Permaculture scolaire


#37

Je ne retrouve pas le passage. Quel livre cites-tu ? Quelle page ? Merci Manon.


#38

C’est le gros du travail de préparation de rentrée que je fais dans ma classe. Enlever un maximum d’activités pour ne garder que celles que je souhaite introduire rapidement. Le choix est difficile. Quel matériel sélectionnez vous dans vos classe en début d’année ?

Et le rangement de tout le reste est délicat. Je dois tout réussir à caser sur les étagères du haut. Sachant que celles du bas sont réservées au libre choix des élèves. J’aime quand ces étagère comportent peu d’activités pour commencer.

Ce matériel est bien rangé, et j’insiste de façon quasi maniaque pour qu’il soit reposé exactement à sa place. Ce pour le mettre en valeur (le “sacraliser”). Le matériel est unique et fragile, les enfants sont invités à le manipuler avec la plus grande attention. La gestuelle et la concentration sont de première importance. Ce sont les principales compétences visée lors de la première période, les compétences exécutives. Réussir à enchaîner précisément toutes les étapes pour sortir, manipuler, puis ranger un matériel, dans l’ordre et sans se précipiter. Ceci aidera par la suite les élèves à entrer dans des consignes complexes qui demandent d’ordonner plusieurs actions, de suivre un process.

Avec cette forte contrainte de rangement, les élèves travaillent la mémoire visuelle à court terme. Une photo est posée face visible sur l’étagère au début, elle est ensuite retournée face cachée, les enfants l’utilisent pour s’aider si besoin dans un premier temps, puis après coup pour valider leur rangement.

Je félicite ceux qui y prêtent une grande attention, même s’il s’agit d’une activité d’une grande facilité, on ne doit pas prendre le travail de classe à la légère. Les tout petits sont très forts d’ailleurs, et attachent une grande importance à cette contrainte. J’observe souvent les petits nouveaux reprendre les plus grands parce que ces derniers ont pris de mauvaises habitudes, ils rangent de façon trop précipité. Quel plaisir pour eux de pouvoir alors aider les plus grands, ils deviennent référents ! Et les grands n’en mènent pas large dans ces cas là. En début d’année, cela repose le cadre, et permet de repartir sur de bonnes bases, car le rangement tend à être un peu délaissé en cours d’année.

Enfin, le matériel étant rare, il incite ceux qui le prennent à en prendre le plus grand soin, à s’appliquer pour bien faire, et à le garder aussi longtemps qu’ils le souhaitent sans trop vite zapper vers un autre matériel disponible. De plus, l’enfant qui manipule se retrouve vite entouré de spectateurs qui observent ses gestes ; ils ont le droit de lui parler, lui poser des questions (en chuchotant), mais pas de toucher à son travail. La limitation du matériel encourage donc naturellement les élèves à apprendre de leurs pairs.

Je veille lors de ces rassemblement autour d’une activité privilégiée à ce que ce le calme soit scrupuleusement respecté ; un élève qui hausse la voix se voit de suite invité à venir me voir. Il attend alors que je sois disponible en posant la main sur mon épaule, et je lui rappelle en chuchotant avec un message clair comment communiquer. En cas de chahut, je le garde à côté de moi, ou je l’envoie faire une autre activité tout seul.

Ce n’est pas facile de limiter le matériel, car les enfants ont tendance à être grégaires. Ils ont envie de faire comme les autres. Cela peut vite conduire à des disputes, des précipitations pour savoir qui prend l’activité en premier. C’est pourquoi au tout début je laisse un temps d’accueil avec le placard fermé. Puis c’est moi qui propose à un enfant (heureux élu) de lui montrer une nouvelle activité, et j’ouvre le placard avec lui.

Pendant ce temps, il faut bien sûr prévoir pour tous les autres diverses occupations en libre accès : bibliothèque, dessins … J’en oublie, que prévoyez-vous dans vos classes ? C’est ce que je présente en tout début, avant même de sortir les premières activités. Comment ranger correctement un livre, où se servir en feuille de papier et où la ranger, comment se servir et utiliser les feutres …

Pour conclure, les enfants à la rentrée vont arriver dans un lieu et tout point différent de la maison. C’est l’objectif, pour bien marquer la différence. J’en rajoute même un peu dans la mise en scène. C’est pourquoi j’ai utilisé le terme de “sacralisé”. A l’école publique on n’est pas dans une église, mais presque, c’est le temple du savoir ! On s’y déplace dans le calme. On parle en chuchotant. On s’écoute, les mots sont importants. Et pour le matériel, il y en a peu, et on en prend grand soin. Tout le contraire de certaines chambres d’enfants !!! :smirk:


#39

J’ai prêté mes 2 livres, mais je pense qu’elle en parle dans le 1er livre.

C’est cette étude https://www.psychologicalscience.org/news/releases/heavily-decorated-classrooms-disrupt-attention-and-learning-in-young-children.html
Cet article est en anglais ceci dit, mais il parle bien de la même étude.

Pour avoir enseigné 4 ans aux USA, je confirme que certaines salles de classe sont plus qu’étouffantes. Certes, les enseignants veulent bien faire, mais on se retrouve dans des salles ou le regard n’est jamais en repos. Ce n’est pas le seul élément, mais je pense que cela favorise la dispersion des élèves.


#40

La conception, des motifs aux détails.

La préparation de nos classes nous prend souvent un temps considérable, dont ceux qui ne sont pas du métier ne se rendent pas toujours compte.

En fonctionnement classique, la routine de la classe nous incite trop souvent à parer au plus urgent. Trouver des idées chaque jour pour remplir les cases du cahier journal. Que faire le lendemain pour occuper les élèves en autonomie pendant que l’on aura un groupe en atelier ? Retourner dans nos classe pour préparer le matériel en avance. Changer chaque jour pour trouver de nouveaux ateliers. On court après le temps. Corriger, évaluer, ranger le matériel. Quand j’ai commencé le métier il y a vingt ans, je comptais une heure de préparation pour chaque heure avec les élèves, au moins !

Pour certaines de nos séances ont fait l’objet de fiches détaillées bien sûr. Nous définissons les objectifs, les attendus des élèves, notre gestion de la classe. J’ai toujours rencontré des collègues très investies dans leur métier, très professionnels. Mais peut-on vraiment réfléchir à ses pratiques quand on a le nez dans le guidon? Notre formation professionnelle est réduite à peau de chagrin. Les échanges pédagogiques entre collègues sont très limités. Pour conclure, nous mettons souvent de fait la charrue avant les bœufs. Notre classe est conçue trop souvent à l’envers, en privilégiant les détails, et en ne réfléchissant que trop peu aux motifs.


#41

Les motifs, ce sont les lignes directrices qui organisent notre travail. La nature avance rarement en ligne droite. On y observe des arborescences, des spirales, des courbes diverses qui font la richesse du monde qui nous entoure. En classe, procédons de même, par petites touches.

L’enseignement spiralaire invite à revenir régulièrement sur un même notion en élargissant progressivement la difficulté. Pourquoi priverait-on les jeunes enfants de découvrir des domaines sous prétexte que c’est réservé au programme des classes supérieures.

En numération par exemple, les collègues des grands nous regardent généralement de travers quand nous sortons le matériel des perles avec les maternelles. D’autant plus quand nous introduisons le vocabulaire des unités, dizaines, centaines, milliers. Perles unités dizaines centaines milliers.pdf Ce n’est pas au programme m’a-t-on reproché, les grands nombres ne seront vus qu’en cycle 3. L’apprentissage théorique, oui, mais l’aborder avec les petits par la manipulation est tellement naturel et motivant. Pourquoi s’en priver ? Les enfants adorent compter les petites perles une par une, mais ils comptent tout aussi bien les barrettes dix par dix ou les plaques cent par cent. Et comme l’objectif est de mettre en relation une quantité et une écriture chiffrée, en particulier l’itération pour passer d’un nombre au nombre suivant, autant le travailler en variant les approches. Tout en affinant leur motricité fine et leur concentration.

De même quand les collègues de CP nous voient travailler le codage des sons avec des élèves de moyenne section, certains font des bonds ! L’apprentissage de la lecture est l’apanage du cycle 2, c’est sacré. Certes, mais si un enfant de 4 ans plein de curiosité est assez motivé pour chercher à comprendre l’intérêt de l’écrit au point de vouloir découvrir la relation entre les sons et les groupes de lettres, pourquoi le lui refuser ? Ecrire avec les lettres découpées en bois.pdf Il ne s’agit que d’une première découverte qui ne fera qu’entretenir sa motivation et le poussera à entrer dans le monde des livres. On travaillera à cette occasion la phonologie et le langage dans toutes ses dimensions, ce qui est bien au programme de maternelle.

Osons ainsi élargir l’horizon des élèves de maternelle dans de nombreux domaines, quand bien même la maîtrise théorique leur sembleraient interdite. Les enfants sont friands de découvertes véritables. Par la manipulation, le jeu, les rencontres de professionnels, on peut tout à fait avec eux aborder des sujets complexes. N’ayons pas peur de nommer les choses avec des mots compliqués, les élèves en raffolent. Quitte à ce que ces même notions soient revues plus tard de façon plus approfondie, c’est le principe de la spirale.

Voici un autre exemple qui illustre bien l’apprentissage spiralaire. Les nombres premiers, une notion en numération qui sera vue et revue à tout age. Avec les petits, il s’agit juste d’essayer de placer un certain nombre de jetons de façon à former un tapis, en lignes et en colonnes. Parfois c’est possible, comme avec 10, on fait deux lignes de 5 (ou 5 lignes de 2). Il y a même des fois plusieurs possibilités, comme avec 12. Avec d’autres nombres, 3, 7, 11… , que l’on appelle les nombres premiers, ce n’est pas possible. On aborde cette notion avec le matériel montessori des 55 jetons rouges quand on range les jetons par deux de 1 à 10, certains nombres sont paires, d’autres non. Cette même notion sera revue quand les élèves travailleront les tables de multiplication en CE1-CE2, puis les divisions posées en CM. Enfin, le travail sur les nombres premiers fait encore l’objet de recherches universitaires en mathématiques.

Enfin, cette vision spiralaire s’applique pour la mémorisation. Il est recommandé pour que les élèves se souviennent d’un mot nouveau par exemple, de le rappeler plusieurs fois en situation. On le fait répéter aux enfants une première fois juste après le leur avoir appris. Puis on reprend ce terme nouveau en bilan en fin de séance, afin bien ancrer les apprentissages. Il faudra ensuite le réactiver plusieurs fois pour une bonne mémorisation, en fin de journée, dans la semaine, puis dans l’année. Ces rappels devraient dans l’idéal être notés et programmés par l’enseignant. De façon plus souple, j’ai pris l’habitude de faire un petit bilan systématique en fin de séance, puis verbaliser en fin de journée aux élèves ce qu’ils avaient aimé. Avant, je demandais ce qu’ils avaient appris, mais ce qu’ils ont aimé leur parle plus en maternelle. J’en profite alors pour faire raconter en utilisant les mots nouveaux appris. Une liste affichée en classe peut aider à en garder une trace écrite. Plus tard dans l’année, on reviendra dessus en feuilletant le cahier de vie. Il faut donc que ce mot soit dans les consignes et légendes des photos collées. On nous demande à l’école d’enrichir le vocabulaire des enfants de plusieurs mots nouveaux par jour. A nous de trouver un fonctionnement qui nous permette de nous y tenir quotidiennement.

J’ai travaillé cette année avec une intervenante nature sur le thème des insectes pollinisateurs, les abeilles. Avec les petits elle a une super approche active qui les implique. On a observé, touché, goûté, manipulé ; et on est beaucoup sorti. Elle n’a pas hésité à utiliser pour l’occasion des mots précis. Les enfants ont appris et adoré réutiliser des termes comme mandibules, pollen, alvéole … Et avec le support d’un album nous avons aussi abordé des notions plus complexes comme la pollution chimique (le superplantox dans l’histoire) qui décime la population des insectes (dans l’album, les abeilles deviennent zinzins). Ce sont des thèmes d’actualité, les néocortinoïdes autorisés sous la pression des lobbys agro-industriels pour traiter les betteraves à sucre sont une calamité, 80% des insectes ont d’or et déjà disparus, les sols deviennent stériles. Les enfants que nous avons en charge sont concernés, et le seront d’autant plus quand ils auront à faire face aux dégâts que nos générations avons provoqué. C’est de l’éducation citoyenne, sont-ils trop jeunes pour y réfléchir et avoir leur avis ? Je ne le pense pas. A nous enseignants de trouver comment aborder de telles notions sans parti pris et à leur niveau. En manipulant, en abordant par tous les sens, en vivant des expériences, des rencontres.


#42

Le motif de la spirale illustre bien le fait de revenir régulièrement sur une même activité, à des niveaux de difficulté croissants. Un élève qui se désintéresse d’un matériel à un moment donné pourra y revenir par la suite, mais il faudrait alors lui donner un défi supplémentaire pour le motiver à ne pas simplement refaire ce qu’il maîtrise parfaitement. Les enfants aiment refaire plusieurs fois des activités faciles qu’ils savent bien faire, cela les rassure. Mais un rôle de l’enseignant est de les pousser un peu plus loin, dans ce que l’on appelle leur zone proximale de développement.

C’est ce pourquoi j’ai mis en place mes fiches de suivi avec les étoiles et cinq marches de consignes pour chaque matériel. Un élève en réussite dans une consigne donnée pourra déjà la présenter à d’autres élèves, et si j’assiste à la présentation, je le valide en notant une cinquième étoile sur sa fiche de réussite (quand je prends le temps d’en compléter une). Je peux lui proposer ensuite, après l’avoir félicité, de lui présenter la consigne suivante, celle qui est écrite sur la marche du dessus. Puis de passer à un autre matériel qui va un peu plus loin dans les apprentissages dans la même compétence.

J’ai défini ainsi des progressions linéaires dans certaines compétence donnée. J’avais intitulé pompeusement cela des projets d’apprentissage. Mais je me suis vite rendu compte que les élèves apprennent rarement de façon linéaire, et préfèrent souvent changer complètement d’activité avant de revenir travailler plus tard sur le même matériel. Comme dans la nature, les élèves n’aiment pas les lignes droites. Ils vont rarement suivre une progression directe telle que l’enseignant pourrait l’avoir prévu. Ou telle que programmée dans les manuels scolaires.

C’est tout l’intérêt du fonctionnement de la classe en activités libres autonomes. Les élèves suivent leurs envies, ils sont les meilleurs juges de leur travail. Avec la motivation en plus.


#43

Un autre motif qui peut nous inspirer dans la conception de nos classe est l’arborescence. C’est une structure fractale qui fait que la même organisation se retrouve à différentes échelles. Le tronc d’un arbre se divise en branches principales, qui se divisent elles même en branches secondaires, puis en petites branches, en rameaux, en brindilles. Ainsi environ à six niveaux différents pour un arbre, ce qui permet à son feuillage d’occuper un espace optimal.

Ce cheminement peut être suivi quand en langage on précise un terme générique avec les élèves. On peut découvrir avec eux qu’un mot vague comme le mot animal se décline en plusieurs branches lexicales, selon qu’il s’agit d’un insecte, d’un oiseau, d’un poisson. Ces familles elles même se divisent en catégories plus précises. On n’ira sans doute pas avec eux en taxinomie jusqu’à la dénomination précise de l’espèce en latin. Je l’ai eu fait ponctuellement pour mon projet sur les abeilles, invertébré insecte hyménoptère Apis mellifera. C’est en observant et en précisant les choses que l’on entre dans la richesse du langage avec eux. Divers jeux, comme les devinettes, permettent de le travailler. Le guide pédagogique intitulé Catégo (Eds Hatier) propose des exercices en ce sens.


#44

Intégrer au lieu de ségréguer

On nous demande maintenant dans les classes d’intégrer les enfants en situation de handicap. Le cas ne s’est jamais encore présenté pour moi, mais d’après des collègues qui l’ont vécu, la bonne intégration de l’enfant dépend vraiment de la situation, du handicap, de l’accompagnement des familles, et de la personne de l’AVS qui peut nous seconder dans la classe. Quoi qu’il en soit, c’est toujours l’occasion de réfléchir à ses pratiques pour les adapter à la situation.

Et c’est le cas chaque année quand on accueille les petits nouveaux, tous divers, certains en grande difficulté de comportement, de langage. Comment intégrer ces élèves, quand parfois plus de la moitié de la classe est renouvelée. Quand on a la chance de pouvoir garder des élèves d’une année sur l’autre avec une classe multi-niveaux. Comment gérer le début d’année quand certains ont déjà toutes les habitudes de travail autonome, et d’autres ont tout à découvrir ? J’accueille la majorité des tout petits au compte-gouttes au fur et à mesure de l’année, ils s’adaptent donc très bien à la classe en suivant le mouvement. Je n’accueille donc qu’une minorité de nouveaux à la rentrée, ce qui n’empêche pas de devoir remettre en place les règles de la classe.

J’aurais besoin de vos témoignages pour ces deux points.


#45

Peux tu préciser de quels points tu parles exactement ?


#46

Si l’un des points est le renouvellement partiel ou complet de la classe, c’est la situation que je m’apprête à vivre à la rentrée. Nouvelle école, donc aucun de mes 30 futurs élèves ne me connait et la moitié d’entre eux (les moyens) ont eu une première année tout à fait classique.
J’ai eu la chance d’assister à un webinaire sur le sujet. J’y ai trouvé d’excellentes pistes de réflexion, voici celles que j’ai retenues (je vais revoir le webinaire plusieurs fois et prendre des notes): j’avais bien en tête les activités sans présentation. La formatrice nous incitait a ajouter à cela des activités passives: avoir un aquarium dans la classe, par exemple, qui pourra attirer les plus jeunes et permettre peut-être une séparation moins douloureuse, differnets coins lecture (et pas un coin bibliothèque, pour éviter qu’il y ait trop d’enfants au même endroit). Avoir un des adultes (atsem ou enseignant) qui s’installe à un endroit pour lire des histoires, pendant que l’autre accueille les enfants et répond aux questions des parents. Une fois les parents partis, faire en petit groupe une visite de la classe, pour répondre aux besoin des enfants: ici les toilettes, ici un point d’eau pour boire, ici des activités que les enfants peuvent prendre sans présentation. Regroupement, pour quelques exercices choisis de grâce et de courtoisie (ex: poser la main sur l’épaule de l’adulte s’il est occupé), quelques chanson ou histoires. Avoir une chanson qui serve de rituel pour que les enfants puissent prendre des repères (j’ai prévu une chanson en LSF pour se dire bon appétit avant le déjeuner).
Voilà ce dont je me souviens.


#47

Merci pour ta réponse. Ça donne des pistes pour envisager sereinement le début d’année avec une classe en partie ou complètement renouvelée. Bonne idée de multiplier les coins en autonomie, coins lecture, et l’accueil avec des histoires. Et les chansons rituelles pour installer les bonnes habitudes. Quelle est ta chanson en LSF pour se souhaiter bon appétit ?

L’autre point de discussion est l’accueil d’enfants handicapés. Je sollicitais vos témoignages aussi sur ce point, n’ayant jamais encore rencontré cette situation.

Je me suis donné comme objectif il y a presque un an de rédiger quelques réflexions sur chacun des principes fondateurs en permaculture, appliqués à la classe, lieu d’émancipation, d’échanges et de savoir. En relisant ce que j’ai déjà écrit, je me rends compte que l’exercice a été riche sur des sujets variés. Mais cela reste souvent assez théorique. N’hésitez pas à rebondir pour témoigner d’expériences plus pratiques vécues dans vos classe. Merci. Il reste encore quatre intitulés de principes. Si vous vous sentez inspirés par l’un d’eux, n’hésitez pas à vous prêter vous aussi au jeu. :grinning:
- Utiliser des solutions lentes à petite échelle
- Se servir de la diversité et la valoriser
- Utiliser les bordures et valoriser la marge
- Face aux changements, être inventif


#48

Utiliser des solutions lentes à petite échelle

Les enseignants apprennent à être modestes et patients, car rien n’est jamais gagné avec les enfants. Les apprentissages se font en dents de scie.

D’où la difficulté à évaluer des progrès, qui ne sont pas définitifs mais bien plus souvent une photo des réussites des élèves à un instant T. Il faut d’ailleurs relativiser les évaluations normatives institutionnelles instaurées en CP. Elles ne valent guère que pour remplir des statistiques nationales, mais ne sont guère utiles en classe. D’autant plus que les enseignants de CP sont désormais démis de leur rôle d’évaluateur. On leur demande juste de taper les résultats brut. On n’a même plus accès aux algorithmes qui définissent les critères de réussites. Les évaluations formatives que l’on peut faire tout au long du travail en classe sont à ce propos beaucoup plus pertinentes. La démarche des livrets de réussites demandées en maternelle va en ce sens et me paraît plus adaptée à un véritable accompagnement des élèves.

On aurait facilement tendance à vouloir gagner du temps en faisant à la place des enfants. Erreur. Sur le long terme, le temps passé à apprendre à un enfant à être autonome n’est jamais perdu. C’est au contraire un investissement pour qu’à l’avenir s’enclenche un cycle vertueux vers des apprentissages durables. Petit à petit, on construit avec les petits les conditions favorables à ce qu’ils rentrent dans des apprentissages plus complexes. Mais il faut pour cela ne pas lâcher sur l’essentiel, ce dès le début, et prendre le temps, patiemment, de leur montrer, de les mettre en réussite, et de les féliciter.

Je commence en ce sens dès le début d’année avec le rangement. Chaise, coussin, livre, matériel, tout doit être remis consciencieusement, délicatement et sans bruit à sa place. Les fournitures sont limitées et précieusement manipulées et comptées. Les enfants complètent leur pot de crayon avec douze couleurs différentes, Je leur montre de suite comment manipuler, où accrocher les le capuchon, comment tenir le feutre entre trois doigts, comment s’asseoir. Lentement, sur des petites choses pour commencer, et dès leur entrée en petite section, on exige d’eux une attention particulière à l’école. Car ce sera le cas tout au long de leur scolarité à venir.


#49

https://m.youtube.com/watch?v=LNB27Jjj_b0


#50

Le sujet m’intéresse, en effet. En tant que passionnée par les plantes, le jardin, nourricier du ventre et des yeux ! Les 12 principes me font tout de suite penser aux principes de la coopération à l’école, en lien direct avec les futurs citoyens que nos élèves sont tous. Dans mon école, pour le moment, j’ai installé deux petits carrés potagers … sur notre cour en goudron :face_with_raised_eyebrow: … j’ai l’espoir d’obtenir un petit lopin de terre suffisamment sécurisé et proche de l’école pour en profiter avec les enfants !
Est-ce que tu t’es déjà lancé avec ta classe ? Qu’est-ce que ça donne pédagogiquement et pratiquement ?


#51

J’ai moi aussi à la rentrée une cour toute neuve … en goudron :tired_face: Je me suis pourtant battu pour que lui sol soit laissé en terre … battue ! Mais ça ne faisait pas assez propre !!! Je vais du coup avoir moi aussi deux grands bacs dans la cour. J’aurai également accès à un terrain vague … avec de la terre vaguement arable pleine de cailloux. Ce qui constituera un défi permacole pour restituer un sol vivant. Ce sera une première pour moi en maternelle. Jusqu’à maintenant je cultivais en jardinière avec les petits.

Le jardinage est un grand défi avec les élèves. Il n’y a pas toujours tant à faire dans la partie cultivée, et il faut pouvoir assurer dans la durée. Et prévoir les périodes de vacances. C’est bien d’avoir aussi une partie du jardin plus terrassement, tamiser de la terre douce, préparer du compost et observer les petites bêtes, ramasser les cailloux, tresser des herbes, faire des buttes … Les petits fruits (fraises, groseilles) pérennes sont appréciés.


#52

Bonjour @Florian,
Je suis avec grand intérêt tes écrits mais je n’ai pas encore trouvé le temps de tout reprendre depuis le début, j’espère le faire avant la fin de l’été.
Je ne pense pas pouvoir t’apporter beaucoup de mon côté, je n’ai pas repris le travail depuis le confinement ayant enchaîné avec un congé maternité puis parental. Je reprendrai seulement à mi-temps à la rentrée et sur un niveau simple après avoir vécu quatre belles années en classe multi-âge…
Lorsque l’on a travaillé de cette manière plusieurs années et que tout paraît évident, on finit par ne plus trouver les mots pour expliciter sa démarche, ce n’est plus ressenti comme un besoin. Il n’y a plus les doutes des débuts, on ne cherche plus à convaincre, on finirait même par se remettre des oeillères… Tes réflexions ont le mérite, je trouve, de tout remettre en perspective, c’est très intéressant et un beau projet !

J’essaierai avant la fin de l’été de rebondir sur certains points… :wink:


#53

Effectivement, pour avoir mis en place un jardin pédagogique cette année avec ma classe, le plus dur est de le faire vivre au quotidien. Après l’excitation de la préparation de la terre, des semis, plantations, difficile de se tenir à un rituel: désherbage, arrosage c’est chouette mais avec les vacances ça devient compliqué, je n’habite pas dans la même ville que mon école ! Nous avons cependant beaucoup de chance d’avoir sur place des parents d’élèves impliqués et qui n’hésitent pas à donner un peu de leur temps pour faire vivre ce jardin afin que nous puissions profiter de certaines récoltes à la rentrée.
Mais tout cela est possible car l’école est très spacieuse et que nous avons un espace terre qui a permis de planter des arbres, de faire un potager, de mettre un hôtel à insectes, des nichoirs, des abris chauve-souris, des mangeoires pour oiseaux… Toutes ces petites actions en faveur de la biodiversité nous ont permis d’avoir le label éco-école.
En te lisant Florian et en me documentant, je pense que la permaculture permettrait d’aller plus loin encore !


#54

Bonjour à toutes et tous !

Merci pour ce sujet. Les liens entre permaculture et éducation semblent infinis.

Je partage ici notre expérience associative à Nice… et notre actualité :
PE dans l’éducation nationale (mémoire de M2 : permaculture et apprentissages scolaires ;-)) , j’ai co fondé un jardin pédagogique en permaculture (1ha).

Ce jardin est habilité ferme pédagogique par l’EN depuis 2019 et on reçoit de nombreuses classes. Nous accompagnons des écoles via le dispositif que je partagerai dans ce sujet un peu plus tard (Ecoles En Transition, 3 ans, financé par la métropole niçoise donc gratuite pour les 10 écoles actuelles)

Sur le site du jardin, nous avons ouvert un “centre ressource pour enfants en IEF” : jardinage, éco-contruction, vie dans la nature inspirée des 8 shields…
Nous avons déposé en juillet un dossier de demande d’agrément d’école privée hors contrat, supportée par une SCIC (Société Coopérative d’Intéret Collective).

Dans ce cadre, je prends place en directeur à mi temps (décharge ;-)), secondé par des permaculteurs de l’asso. Nous souhaitons offrir au groupe (18 enfants pendant 2 ans, 36 ensuite, à la livraison d’un bati éco construit) un-e enseignante à plein temps. L’approche de Céline est une immense source d’inspiration pour nous (j’inclus les parents) et nous serions honorés d’avoir un-e personne souhaitant la mettre en place, en synergie avec tout ce qui peut se tisser sur le site : péda de projet et “vie pratique” en mode perma au jardin, coopératif…

Si ça résonne pour certain-e-s d’entre vous, merci de me contacter (agrément espéré fin octobre en fonction des 3 mois de la loi Gatel).

D’ici là, une petite vidéo du lieu (pas de suspense lié à cette vidéo : nous achetons le lieu, signature le 7/9)

Quoi qu’il en soit, je reviens vite vers vous avec des partages et ai hate de tisser des liens avec d’autres perma-éducateurs-trices ici !


#56

Il me reste trois axes à développer pour avoir abordé les douze principes de la permaculture. C’est une gageure que je me suis fixé il y a un an maintenant, de reprendre chacun de ces principes dans le contexte scolaire. Il y aurait pour chaque point tant de choses à dire encore, au risque de me répéter parfois. Je finirai par mettre tout cela en forme pour le publier de façon à ce que ça puisse être utile aux collègues qui souhaitent poursuivre cette démarche.

Se servir de la diversité et la valoriser
Ou comment encourager la diversité des parcours d’apprentissage dans la classe, mettre en valeur les initiatives, favoriser les échanges positifs entre élèves différents, reconnaître la spécificité et les intelligences de chacun, émanciper et faire gagner en confiance.

Utiliser les bordures et valoriser la marge
Ou comment retourner les expériences dérangeantes et imprévues en opportunités pour la classe, rebondir sur les idées des élèves, rediriger les élèves perturbateurs dans une énergie constructive plutôt que provocatrice, faire fi des contraintes ou s’en servir, ne pas trop se prendre la tête si ça ne se passe pas comme prévu, et s’arranger toujours pour arriver quand même à ses fins.

Face aux changements, être inventif
Ou comment faire preuve d’originalité pour faire face aux situations qui paraissent insolubles, garder un cap dans la tempête, rester ouvert, ne pas se décourager, contourner les problèmes, être souple la plupart du temps mais ferme sur ce qui est primordial, savoir préserver l’essentiel.


#57

Ce travail de réflexion, à priori très théorique, me permet de me projeter dans la classe sur des temps plus long. Comme je garde les enfants deux ou trois ans de l’âge de 2 à 4 ans, mes objectifs ne sont pas uniquement que les enfants s’adaptent au fonctionnement de la classe, ce qui se fait naturellement en quelques semaines. Je prend à cœur qu’ils intègrent et réinvestissent sur le long terme les valeurs de vie collective, de respect et d’émancipation qu’ils auront expérimenté à l’école. Ces valeurs qui permettent au groupe classe de tourner, mais également à chacun des divers élèves de s’épanouir, trouver sa place dans le groupe, faire des choix et prendre des initiatives.

J’aimerais que chacun progresse dans ses apprentissages par une motivation personnelle, et non imposée par l’enseignant. C’est une gageure, car le chahut et l’infantilisation peuvent vite reprendre le dessus. Mais le pari est qu’en prenant du plaisir à bien travailler à l’école, ce temps imposé devienne vite un moment privilégié, que les enfants viennent à l’école avec le sourire et l’envie d’apprendre avec les autres.

Je chéris ces moments bénis de classes où tous les élèves sont en activités dans le calme, que les interactions entre eux se font en chuchotant, gentiment, et dans le cadre des apprentissages. Et j’apprécie mieux encore quand, hors du cadre de la classe, un élève reprend naturellement des habitudes de classe qu’il a intégré. Je suis agréablement surpris quand je vois un enfant poser la main sur l’épaule d’un autre, chuchoter, faire preuve d’empathie, partager, lui expliquer ce qu’il sait, prendre des initiatives, dire non et faire valoir son avis.

Je ne suis pas dupe non plus du peu l’influence que l’on peut avoir face à ce que vivent certains enfants dans le contexte familial, ou face aux messages martelés par la publicité et aux valeurs mortifères véhiculée par la société de gaspillage dans laquelle nous baignons. Mais nous préparons les enfants au monde d’après, où les valeurs humaines seront plus précieuses que les biens matériels. Et autant expérimenter cela dans le cadre protégé de l’école ou de la famille. La communication bienveillante, la démocratie participative, la prise d’initiative, le libre choix, le respect concret des valeurs de liberté, égalité et fraternité, la fin du patriarcat, le respect du vivant, de la nature … Espérons que cela donnera la force aux futurs adultes de défendre ces valeurs dans la société de rupture qu’ils auront à construire sur les ruines de ce que nous leur aurons légué.