Permaculture scolaire


#21

Obtenir une production

C’est l’intitulé du troisième principe en permaculture, on vise l’abondance et le partage des surplus. En terme péda appliquée à la classe, on va le traduire par Comment mettre sa classe au travail ? Comment faire progresser tous les élèves ? Le savoir est sans fin et il n’y a aucune raison de se mettre de limite tant qu’un élève est motivé.

En fonctionnement classique en cohorte, l’enseignant dicte à son groupe d’élève ce qu’il doit apprendre. Il rame pour tirer vers le haut les élèves en difficulté, et limite les progrès des autres élèves aux compétences prévues. Alors que, si on leur lâche la bride, certains sont souvent motivés pour entrer à fond dans des apprentissages que l’on n’avait pas forcément prévu. Combien d’élèves de quatre ans nous surprennent en apprenant d’eux même à lire ! Et les élèves soit-disant en difficultés peuvent aussi nous étonner en se passionnant pour des domaines imprévus où ils se mettent à exceller.

Comme en jardinage, ça ne pousse pas toujours comme on l’avait prévu. Il faut savoir associer les plantes, semer au bon moment, être patient et intervenir au bon moment pour désherber, dé-épaissir, replanter en pleine terre … Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, et savoir saisir les opportunités. Savoir rester humble aussi, on ne contrôle pas tout.

L’attention doit être portée en particulier vers les élèves les plus discrets, ceux qui cherchent à se faire oublier. Comment faire progresser un élève qui ne rentre pas dans les apprentissages ? Qui refuse toutes les activités que l’on peut lui proposer. Observons le avant tout ! Comment occupe-t-il son temps ? Est-il en retrait fermé à tout ? Ou observe-t-il ce qui se passe ? Est-il concentré ou dispersé ? Semble-t-il intéressé ou blasé ? Souvent une approche non frontale est plus pertinente. Parfois juste s’asseoir à côté et attendre que l’élève fasse le premier pas.

Les élèves dispersés posent aussi problème, mais généralement on ne les oublie pas ! Ils perturbent la classe, provoquent des petits chahut, cherchent à capter l’attention, et ne sont pas du tout dans les apprentissages proposés en classe. Ceux là ne peuvent pas être livrés à eux-même tant qu’ils n’ont pas compris que le temps de classe est un temps sacré, un temple du savoir, un lieu codifié plein de contraintes mais également riche de nouvelles libertés. Je théâtralise, j’use de formules poncives, mais je fais de même en classe avec ces élèves. J’en rajoute ; plus ils se précipitent, plus je ralentis. Plus ils s’impatientent, plus je les fais mariner. C’est le petit groupe de terribles assis avec moi ; ils sont un peu punis et contraints, mais je fais comme s’ils avaient choisi de rester à travailler à côté de moi et je les en félicite.

L’ennui force l’inventivité. Tout comme la simplicité conduit vers la complexité. L’épure est propice à la diversité. La contrainte est source de créativité. Et les bouleversements bousculent les habitudes trop confortables. Je me force dans ma classe à changer les accès aux activités. J’ai généralement trop de choses, les enfants se dispersent trop. Ou ne sont pas assez curieux, ils ont trop de choix, ils se rassurent alors en allant uniquement vers les activités connues. C’est pourquoi je ferme temporairement l’accès à certains placard. Je fais tourner les activités proposées sur les étagères. Je range un matériel délaissé par les enfants pour plus tard le ressortir et susciter à nouveau l’intérêt. Je change la disposition des meubles. Je cache des surprises. J’essaie d’éveiller leur curiosité. Qu’ils se rassurent en classe avec des activités qu’ils maîtrisent. Mais qu’ils prennent goût également à découvrir chaque jour de nouvelles choses, et qu’ils s’y tiennent sans papillonner.

La rareté crée aussi le désir. Les enfants sont très grégaires et des modes traversent en fait la classe tout au long de l’année. A certains moment, un certain matériel va avoir un succès fou. Les élèves vont se chamailler pour y avoir accès. L’enseignant a alors deux possibilités pour rétablir l’équité entre les élèves pour l’accès à ce matériel si convoité :

  • créer un tour de rôle, gérer l’accès, garantir que tous en profite de manière égale
  • investir pour dupliquer ce matériel à succès, que chacun puisse avoir le sien

Alors, curieusement, la mode va passer, et toute l’énergie investie par l’enseignant pour gérer la situation de partage va devoir à nouveau se tourner vers une nouvelle activité convoitée.

C’est pourquoi j’ai renoncé à chercher à garantir un juste partage matériel entre les enfants. Un enfant qui s’approprie une activité la garde aussi longtemps qu’il souhaite s’y consacrer. En suscitant l’envie des autres, on suscite également leur curiosité. Et l’heureux élu aura à cœur de se consacrer à fond à cette activité si précieuse, dont il pourra devenir un référent en montrant aux autres comment s’y prendre. Un élève qui aura la chance d’avoir accès à une activité convoitée se retrouvera au centre d’un cercle d’attention. La star du jour s’appliquera à réaliser au mieux les consignes demandées sans chahuter, au risque de se voir demander de ranger et de perdre sa prérogative. Il a aussi la garantie que aucun autre élève n’a le droit de le déranger ou de toucher à son matériel, il prend donc son temps en toute confiance. Cette règle est généralement bien respectée et comprise, car les enfants la font respecter d’eux-même. Et un enfant qui dérangerait un autre se verrait refuser le droit d’assister au spectacle.

Enfin, je suis moi même parfois spectateur ou à l’initiative de cette activité convoitée. Je m’assois autour d’une table et j’ai sorti un nouvel atelier attrayant. Les premiers enfants à en bénéficier auront la chance de pouvoir avoir une place autour de la table avec moi, les autres devront se contenter de regarder et baver d’envie ! Mais on apprend aussi en regardant. Et les quelques privilégiés du moment s’appliquent à faire au mieux car ils se savent observés. Je n’ai pas de scrupules à ne pas garantir que tous les élèves aient réalisées exactement la même activité. Chacun sait qu’il est libre de faire d’autres choses, et qu’il aura d’autres occasions. J’en profite également pour canaliser quelques enfants perturbateurs à qui je ne donne pas le choix, mais qui vivent finalement cette contrainte d’être avec moi comme un privilège vis à vis des autres. Je cible également des enfants qui doivent travailler avec moi sur l’activité que j’ai choisie. J’ai donc autour de la table en atelier avec moi un mélange entre des élèves “punis”, des élèves “en difficulté”, et d’autres simplement “motivés”. Mais je leur prête à tous la même attention bienveillante. :grinning:


#22

Autorégulation et rétro-action

Je fais un rêve ! Imaginons une classe idéale, heureuse, conçue de telle façon que le savoir circule, que les élèves apprennent ensemble, s’appliquent à respecter chacun. Chacun aurait conscience de sa place dans la classe, il serait là pour apprendre et y prendre du plaisir, et aider les autres à faire de même.
Réveillons nous maintenant ! Et voyons comment tendre vers ce nirvana sans s’épuiser ni se leurrer.

La plupart des dysfonctionnements dans une classe peuvent s’expliquer par le fait que nous refusons l’autorégulation et la rétro-action. Une classe qui est vivante est dynamique ; elle est soumise au hasard des humeurs de chacun, à la météo, au astres ou que sais-je encore ! L’enseignant doit alors pouvoir réagir à sa classe de façon souple et mesurée. Il est généralement inadapté de s’en tenir de façon stricte à sa fiche de préparation détaillée. Des collègues s’épuisent en étant arc-bouté sur leur emploi du temps, car ils s’en tiennent vaille que vaille à ce qu’il avaient prévu.

L’objectif de préparation de classe devrait être de pouvoir justement d’adapter aux élèves, tout en gardant le cap pédagogique. Je ne pense pas qu’il faille tout accepter, mais on doit pouvoir trouver des chemins détournés pour tendre vers un même objectif. Ces chemins s’improvisent à condition d’avoir réfléchi à l’avance à l’organisation de sa classe qui permette cette souplesse. Et d’être clair sur ses objectifs en tant qu’enseignant.

Notre place dans la classe est d’être facilitateur des apprentissages de chacun, garant du respect de l’intégrité de tous et des bonnes conditions de travail, de donner l’impulsion dans la bonne direction quand il le faut mais aussi de savoir par moment s’effacer et laisser la place aux élèves pour s’émanciper et grandir, faire leur propres erreurs, communiquer entre eux.

Nous devons veiller pour cela à varier notre posture professionnelle. Nous sommes parfois référents, enseignant professant le savoir comme à l’ancien temps depuis le tableau mais aussi en sortie tel Aristote délivrant son savoir en déambulant (d’où l’origine du mot philosophie qui veut dire se déplacer en grec). Bien, mais nous pouvons être aussi de temps en temps simples observateurs, organisateurs, garants, scribes, passeurs, public … Et pourquoi pas, pour rigoler, parfois simple élève, clown, personnage d’histoire, marionnette. Mais aussi parfois faire semblant d’être absent, endormi (pour de faux car nous sommes avant tout garant de la sécurité des élèves).

En fait l’autorégulation est une constante remise en cause et réflexion sur ses pratiques. Ne pas se prendre la tête, mais s’adapter, être à l’écoute de sa classe bien sûr mais également se respecter en étant conscient de ses propres limites. La méditation, la conscience de son corps, un sommeil respecté, la détente, la curiosité, la vie de famille, les liens sociaux, la culture, la lecture. Tout cela nous aide à nous sentir bien et à transmettre cette bonne énergie à nos élèves.

La rétro-action vient de l’écoute de la classe, une attention individuelle aux élèves en tant que personne avec ses humeurs. Le fait d’avoir une grande souplesse et de laisser un large choix aux enfants dans leurs activités nous permet en revanche d’être très exigeant quant au respect.

La classe n’est pas comme à la maison, il y a toute une série de rituels qui permettent à chacun de travailler et d’apprendre en toute liberté. Chuchoter, parler par message clair. Ranger, choisir une activité à la fois, ne pas détourner son utilisation. Pas de chahut, ne pas déranger le travail des autres. Demander gentillement, accepter les refus. Prendre son temps, patienter. C’est en acceptant également l’autorégulation et les rétro-actions que les élèves d’eux-même vont se plier à ces règles quand ils perçoivent tout l’intérêt et la liberté qu’elles leur apportent au quotidien à l’école. Pas facile pour certains qui ont bien envie naturellement de chahuter en classe, ou sont centrés sur leur propre personne. C’est une gageure que de les faire grandir en ce sens en s’imposant d’eux même leurs propres limites pour pouvoir gagner de façon collective en liberté.

Cela exige de la part de l’enseignant une constance, une persévérance, un calme, de la bienveillance et beaucoup de souplesse. Ne pas transiger sur l’essentiel, mais accepter une grande liberté en retour sur tout le reste. Comprendre qu’un enfant peut être fatigué parfois, avoir envie de s’allonger, de bouger, d’aller courir. Certains aussi vont manquer de confiance et juste rester à observer sans essayer pendant plusieurs semaines, ne rien faire. D’autres vont se consacrer à fond à une seule activité.

Varier les approches et le matériel, renouveler pour aiguiser leur curiosité, surprendre les élèves pour changer un peu leurs habitude. Ces ruses permettent de guider sa classe vers les apprentissages attendus sans remettre en cause frontalement les libertés qu’on leur a accordé. L’objectif est que les enfants prennent plaisir à ce fonctionnement de classe. Ils accepteront d’autant mieux les règles que cela impose. Et développeront petit à petit par eux-même leur capacité à s’auto-réguler et accepter les rétro-actions de leurs camarades pour une meilleure vie en société.

N’oublions pas que nous formons avant tout les citoyens de demain. Accepter les limites que l’on se pose est une étape essentielle vers la maturité. Notre génération a été bien gâtée. Et beaucoup d’adulte immatures ont encore du mal à accepter que pour pouvoir continuer à profiter de notre liberté de vivre sainement sur Terre, il aurait bien fallu que l’on sache se poser collectivement des limites. Au lieu de cela nous avons contribué à ce qu’une poignée d’irresponsables soit coupables de l’accaparement des richesses, de l’extinction en masse des espèces, de la pollution des sols, des océans et de l’air, de l’enfouissement de déchets radioactifs pour des millénaires, de l’épuisement des ressources, de catastrophes climatiques, sanitaires, de guerres et de famines planifiées … Espérons que la génération à venir saura un peu mieux poser ses limites, s’auto-réguler et faire société. Quoi qu’il en soit, les rétroactions, qu’on les accepte ou pas, on va se les prendre de face !


#23

Utiliser et valoriser les ressources et services renouvelables

Si l’on raisonne en terme de temps disponible par l’enseignant pour chaque élève, la pédagogie en activité libres autonomes est très frustrante. En effet, les présentations se font individuellement à chaque élève, en prenant bien le temps, il ne s’agit pas de bâcler une leçon en trois temps ! Ainsi divisé entre tous les élèves de sa classe, sur une journée, l’adulte aura tout au plus le temps de montrer quelques activités à certains élèves, pas à tous. Chacun met alors en place des palliatifs, des grilles de suivi à cocher sur la semaine, des listes d’élèves… On essaie d’oublier aucun enfant, même si certains se font plus discrets tandis que d’autres auraient tendance à monopoliser notre temps (et notre énergie !).

En pédagogie plus traditionnelle, le savoir est dispensé de façon plus frontale. L’enseignant a l’impression de consacrer pleinement son temps à tous les élèves. Il dirige sa classe, il a l’œil sur tous. Et chacun bénéficie de façon égale des leçons collectives. Mais en voulant tout contrôler, on oublie souvent l’essentiel : l’élève est le principal acteur de ses apprentissages. L’enseignement académique n’est pas toujours le mieux adapté en toute situation.

Les collègues qui sont passées d’un fonctionnement classique à des ateliers autonomes ont souvent eu cette impression en début d’année de se trouver dans une impasse. Comment au début consacrer assez de temps à chaque enfant pour lui présenter des activités qui vont lui permettre ensuite de travailler de façon autonome ?

C’est dans cette perspective que j’aborderai le concept de renouvelabilité en permaculture scolaire. Des situations d’apprentissage qui ne demande pas une constante implication en temps et en énergie de la part de l’enseignant. Ceci passe par une réflexion en amont, une organisation de sa classe, des outils conçus de telle façon que leur mise en place va guider naturellement les élèves vers le travail. C’est ce qu’il faut privilégier pour ne pas s’épuiser à courir derrière ses élèves, frustré de ne pouvoir se consacrer suffisamment à chacun.

Si je fais l’analogie en architecture en terme d’énergie renouvelable, une maison passive correctement conçue, isolée et bien orientée, va bénéficier du chauffage par le soleil en hiver tout en restant fraîche en été. Une maison classique va nécessiter de grosse dépenses de chauffage, et une climatisation en saison chaude.
Sous cet angle, une classe bien conçue est celle qui demande peu de dépense d’énergie de la part de l’enseignant pendant le temps scolaire. Alors qu’une classe plus classique nécessite un investissement constant pour garder les élèves en situations d’apprentissage. Son état de fatigue en fin de journée est un bon indicateur. Celui des élèves également. Si on arrive toujours épuisé en fin de journée, peut-être faut-il réfléchir à une organisation de classe plus soutenable.

Il est temps d’illustrer ces réflexions pas quelques exemples concrets, tirés d’expériences personnelles. Mais chacun a sans doute été confronté dans sa pratique professionnelle (ou à la maison) à ces moments où on semble s’épuiser tout en voulant faire au mieux. Merci de partager aussi vos expériences.


#24

Je commence par une anecdote toute personnelle, rien à voir avec la classe. Notre fille a eu du mal à dormir, à l’âge des cauchemars et des rituels du couchage qui s’allongent jusqu’à tard dans la soirée, menant souvent à des situations de crises où l’on s’épuise à essayer de rassurer, de raisonner, de sévir… chaque soir c’est l’angoisse !

La situation s’est améliorée d’un coup. Comment ? Juste en cédant sur une règle que l’on s’était imposé sans vraiment y réfléchir. Une évidence que l’on avait jamais vraiment questionnée. Un interdit implicite hérité de nos traditions familiales ou sociétale. Du jour où on a autorisé notre fille à se coucher où elle le souhaite, à nous rejoindre dans le lit familial quand elle en ressentait le besoin, tout s’est résolu. Elle est venue quelques fois se glisser entre nous dans la nuit, mais sans en abuser. Elle était rassurée. Et a vite repris ses habitudes dans sa chambre.

Parfois un blocage peut être résolu simplement. Et une évidence bousculée. On reproduit des schémas, il faut savoir les dépasser. En classe c’est pareil, on a tous des présupposés hérités des traditions scolaire qu’on nous a inculqué dans notre enfance. Il faut savoir les remettre en question pour faire évoluer notre enseignement dans la direction souhaitée : plus d’autonomie, l’émancipation des élèves, et ne pas s’épuiser dans des postures stériles …


#25

Je suis assez d’accord avec cette réflexion.
Ayant changé de fonctionnement cette année, j’ai pu avoir cette impression de ne pas donner assez de temps à chaque élève. Après beaucoup de stress, de culpabilité, j’ai décidé de lâcher prise, et j’ai pris le temps d’observer la classe. Ce que je ne m’autorisais pas à faire car je voyais cela comme du temps perdu pour les élèves qui n’avaient pas bénéficié d’une présentation ce jour ou le jour d’avant. Je finissais épuisée et pas totalement satisfaite.

En observant la classe, j’ai pu mieux analyser la situation :

  • certains élèves me monopolisaient, il fallait que je trouve une solution pour les rendre plus autonomes ou que je limite leur temps passé avec moi (ou avec mon ATSEM, car c’est ensuite vers elle qu’ils allaient).
  • certains élèves vivaient tranquillement leur vie et n’avaient pas besoin de moi, ils étaient parfaitement capable quand ils en ressentaient le besoin de venir me voir pour me demander telle ou telle présentation ou activité à faire avec moi.
  • certains élèves ne venaient pas me voir car ils n’osaient pas, ils avaient des besoins mais ils ne savaient pas les exprimer.
    Sans temps d’observation, je n’aurais pas pu réguler tout cela, consacrer plus de temps à ceux qui en avaient vraiment besoin, et l’expliquer aux autres.

De plus, je pense que c’est une illusion d’avoir l’impression de donner le même temps à tous dans un fonctionnement classique.
Avec mon nouveau fonctionnement, je connais bien mieux mes élèves, leurs envies, ce qu’ils préfèrent travailler, je m’autorise des moments plus informels car je n’ai pas 5 autres élèves qui attendent la consigne de l’atelier…

Après je suis toujours preneuse d’idées de fonctionnement pour améliorer mon organisation pour plus d’autonomie ! C’est sans fin, mais c’est tellement intéressant.


#26

Merci Manon pour ton témoignage.

Tu illustres ces réflexions sur l’énergie que l’on dépense en classe, tellement parfois que l’on peut s’épuiser. Et si on n’y prend garde, c’est une situation piège dans laquelle on peut tomber même si on cherche à justement à l’éviter dans un fonctionnement en activités libres autonomes.

Surtout la première année que l’on met en place cette organisation de classe. Certains collègues ont pu revenir pour ces raisons à un fonctionnement plus classique, à contrecœur. Ils se sont investis à fond, ils voulaient trop bien faire de suite. Ils ont consacré trop d’énergie à tous leurs élèves, en donnant le maximum. Et ils ont fini sur les rotules, à enchaîner les présentations, frustrés de ne pouvoir satisfaire à toutes les demandes des élèves. Au contraire, il faut bien prendre le temps de souffler, se poser et observer comme tu l’as fait Manon.

Dommage, car cette approche de la classe permet comme tu le dis de prendre du recul, des temps d’observation. On apprend à mieux connaître individuellement ses élèves. Et la préparation de sa classe est à terme grandement facilitée. Finis les petites cases de l’emploi du temps à remplir chaque soir pour le lendemain !


#27

Je te rejoins sur la préparation de classe, c’est en grande partie parce que je m’épuisais à préparer des journées qui ne me satisfaisaient pas du tout que j’ai changé mon fonctionnement en cours d’année.
Je n’avais pas prévu de me lancer si tôt, même si j’avais déjà les apports " théoriques ".

Je dirais que ce que j’ai le plus fait cette année c’est lâcher prise ! Je sais que cela peut paraitre un peu cliché, mais chaque crainte (on a beaucoup à prouver/se prouver quand on ne suit pas un fonctionnement traditionnel) était effacée quelques semaines plus tard en voyant l’évolution positive des enfants.


#28

Je donne un exemple pratique de fonctionnement de classe.

On peut passer du temps en début d’année à vouloir contrôler que les petits prennent bien des activités qui leur a été présentée. Sauf que leur envie est la plus forte. Si le matériel est accessible et attractif, on pourra bien instaurer la règle de ne pas y toucher sans demander, cela va vite nous épuiser. Et c’est frustrant pour les enfants.
J’ai essayé avec un système de gommettes, avec les photos des enfants, avec un carnet de suivi … rien n’a vraiment fonctionné.

Finalement, j’ai simplement accepté que les élèves prennent tout ce qui leur était accessible, sur les étagères du bas, bien en vu. Et les activités qui demandent une présentation sont rangées plus haut. Les petits doivent demander aux grands pour y accéder ; du coup les grands qui sortent le matériel pour un petit en sont responsables. Ils restent avec lui pour lui montrer et l’aider à ranger.

Je range le reste du matériel plus haut. Les enfants sont attirés par ce qu’ils voient. Ils vont donc me réclamer ce qui est dans leur champs de vision. Si je peux me rendre disponible, je serai alors avec eux pour la découverte d’une nouvelle activité en atelier avec les élèves volontaires. C’est ainsi que je dirige les nouvelles activités que je souhaite leur présenter ; je les mets bien en vue sur le devant, pour y penser ou qu’un enfant me sollicite.

J’ai des placard avec des portes coulissantes. C’est moi seul qui ai le droit de les ouvrir. Je contrôles ainsi le matériel que je rend accessible, par domaine. A certain moments de la journée, le placard d’arts plastiques est fermé ; les élèves se dirigent vers d’autres activités. C’est l’occasion pour certain de découvrir du matériel nouveau, tout en sachant qu’ils retrouveront leur travail préféré à un autre moment.

Parfois, en feuilletant les photos du cahier de vie, un enfant peut me demander de ressortir un matériel ancien qui lui a plu. Mais c’est plus généralement en voyant le matériel sur l’étagère que l’enfant va vouloir le réutiliser. J’ai fait du rangement en fin d’année pour déménager (on a une nouvelle école toute neuve). Et les élèves ont pris plaisir en la voyant à ressortir la pâte à modeler qu’ils n’avaient pas réclamé depuis des mois. Et à découvrir du matériel que je n’avais jamais sorti cette année.


#29

Toujours très intéressant ce parallèle.
J’ajouterais (en toute modestie car si j’ai bien la théorie, je manque encore de mise en pratique tout du moins en classe), la nécessité d’un enseignement plus horizontal.
Tu parles d’enfants très dépendants de l’adulte, soit en le sollicitant, soit en n’osant pas le faire justement. Mais la finalité n’est elle pas de faire de l’enfant le maître?

Si je fais le parallèle avec notre rôle de parents, je dirais que pour notre ainé, jusqu’à l’âge de la scolarisation ou presque, tout ce qu’il a pu apprendre lui est venu de nous, ses parents. Sa sœur elle a eu la chance d’avoir un maître à pleine plus âgé, et tout est allé très vite sans que nous ayons à tant donner (ce qui a la fois est facilitant et frustrant pour nous parents), quant au 3ème, nous avons eu l’impression de ne même pas avoir a nous préoccuper de ses progrès : il a grandi dans un environnement riche, bénéficiant de l’accompagnement et du modèle apporté par ses aînés, et tout s’est fait à vitesse grand V. Ses aînés ont pu eux, en jouant les maîtres et maîtresses progresser, avancer, maîtriser.

A condition de pouvoir mélanger les âges et garder les enfants d’une année sur l’autre.


#30

En effet Welna, c’est un des buts de la démarche. J’ai plusieurs hypothèses pour cela.
Cette année j’avais des MS/GS qui n’avaient connu que du traditionnel.
Les MS ont bien plus vote intégré ce nouveau mode d’apprentissage et ont été très autonomes assez rapidement. Pour les GS cela a été plus dur (formatés pendant 2 ans ? Déjà passé dans une autre période de “repos”/désintérêt dont parle Céline ?), certains ont tout de suite vu les avantages, ils avaient envie de lire, une fois lecteurs ils n’avaient plus besoin de moi, pareil dans d’autres domaines, ils savaient ce qu’ils voulaient faire, certains ont plus ou moins erré dans la classe prenant des ateliers bien trop simples pour eux (que j’ai fini par enlever, les voir faire les fuseaux tous les jours en regardant par la fenêtre…), d’autres encore venaient me voir toutes les 5 minutes pour avoir une validation, que je me forçais à ne pas donner.

Tout comme en permaculture, il faut du temps avant d’arriver à un équilibre du sol, des ravageurs, et cet équilibre est toujours fragile. En classe c’est la même chose je pense, pour faire le parallèle avec la permaculture scolaire.

Hélas, il faudrait que je sois dans des conditions adéquates pour pouvoir observer cela sur le long terme, or, je suis la seule dans mon école à avoir cette démarche. J’ai dû me bagarrer pour garder quelques uns de mes MS, j’aurais donc l’année prochaine 5 élèves qui connaissent le fonctionnement (et qui sont assez avancés) et 18 qui vont la découvrir. J’aurais des PS/GS, PS que j’espère garder ensuite, mais on verra.

Ton fonctionnement va bien m’aider pour l’année prochaine Florian, je vais essayer de le mettre en place rapidement.

Quand à l’enseignement horizontal dont tu parles, je l’ai mis en place cette année de manière explicite. Je rappelais souvent que certains camarades savaient et pouvaient aider. Cela a très bien fonctionné. Des MS experts aidaient des GS à qui cela ne posait pas de problème et inversement, et cela m’a dégagé beaucoup de temps. Et je compte bien dessus pour canaliser mes GS l’année prochaine en les invitant à accompagner les PS (pas à faire à leur place).


#31

J’abonde en ce sens avec un nouvel exemple pratique d’organisation de classe.

L’apprentissage entre enfants est une évidence dans une fratrie familiale. Au sein d’un clan traditionnel le passage est même intergénérationnel. Pas d’école dans les tribus des peuples autochtones !

Comment créer les conditions de la mise en place d’un tutorat entre pairs dans une classe ? Les conditions optimales ne sont pas réunies : des enfants du même age ou presque, des contraintes horaires, pas de partage d’intimité, une unité de lieu, une liberté sous tutelle, des objectifs purement scolaires… Laissez un groupe d’enfants sans contrainte, le jeu va très vite se mettre en place à partir de rien. Notre fille ne met pas longtemps à se faire des copains et des copines quand on arrive dans un camping ! Pas le temps d’avoir même monté la tente qu’elle ne veut déjà plus partir…

Ce n’est pas le cas en classe avec les contraintes scolaires que sont les programmes, les horaires, le cadre que l’on pose. Ou alors ça mène inévitablement vers du chahut ou des jeux “de récré”. Je me suis toujours posé la question de comment recréer plus de liens entre enfants dans la classe, tout en gardant l’objectif des apprentissages scolaires. Je n’ai pas trouvé la solution, que des palliatifs. Peut-être les conditions ne sont-elles pas réunies dans une classe ? Je cherche encore, voici quelques pistes que j’ai pu mettre en place.

Mon meuble de casier a une colonne de grands (MS), une colonne de petits (PS). A chaque ligne correspond donc un binôme grand-petit que j’ai eu imposé sur des journées de rentrée. Mais les couples ne tiennent pas longtemps, et de façon artificielle. A cette âge et période de l’année, ils sont tous petits en fait !

Certain matériel autorise une utilisation à deux, un de chaque côté de la boîte par exemple. Pour des grosses caisses comme les kaplas, je permets même une utilisation à quatre, un élève à chaque bord. L’idée est que le travail à plusieurs sur un même matériel facilite les échanges, les apprentissages. Dans les fait, je ne suis pas dupe, j’observe le plus souvent des échanges oraux non scolaires ou basiques, et du travail individuel côte à côte.

Dernière piste, plus prometteuse. Je colle les photos des élèves sur le matériel dont ils souhaitent être les référents. A savoir qu’ils en maîtrisent les consignes et savent les expliquer précisément. Je le vérifie en assistant à la présentation entre élèves, que je valide sur mes fiches de suivi (sujet “Accompagnement des élèves”) avec une cinquième étoile. Je prends donc le temps, je les aide, et la photo collée sur l’activité est en quelque sorte une reconnaissance, une consécration. Chacun, grand ou petit, peut être référent des activités qu’il adore. Un élève qui veut se faire expliquer cette activité peut solliciter l’aide du référent. Mon matériel de classe est donc plein de photos d’enfants, ainsi que les livres de bibliothèque. Mais les élèves ont fini par ne plus y prêter vraiment attention.

C’est pourquoi je vais faire évoluer la règle l’année prochaine : ces activités privilégiées seront rangées à part, sur une étagère plus en hauteur par exemple, et ne seront accessibles qu’en demandant l’aide du référent. Je gage que le fait de rendre l’accès à ces activités plus restreint ne les rendra que plus attractives. C’est d’ailleurs ainsi que certains élèves l’avaient compris naturellement dès cette année : il y a ma photo dessus, c’est à moi, tu dois me demander ! Je vais leur donner raison.

Je souhaite donc ainsi privilégier le travail en tutorat, accompagner les présentations entre élèves qui me permettent d’observer à la fois les compétences de l’élève tuteur et celle de l’élève novice. Et bien souvent je ne suis pas le seul observateur, il y plein de petits curieux. C’est un mode de travail exigeant mais très valorisant. Les enfants adorent qu’on les observe en pleine expertise. Et leur photo collée sur l’activité valorise et reconnaît aux yeux de tous leurs compétences.


#32

Ne produire aucun déchet

J’applique ce principe de permaculture dans ma classe en me posant souvent la question : est-ce bien utile ? Ce que je fais par habitude est-il vraiment un geste professionnel voulu, réfléchi ? Mes paroles sont-elles plus pertinentes que mon silence ? Ai-je vraiment besoin de m’activer, ou ne vaut-il pas mieux me poser à observer ? En quoi l’activité que je propose fait-elle avancer les élèves ?

En observant les élèves en activité, on peut se demander quel savoir ils sont en train de travailler. Est-ce vraiment ceux que l’on avait prévu ? Le matériel et les consignes sont elles le mieux adaptées à les faire progresser ? Comment l’activité est-elle réinvestie en autonomie ? Que se disent les élèves ? Réutilisent-ils vraiment le vocabulaire précis appris ?

L’inactivité dans cette perspective n’est pas considéré comme inutile, dans la mesure où c’est un choix de l’enfant (ou de l’adulte) de se poser en retrait, d’observer avant de faire. Les petits nouveaux restent parfois des semaines à ne rien faire ; mais ils observent et écoutent tout. Quand ils se sentent enfin rassurés, les progrès peuvent être fulgurants, mais pas avant.

Inversement, la suractivité est généralement signe de gabegie. Les enfants touche-à-tout n’apprennent souvent rien correctement. Et l’enseignant survolté n’est pas le plus efficace.

En se posant la question de l’utilité dans notre enseignement, on vise l’épure. On s’astreint surtout à en définir précisément les finalités.


#33

J’ajouterais que cela peut aussi se rapporter au matériel.
Le matériel que je propose est-il utile ? N’y en a-t-il pas trop ?
N’y a-t-il pas trop d’affichages ? Sont-ils pertinents ?
Il est facile en tant qu’adulte de se retrouver au milieu d’une classe où les murs sont recouverts d’affichages divers (même si je me sens vite étouffée), mais qu’en est-il d’un enfant ?

J’aime beaucoup le titre de l’étude sur les affichages justement dont parle @Celine dans ses livres " When too much of a good thing is a bad thing" (Quand trop d’une bonne chose est une mauvaise chose). Il est en effet toujours important de se questionner et se questionner encore sur la pertinence de ce que nous faisons dans nos classes.

Le mieux (trop) est parfois l’ennemi du bien. L’épure, tu as dit le mot est à rechercher.


#34

Merci Manon @Laitfraise .
Le choix du matériel est en effet aussi essentiel. C’est d’ailleurs le pari des classe Montessori de cibler une compétence précise et unique avec un matériel simple et épuré. Les enfants aiment d’ailleurs beaucoup l’utilisation de ces beaux objets en bois qui contrastent avec les jouets en plastique aux couleurs criardes dont les magasins débordent.


#35

Nous nous rassurons en pensant bien faire en enchaînant plein d’activités nouvelles, chaque jour une nouvelle préparation. Nos classes regorgent de matériel, nos placards n’y suffisent plus. Les murs sont recouverts d’affichages, tous plus indispensables les uns que les autres.
Le gaspillage de notre énergie et de notre temps, qui sont limités, nous conduit à l’épuisement professionnel, à la frustration de ne pas faire au mieux.

Un déchet est ainsi défini par ce qu’il n’est pas réutilisé par la classe pour produire du savoir. A nous de savoir les repérer, les limiter, les détourner pour en faire des ressources.
Se poser la question de l’utilité en terme d’apprentissages permet de faire le tri entre le superflu et l’essentiel. C’est plus un jugement qualitatif que quantitatif, au regard des programmes de l’Éducation Nationale, de l’émancipation et du bien-être des enfants.

J’en fais le pari, l’épure (:wink: @Laitfraise) permet un recentrage des enfants. Autant la rareté du matériel conduit les élèves à en prendre plus soin. Autant des activités limitées, l’ennui et le silence parfois, permettent une introspection, un imaginaire, et des apprentissages plus ancrés.


#36

L’oral est central en classe maternelle. Ce n’est pas le plus évident à cibler pour éviter de saturer la classe d’interventions parasites. Chacun est différent dans sa classe. Parler est un moyen d’occuper l’espace et de pallier le stress. Attention cependant à ne pas en abuser en tant qu’adulte. Et à bien choisir quand et comment on s’exprime.

Un exemple quant à notre prise de parole lors des regroupements. L’enseignant prend souvent systématiquement la parole entre chaque intervention d’enfant. Nous encourageons, nous canalisons, nous reformulons, nous faisons circuler la parole. Au final, nous parlons plus que nos élèves ! Posons nous la question : quelles sont nos prises de paroles indispensables, quelles sont celles qui pourraient être différées, pourrait-on parfois passer par le gestuel ?

Inversement parfois, nous ne sommes pas assez explicites. Quand on dit “c’est bien !” à un enfant, que doit-il comprendre ? Je suis fier que tu ais osé prendre la parole / J’ai compris ce que tu as exprimé / Tu es bien dans le sujet / Ce que tu as dit est intéressant / C’est une idée pertinente / C’est bien de donner ton avis …

Ce n’est pas évident de rester professionnel toute la journée. Il faut savoir parler vrai aussi, avec son cœur, exprimer ses émotion. Le choix des mots justes, le temps de l’écoute de la parole des élèves, l’oral est primordial à l’école maternelle. C’est pourquoi il ne doit pas être pris à la légère, mais au contraire sacralisé.

Un gros document d’accompagnement des programmes, qui est très complet Le-langage-à-lécole-maternelle.pdf


#37

Je ne retrouve pas le passage. Quel livre cites-tu ? Quelle page ? Merci Manon.


#38

C’est le gros du travail de préparation de rentrée que je fais dans ma classe. Enlever un maximum d’activités pour ne garder que celles que je souhaite introduire rapidement. Le choix est difficile. Quel matériel sélectionnez vous dans vos classe en début d’année ?

Et le rangement de tout le reste est délicat. Je dois tout réussir à caser sur les étagères du haut. Sachant que celles du bas sont réservées au libre choix des élèves. J’aime quand ces étagère comportent peu d’activités pour commencer.

Ce matériel est bien rangé, et j’insiste de façon quasi maniaque pour qu’il soit reposé exactement à sa place. Ce pour le mettre en valeur (le “sacraliser”). Le matériel est unique et fragile, les enfants sont invités à le manipuler avec la plus grande attention. La gestuelle et la concentration sont de première importance. Ce sont les principales compétences visée lors de la première période, les compétences exécutives. Réussir à enchaîner précisément toutes les étapes pour sortir, manipuler, puis ranger un matériel, dans l’ordre et sans se précipiter. Ceci aidera par la suite les élèves à entrer dans des consignes complexes qui demandent d’ordonner plusieurs actions, de suivre un process.

Avec cette forte contrainte de rangement, les élèves travaillent la mémoire visuelle à court terme. Une photo est posée face visible sur l’étagère au début, elle est ensuite retournée face cachée, les enfants l’utilisent pour s’aider si besoin dans un premier temps, puis après coup pour valider leur rangement.

Je félicite ceux qui y prêtent une grande attention, même s’il s’agit d’une activité d’une grande facilité, on ne doit pas prendre le travail de classe à la légère. Les tout petits sont très forts d’ailleurs, et attachent une grande importance à cette contrainte. J’observe souvent les petits nouveaux reprendre les plus grands parce que ces derniers ont pris de mauvaises habitudes, ils rangent de façon trop précipité. Quel plaisir pour eux de pouvoir alors aider les plus grands, ils deviennent référents ! Et les grands n’en mènent pas large dans ces cas là. En début d’année, cela repose le cadre, et permet de repartir sur de bonnes bases, car le rangement tend à être un peu délaissé en cours d’année.

Enfin, le matériel étant rare, il incite ceux qui le prennent à en prendre le plus grand soin, à s’appliquer pour bien faire, et à le garder aussi longtemps qu’ils le souhaitent sans trop vite zapper vers un autre matériel disponible. De plus, l’enfant qui manipule se retrouve vite entouré de spectateurs qui observent ses gestes ; ils ont le droit de lui parler, lui poser des questions (en chuchotant), mais pas de toucher à son travail. La limitation du matériel encourage donc naturellement les élèves à apprendre de leurs pairs.

Je veille lors de ces rassemblement autour d’une activité privilégiée à ce que ce le calme soit scrupuleusement respecté ; un élève qui hausse la voix se voit de suite invité à venir me voir. Il attend alors que je sois disponible en posant la main sur mon épaule, et je lui rappelle en chuchotant avec un message clair comment communiquer. En cas de chahut, je le garde à côté de moi, ou je l’envoie faire une autre activité tout seul.

Ce n’est pas facile de limiter le matériel, car les enfants ont tendance à être grégaires. Ils ont envie de faire comme les autres. Cela peut vite conduire à des disputes, des précipitations pour savoir qui prend l’activité en premier. C’est pourquoi au tout début je laisse un temps d’accueil avec le placard fermé. Puis c’est moi qui propose à un enfant (heureux élu) de lui montrer une nouvelle activité, et j’ouvre le placard avec lui.

Pendant ce temps, il faut bien sûr prévoir pour tous les autres diverses occupations en libre accès : bibliothèque, dessins … J’en oublie, que prévoyez-vous dans vos classes ? C’est ce que je présente en tout début, avant même de sortir les premières activités. Comment ranger correctement un livre, où se servir en feuille de papier et où la ranger, comment se servir et utiliser les feutres …

Pour conclure, les enfants à la rentrée vont arriver dans un lieu et tout point différent de la maison. C’est l’objectif, pour bien marquer la différence. J’en rajoute même un peu dans la mise en scène. C’est pourquoi j’ai utilisé le terme de “sacralisé”. A l’école publique on n’est pas dans une église, mais presque, c’est le temple du savoir ! On s’y déplace dans le calme. On parle en chuchotant. On s’écoute, les mots sont importants. Et pour le matériel, il y en a peu, et on en prend grand soin. Tout le contraire de certaines chambres d’enfants !!! :smirk:


#39

J’ai prêté mes 2 livres, mais je pense qu’elle en parle dans le 1er livre.

C’est cette étude https://www.psychologicalscience.org/news/releases/heavily-decorated-classrooms-disrupt-attention-and-learning-in-young-children.html
Cet article est en anglais ceci dit, mais il parle bien de la même étude.

Pour avoir enseigné 4 ans aux USA, je confirme que certaines salles de classe sont plus qu’étouffantes. Certes, les enseignants veulent bien faire, mais on se retrouve dans des salles ou le regard n’est jamais en repos. Ce n’est pas le seul élément, mais je pense que cela favorise la dispersion des élèves.


#40

La conception, des motifs aux détails.

La préparation de nos classes nous prend souvent un temps considérable, dont ceux qui ne sont pas du métier ne se rendent pas toujours compte.

En fonctionnement classique, la routine de la classe nous incite trop souvent à parer au plus urgent. Trouver des idées chaque jour pour remplir les cases du cahier journal. Que faire le lendemain pour occuper les élèves en autonomie pendant que l’on aura un groupe en atelier ? Retourner dans nos classe pour préparer le matériel en avance. Changer chaque jour pour trouver de nouveaux ateliers. On court après le temps. Corriger, évaluer, ranger le matériel. Quand j’ai commencé le métier il y a vingt ans, je comptais une heure de préparation pour chaque heure avec les élèves, au moins !

Pour certaines de nos séances ont fait l’objet de fiches détaillées bien sûr. Nous définissons les objectifs, les attendus des élèves, notre gestion de la classe. J’ai toujours rencontré des collègues très investies dans leur métier, très professionnels. Mais peut-on vraiment réfléchir à ses pratiques quand on a le nez dans le guidon? Notre formation professionnelle est réduite à peau de chagrin. Les échanges pédagogiques entre collègues sont très limités. Pour conclure, nous mettons souvent de fait la charrue avant les bœufs. Notre classe est conçue trop souvent à l’envers, en privilégiant les détails, et en ne réfléchissant que trop peu aux motifs.