés, et peuvent assimiler facilement les deux découpages, mais vu que c’est une entrave pour certains, et que de toute façon ça ne manque à personne, j’ai éliminé cet entrainement avec les non-lecteurs. Et puisque c’est au programme, j’en parle, mais uniquement aux enfants les plus avancés.


#10

La syllabe n’est pas une entrave aux apprentissages. Simplement, en ne manipulant exclusivement que des syllabes, le cerveau du jeune enfant (qui est en pleine construction) finit par identifier l’unité syllabique comme insécable. L’accessibilité au découpage phonémique pour entrer dans la lecture en sera beaucoup plus difficile et compliqué et donc retardé.
Il apparaît alors plus pertinent de présenter à l’enfant directement la plus petite unité sécable de la langue, le phonème.


#11

Il n’est nullement question de ne travailler QUE sur la syllabe , ni de la figer . Je parle de plus grande richesse en travaillant la cse phono dans tous ses aspects et il me semble dommageable de supprimer l’un d’entre eux .
Pour ma part je travaille avec des enfants sourds et je peux vous assurer qu’ils ne font pas la confusion entre ces différents constituants . Il suffit d’être rigoureux dans ce qu’on propose . Ludique ne veut pas dire libre et non structuré :wink: . Bien au contraire , travailler de façon ludique suppose de parfaitement maîtriser son matériau …
Je ne pense pas non plus qu’il faille hiérarchiser dans le temps le phonème ou la syllabe , les deux peuvent faire l’objet de manipulations parallèlement , tout dépend de la tâche phono proposée .
En revanche je vous suis parfaitement sur un point : la voie royale pour entrer dans l’écrit , c’est l’écriture , donc l"encodage , et pour cela l’enfant doit apprendre à utiliser les unités minimales que sont les phonèmes & les graphies .
Mais ceci ne dispense pas du nécessaire travail complet de la cse phonologique . On sait combien elle est prédictive d’un apprentissage optimal , tout autant que les consciences lexicale et syntaxique .
Tous ces aspects combinés feront d’eux non seulement de bons déchiffreurs mais de bons lecteurs-compreneurs .
Je ne peux que vous renvoyer aux travaux de Stanislas DEHAENE , je cite par ex p. 40 ds “APPRENDRE À LIRE , des sciences cognitives à la salle de classe” : “Les jeux de langage , qui font manipuler les syllabes , les rimes et les phonèmes , préparent efficacement l’enfant à la lecture .”


#12

Sans vouloir diaboliser le découpage en syllabe, je trouve que :

  • on manque de temps alors on va au plus pertinent (le phonème)
  • quand on repère les phonèmes dans les mots et qu’on apprend en // les sons des phonèmes (phonèmes rugueux) on aide les élèves à faire le lien entre écrit et oral
    quand on apprend à découper des mots en syllabes et qu’en plus on leur donne le nom (et non le son) des lettres, il n’y a aucun lien à faire et ce sont 2 apprentissages fastidieux et manquant d’intérêt pour bien des enfants.
  • les jeux avec les syllabes sont plutôt faciles et accessibles pour les élèves “qui vont bien” mais ça précipite vite les plus fragiles dans la chute vers la difficulté scolaire (dès la maternelle, je trouve ça dommage)
  • les tests pratiqués par les médecins scolaires (à base de découpage syllabique) m’ont laissé rêveuse l’an dernier… mes élèves les ont globalement ratés, le médecin était très alarmiste. Une de mes élèves avait obtenu un score de 6 sur 24. C’était une petite fille qui savait lire !!! :laughing:[quote=“Melanie, post:3, topic:1745”]
    Nous on a dit qu’on allait bien faire travailler le découpage en syllabes… mais on le fera au mois de juin avec les grands seulement :smile::innocent:
    [/quote]

Hahaha!!! j’ai fait exactement pareil !:kissing_heart:


#13

Bonjour @marie21 ,
le lien entre écrit et oral , essentiel , oui , que ce soit avec syllabes phonèmes mots phrases etc , on est bien d’accord !
Je saisis mal votre concept de " sons des phonèmes " , mais bon …
Le nom des lettres : pourquoi voulez vous que l’on donne le nom des lettres lors de manipulations de syllabes ? Je saisis mal là aussi le rapport …
Travailler la phono à tous niveaux et prendre le temps de le faire , surtout avec les enfants qui ont des difficultés dans ce domaine me paraît au contraire les équiper mieux pour dépasser leurs difficultés .
Cet entraînement intensif chez des enfants qui ont du mal à manipuler les différents constituants de la parole est d’une efficacité étonnante et permet d’éviter bien des blocages ultérieurs .
Comme je l’ai dit déjà , je suis très intéressée par tout le travail que je vois s’opérer ici mais je continue à ne pas comprendre ce tabou de l’aspect syllabique de l’entraînement phonologique ni les réactions sensibles que cette question semble susciter :eyes:

PS . Quant aux tests utilisés par les médecins sco , s’ils sont faits entièrement , ils évaluent normalement tout autant les compétences phonétiques que syllabiques , ainsi que d’autres aptitudes ( repérage visuel etc …). Mais là je sors de mon domaine .
Les évaluations des compétences phono peuvent être faites aussi bien par vous , enseignants , ou par nous , orthos . Le principal est , comme vous le faites , de bien connaître l’enfant pour l’accompagner au mieux . :raising_hand_woman:


#14

Bonsoir @sylcha, je souhaite à Marie d’être couchée à cette heure tardive. Je vais donc te répondre en te disant que les programmes demandent à ce que l’on apprenne le nom des lettres aux enfants. Ce qui effectivement génère parfois des difficultés lorsqu’ils veulent déchiffrer . Alors que lorsque on leur apprend le son de ces mêmes lettres sans les nommer le problème ne se pose pas. Mais les programmes parlent des syllabes et du nom des lettres de façon indépendante, ce n’est pas travaillé dans les mêmes séances.


#15

Merci @Zartine pour cette précision , je ne suis pas fan moi non plus du nom des lettres …
Même lorsqu’il y a des divergences de points de vue je trouve que ce forum est exemplaire dans la tolérance et la richesse des échanges .
J’y trouve grand intérêt et aime moi- même me remettre en question dans ma propre pratique , c’est la seule façon de ne pas stagner et de faire fonctionner nos cerveaux , comme celui des enfants !

Juste une remarque sur le nom des lettres : autant lors de l’entrée dans le langage écrit celles ci peuvent être " confusionnantes" , autant , plus tard , lors de l’acquisition du lexique orthographique , elles peuvent être d’un grand secours .
On peut alors recourir à l’épellation ( très pratiquée par les anglosaxons ) de mots , bouts de phrases , phrases entières , celle ci aide à la mémorisation & à l’automatisation du stock orthographique , des accords etc et permet de travailler cet aspect écrit à l’oral . On évite ainsi de trop longs moments d’écriture chez des enfants qui commencent à bloquer , et cet entraînement oral de l’écrit a le grand mérite d’être vif , rapide , et de favoriser la mise en mémoire . Bien plus efficace que les dictées qui à mon sens ne servent pas à apprendre mais à évaluer !
J’ai pratiqué ça aussi avec mon propre fils , excellent lecteur mais fâché avec l’orthographe . Ça a bien décoincé la situation , transformant un exo fastidieux en de petites séances denses et fructueuses .


#16

Entièrement d’accord avec toi @sylcha, le nom des lettres est une entrave à l’apprentissage de la lecture, mais dès que l’enfant est lecteur, il faut bien apprendre le nom des lettres, pour l’orthographe et pour le classement par ordre alphabétique. Ce serait bizarre d’épeler /llll/ /ooooo/ /uuuuu/ /ppppp/ pour loup alors que l’on n’entend pratiquement aucun de ces sons !
Et comme les enfants sont finalement très vite lecteurs… on a vite besoin du nom des lettres. Ce n’est donc pas la peine d’en faire un point de crispation, ce n’est qu’une affaire de timing, il suffit de ne voir que le son de la lettre en PS-MS ; et en GS, le nom des lettres est progressivement introduit. Comme ça le programme de maternelle est respecté et pas d’affolement chez les collègues d’élémentaire :wink:


#17

bonjour !

les réponses d’@zartine et @Leila81 sont très proches de celle que j’aurais pu vous faire : l’apprentissage du nom des lettres d’abord (dès en maternelle) pour revenir aux sons des lettres (et non des phonèmes, je me suis mal exprimée!) ensuite (CP) est préconisé par les programmes. Il en est de même pour le découpage syllabique suivi de la décomposition en phonèmes. Bien sûr, ce sont 2 apprentissages distincts (là encore j’ai été un peu vite!) mais qui ont en commun d’être “la norme de ce qu’on apprend en maternelle”, ce que beaucoup d’entre nous critiquent, analysent et éclairent de leur nouvelle pratique (pas encore toujours soutenue, d’où la “tension” parfois apparente :wink:)

Ce que je souhaitais juste pointer, c’est que ces apprentissages me semblent être proposé dans un ordre inopportun.

Depuis l’an dernier, je commence par la décomposition en phonèmes, et le travail autour du son des lettres et l’entrée dans la lecture des MS-GS est rapide, facile et source d’une grande fierté, d’une grande joie pour les enfants.

Les jeux avec les syllabes sont ensuite facilités et tout à fait possibles, mais moins “indispensables” à mon sens puisque les élèves sont déjà lecteurs. Ils sont une source de jeu de plus, un moyen de se faire plaisir ensemble, de partager un moment de connivence langagière dont il serait évidemment dommage de se priver :relaxed:

De même pour l’apprentissage du nom des lettres, une fois l’enfant entré dans la phase d’automatisation de la lecture, il se retrouve confronté aux premiers obstacles orthographiques (les homophones en tête de liste) et c’est pour lui l’occasion d’apprendre rapidement et facilement le nom des lettres, tant son désir de lire est grand. Apprentissage qui sera poursuivi et consolidé en élémentaire, avec l’apprentissage et l’utilisation de l’épellation, ainsi que vous le faites très justement remarquer !

J’espère que ces précisions complètent les réponses à vos remarques, je tâcherai d’être plus précise à l’avenir!:tulip: (l’heure tardive n’a pas dû aider! bien vu @zartine :blush:)


#18

Merci @marie21 pour votre réponse claire et détaillée . J’apprécie de pouvoir ainsi peu à peu comprendre votre démarche .
Je trouve ici nombre d’enseignants passionnés , qui cherchent , et cela est très stimulant !


#19

Aucune crispation de ma part @Leila81… ( ??? :confused:).
CF ma réponse d’hier où je dis exactement ceci . Le nom des lettres peut être source de confusions au début des apprentissages de l’écrit , donc à utiliser avec précaution en faisant bien la différence ( mon fils a ainsi appris avec la fameuse petite chanson " lettre “f” qui fait ffffff , lettres “ch” qui font /ch/ " etc , et il aimait beaucoup ce rituel ).
Ensuite à un stade ultérieur , nommer la lettre est indispensable , notamment lors des activités d’épellation au stade orthographique .


#20

Non non pas de votre part :slight_smile: c’est des collègues que vient la crispation… c’est assez difficile à faire passer que ce n’est peut-être pas utile, voire néfaste de bourrer la tête des enfants avec le nom des lettres et le frappé de syllabe tout le long de la maternelle ! Cela faisait référence à mon expérience perso avec des collègues, à qui j’ai du mal à faire passer ce genre de message sans crispation. Du coup j’édulcore en disant que ce serait bien de ne pas seulement donner le nom, qu’on peut les aider en donnant le son de chaque lettre… ce à quoi il m’a été répondu qu’il ne fallait pas faire de pré-CP en maternelle. Dur dur parfois…