Bonjour, je m’appelle Jean-Claude ; je suis un arrière grand-père de plus de 82 ans. Je viens de terminer la lecture du livre de Céline Alvarez et vous m’en voyez transporté d’enthousiasme et d’admiration. Elle a fait un travail remarquable qui va très loin, au delà d’une méthode novatrice. C’est bien d’une révolution qu’il s’agit.
J’ai plusieurs choses à dire qui me viennent de ma propre expérience professionnelle et que ce livre vient de réveiller tant il vérifie et valide certaines de mes intuitions.
Je suis retraité de l’Éducation nationale. J’ai enseigné, pendant presque toute ma carrière, les sciences naturelles dans un collège de Montauban (Tarn-et-Garonne). J’avais donc, en face de moi, près de trois cents (pré)adolescent(e)s à raison de une à deux heures chaque semaine. Prisonnier des structures institutionnelles il m’était quasiment impossible de m’évader avec mes classes successives hors des sentiers battus. Sinon à diffuser une ambiance bienveillante, à encourager du mieux possible, à maintenir la curiosité en éveil, à faciliter le travail de groupe et la solidarité. Mais j’aurais voulu aller beaucoup plus loin.
Alors je me suis arraché à l’emprise scolaire en profitant d’une ouverture légale mais totalement étrangère à la discipline que j’enseignais. Comprenez-moi bien : je ne me suis pas évadé de l’Éducation nationale, ni même du collège que je connaissais bien. En 1981 j’ai fondé au sein de cet établissement la première radio collégienne en France. Un domaine dont j’ignorais tout. J’ai proposé aux enfants de « sauter dans la piscine » et d’apprendre ensemble à nager.
Le succès a été quasi immédiat. Les collégiens se sont emparés de cet outil de communication sociale avec une virtuosité, une éloquence et une habileté technique qui n’a jamais cessé de m’étonner. Cette histoire m’a énormément coûté en temps de réflexion et en travail de gestion bénévole mais je ne regrette pas la dépense.
Contrairement à la démarche de Céline qui s’inspirait des récentes découvertes des neurosciences, la mienne était totalement empirique, inspirée seulement par le désir d’explorer des voies nouvelles sans nuire au développement de l’enfant.
Nous agissions en vraie grandeur, avec un auditoire bien réel et interactif. Il y avait de nombreux invités, des débats, des reportages, du montage, du mixage, etc. Les âges étaient mélangés et les (rares) adultes qui participaient en permanence à cette aventure le faisaient avec bienveillance, sans juger ni donner de leçons, seulement des conseils lorsqu’ils étaient demandés.
J’ai été soutenu fort heureusement par une direction départementale de l’Éducation nationale courageuse et aussi bienveillante, ce qui m’a permis de surmonter les réticences et les oppositions au niveau de l’établissement. Hélas, les choses ont changé avec le départ de l’inspecteur d’académie et à mon grand regret l’expérience n’a pas survécu à mon départ à la retraite, huit ans après sa naissance.
Quand je lis les critiques qui sont adressées à Céline par des collègues coincés, jaloux, envieux et malveillants, je plains les enfants qui leur sont confiés. Nombreux sont ceux qui se retranchent derrière l’obstacle des moyens coûteux nécessaires à l’innovation. C’est une excuse tellement facile. Eh bien, je peux témoigner du fait que les moyens on les trouve pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine. Pour faire fonctionner cette radio collégienne j’avais un budget important qui faisait des envieux autour de moi. Nous avions pu, au sein de l’établissement, installer trois studios joliment décorés où les enfants aimaient venir, y compris les jours de vacances. Nous nous étions équipés d’un matériel professionnel qui faisait l’admiration des nombreux invités, des visiteurs et des chaînes de télévision ou de radio professionnelle qui venaient enregistrer.
Je lis avec un immense plaisir que votre mouvement se répand un peu partout en France et dans le monde. C’est magnifique ! L’Éducation nationale va devoir s’adapter car le désir de changement est profond parmi les collègues, les enfants et les parents. C’est vraiment la révolution en marche. Bravo Céline d’avoir soulevé cet enthousiasme.
Avant de vous connaître, j’avais la rage au cœur quand le souvenir du gâchis de la fin de Radio-Récré – c’était son nom – me remontait à la tête. Ce que vous faites m’a apaisé et émerveillé en même temps.
Depuis deux mois, je publie quotidiennement sur ma page Facebook (Jean-Claude Drouilhet) la mémoire de Radio-Récré (textes, photos, articles de presse, vidéos). Il y a aussi sur mon compte un groupe public « Radio-Récré » qui rassemble tout ça. Si la curiosité vous y pousse : welcome aboard !
Jean-Claude Drouilhet