Laisser les enfants choisir des jeux libres ?


#1

Bonjour Marie,

Je rebondis sur les jeux “moins contraignants”.
Je comprends, je crois, tout à fait vos craintes, qu’elles soient personnelles ou qu’elles viennent de l’extérieur ( inspecteurs, parents qui mettent une pression et une notion de “réussite”), à l’idée que les enfants ne choisissent “que ça”.
Mais je ne peux pas m’empêcher de me questionner, notamment parce que c’est quelque chose qui revient beaucoup en ce moment dans mon entourage.
En quoi est-ce gênant que certains ne choisissent que des jeux libres ?
Nombreux sont les enfants, dans beaucoup de pays qui avant 6 ans, consacrent tout leur temps à jouer librement, soit parce qu’ils restent chez eux, chez une nounou, soit parce que les jardins d’enfants sont des lieux où il n’y a pas d’apprentissages formels. Et on constate que ces enfants s’en sortent tout aussi bien, voire mieux, par la suite.
Personnellement, je trouve cela formidable que les enfants puissent choisir les ateliers formels, se lancer dans l’écriture, la lecture, les maths s’ils en éprouvent l’envie et le besoin ! Mais seulement s’ils en éprouvent l’envie, le besoin et que cela fait sens pour eux.
Un enfant qui va passer son temps scolaire en maternelle à inventer des jeux avec ses compagnons, à faire des constructions en kapla, en légo, etc, va apprendre lui aussi ! Apprendre à jouer avec ses amis, c’est un travail énorme, et malheureusement, les enfants aujourd’hui ont de moins en moins cette possibilité ( parce que même après l’école, beaucoup ont des activités dirigées par les adultes…).
Bref, outre l’inadéquation avec le programme et les directives nationales, je ne vois pas pourquoi il faudrait veiller à ne pas laisser les enfants jouer librement !

Je suis carrément sortie du sujet là…mais cette petite phrase m’a invitée à réfléchir et à partager cette réflexion…oups…


Temps de regroupement
#2

bonjour @papillon !
je saisis ta réflexion au vol car ce sujet me passionne autant qu’il me questionne !
je suis enseignante et me suis lancée dans cette démarche car mon métier faisait de moins en moins sens pour moi… et parce que je me sentais écrasée par une énorme pression et des demandes institutionnelles de plus en plus incohérentes et difficiles à mettre en oeuvre.
l’année dernière a été très “réparatrice” pour moi sur le plan professionnel mais le plus dur fut bel et bien de lâcher prise et de faire confiance aux enfants… oui mais à quel point?
je n’ai toujours pas la réponse… mais ton éclairage me rappelle un exemple que j’ai souvent envie d’opposer à tous les détracteurs du libre choix d’activité en classe : l’exemple de mes parents nés dans les années 40/50 à la campagne et qui n’ont pas fréquenté d’école maternelle ni l’un ni l’autre. Ils ont grandi à la ferme et ont pu aller sans problème jusqu’au bac et même au delà! (avec saut de classe même!) et je ne parle même pas de la qualité de leur écriture alors qu’ils n’ont jamais fait de graphisme! (j’aimerais tellement mettre un texte écrit par ma Maman sous les yeux des parents offusqués du fait que je n’impose pas le graphisme à mes élèves… je crois que je vais finir par le faire…)
bref, je suis d’accord avec toi mais je reconnais aussi que je ne suis pas sûre d’être prête à assumer de telles idées face à un inspecteur obtus ou des parents paniqués… je sens qu’avant d’être capable de ça j’ai encore besoin de prendre confiance en moi, de faire mes preuves et d’obtenir (au moins) le soutien de mes collègues…:smirk_cat:

ah là là les 10 dernières années ont été dévastatrices pour l’école maternelle et la représentation qu’en ont les parents… il va y en avoir du travail pour remettre tout ça d’aplomb! heureusement que les nouveaux programmes vont (un peu) dans le bon sens !


#3

Merci de ta réponse Marie !
Je comprends tout à fait la difficulté d’assumer cela dans un monde qui ne va pas vraiment dans le même sens !
Mais cela me rassure toujours de voir que certains professeurs ont conscience des directives insensées, alors merci beaucoup de cette réponse, et bon courage pour continuer à lâcher prise !
Et belle idée de montrer les écritures de ceux qui n’ont jamais fait de graphisme !

Dans le passé/ailleurs/ le monde regorge en effet d’exemples d’enfants ayant passer leur enfance en jouant et qui sont des adultes heureux et épanouis…D’un côté on freine les apprentissages des enfants en demande de lecture à 4 ans, et d’un autre, on tient fermement à ce que les enfants fassent des exercices prévus par l’adulte et ne jouent pas trop librement ! Tellement dommage tout cela…Mais encore merci pour cette réponse et ce partage qui me réchauffe en cette soirée pluvieuse !


#4

Merci @Helene35 !!! J’étais en train de chercher comment scinder les messages et ne trouvais pas !
Le titre me va et ainsi on pourra alimenter le sujet sans scrupule !
Merci encore !


#5

Bonjour Papillon,

Ton sujet m’a interpelé car c’est une contradiction également dans ma classe et je le ressens complètement comme tel: je sais que les enfants en ont besoin, mais je ressens tellement le poids de l’obligation de performances (appelons le comme ça…) que je n’ose plus les laisser jouer!! J’ai dans ma classe 16 enfants de MS, pour eux à la limite, cela ne me pose pas trop de problème qu’ils jouent beaucoup (enfin à part le bruit!!), mais j’ai aussi 11 enfants de GS, et pour eux c’est compliqué; les maitresses de CP ont des attentes, les parents ont des attentes, l’education nationale a des attentes… et je suis censée aller dans ce sens là… Comme Marie, je manque trop de confiance (en moi et en les enfants hélas) pour défier tout ça et les laisser jouer, ou même ne pas leur imposer de graphisme, j’ai peur, le mot est lâché… Que se passerait il si je laissais mes élèves jouer au lieu de les inciter (obliger même des fois) à prendre une activité? Et même si je tentais l’expérience 1 mois pour voir, comment expliquer cela aux parents déjà paniqués à l’idée de ne pas avoir de traces écrites?? C’est bien compliqué, et je vais suivre ton sujet avec beaucoup d’intérêt! :slight_smile:


#6

Je n’ai pas toutes les réponses mais tes mots m’inspirent un mot : temps.
Se laisser le temps d’explorer, d’expérimenter (peut-être en se laissant un filet les premiers/mois, premières années en continuant d’imposer des ateliers dirigés pour ce qui vous semble fondamental/anxiogène (chez moi, c’était l’écriture avec les gs)
Laisser le temps aux enfants de prendre leurs marques.
Laisser le temps aux parents pour comprendre et faire confiance.

Courage!

Courage !


#7

Je repasserai plus tard, mais je voulais juste mentionner le livre de Peter Gray Libre pour apprendre qui illustre parfaitement ce sujet ! et qui pourra peut-être être utile pour discuter avec les collègues et les parents !


#8

Rappelons-nous que c’est au moment où l’enfant (comme l’adulte) ne fait rien que le cerveau prend le temps de faire le tri et de conserver ce qui est important …

Autrement dit, c’est lorsque l’enfant ne fait rien (ou qu’il choisit une activité qui ne mobilise pas, à priori, son cerveau) que les apprentissages se fixent.

A méditer :tools:


#9

Absolument !

Mais pour moi le temps de repos/d’assimilation est une chose, et le jeu libre en est une autre quand même !

En jouant librement avec d’autres enfants ( d’âge différents) à des jeux qu’ils inventent eux-mêmes, sans que l’adulte ne dirige quoique ce soit, l’enfant est pleinement dans l’apprentissage ! Apprendre à jouer ensemble, apprendre à inventer des règles, à les modifier, à les adapter, accepter un nouveau participant, trouver, fabriquer du matériel si besoin, tout cela représente pour moi les apprentissages fondamentaux !

Cela devrait être l’essentiel de la vie des enfants ( euh, et des adultes aussi ! si on continuait à jouer, à inventer des jeux, la vie serait peut-être plus enthousiasmante encore !) d’avoir ce temps pour jouer sans contraintes posées par les adultes !

Avant/ailleurs, c’était/c’est ainsi ! Les enfants jouent, jouent, jouent, et comme jouer c’est apprendre, ils apprennent en permanence !

Si un enfant ne semble pas ou peu intéressé par les ateliers individuels, je pense que le forcer à y aller peut être presque dangereux, car le côté “obligatoire” risque au contraire de le freiner encore plus. Les enfants sentent bien quand on est réticent à les laisser jouer librement et qu’on aimerait bien ( parce que cela nous rassure) qu’ils fassent quelque chose de plus “sérieux” et dont le résultat est visible rapidement ! Eux-mêmes risquent de finir par considérer que le “jeux libre” et le “travail” s’opposent, alors que réunir les deux permet une grande joie !

Je me dis qu’il y a certainement aussi des enfants qui appréhendent les ateliers pour telle ou telle raison (peur d’un objet/mauvaise expérience…?), d’autres qui sentent malgré tout les attentes des adultes et qui vont fuir de peur de ne pas les satisfaire, etc, et ceux là ont certainement besoin d’être accompagnés et de prendre leur temps avant de découvrir la joie de ces ateliers.
Mais d’autres ne se sentent peut-être absolument pas intéressés, et ont d’autres besoins, comme par exemple celui d’évoluer ( peut-être le temps de retrouver une confiance perdue) loin du regard et des attentes des adultes…Ceux là, les laisser jouer jusqu’à plus soif me semble important ! Si un enfant n’éprouve pas de la joie lorsqu’il fait quelque chose, cela n’a pas de sens ! C’est ce qui m’a frappé dans les vidéos de Céline, on voit des enfants joyeux !

Simplement accepter que certains vont trouver de la joie en entrant dans la lecture, ou l’écriture, et que d’autres vont la trouver dans les jeux collectifs, les constructions en légo,…
“Simplement” c’est ironique…Il n’y a rien de plus compliqué que de lâcher prise, surtout quand on est si loin du discours ambiant !

Plein de courage !!!


#10

bonjour ! je n’ai pas tout lu mais j’ai un soucis avec ce thème ! …J’ai vraiment l’impression que mes GS (certains garçon surtout), ne font que jouer aux constructions libre ou “magnético” …Ils s’y mettent à trois/quatre, parfois à deux, et j’ai l’impression qu’ils ne font que ça de toute la journée…du coup, on a quand même la “pression” du CP l’an prochain…bref difficile de savoir quoi faire !


#11

C’est triste de voir que la plupart de nos interrogations ( les miennes y compris hein !) viennent non seulement d’une peur ( donc gros travail à faire sur soit pour que la peur diminue) mais aussi des normes/habitudes de l’école qui ne sont absolument pas fondées scientifiquement !

Pour apaiser les peurs personnelles, pensez à tous ces enfants qui apprennent à lire, à écrire, à compter dans la joie et sans aucun apprentissage formel ! Les légos sont une sources formidables d’apprentissages ( travail sur l’équilibre, sur la symétrie, les couleurs, les alternances de couleurs etc) par exemple ! Donc, oui, oui, oui ces enfants qui jouent sont en train d’apprendre !

En ce qui concerne l’entrée en CP, c’est bien là le vrai souci à mon sens…Mais si vous pouvez préserver leur liberté autant que possible, leur donner le temps et la chance de faire des jeux libres autant qu’ils en ont besoin, c’est déjà cela de pris ! C’est tellement dommage d’anticiper au lieu de profiter du moment présent !
N’est-il pas plus important qu’ils continuent leur vie avec une quantité “moindre” de savoirs/compétences au programme ( du moins en apparence), mais qu’ils aient acquis pendant ces années de maternelle à prendre soin les uns des autres, à s’entraider, à coopérer, à apprivoiser leurs émotions, à avoir confiance en eux et en la vie ?

Et puis ce sont des éponges, s’ils sentent qu’ils ne vont pas dans le sens que l’adulte voudraient en choisissant les jeux libres, ils vont aussi sentir une certaine attente, une pression quant à leur participation aux ateliers…et cela peut les freiner aussi !

Bref, confiance, confiance, confiance, et courage, courage, courage !!!


#12

oui c’est très compliqué ! Ma binome me dit “il faut que les les fasse travailler sur l’écriture!!!” Les MS ne savent pas bien écrire les lettres de leur prénom…Un GS écrit son prénom de Droite à Gauche et fait le z à l’envers…Et puis mon Atsem trouvent qu’ils sont trop libres et les collègues que l’année prochaine ils seront en retard pour la lecture…ils n’ont tellement pas le même niveau que c’est hyper délicat ! Mais j’ai été contente d’apprendre par une amie (dont la fille est dans ma classe) me dire : “c’est la première rentrée où elle me raconte absolument tout ce qu’elle a fait dans les détails ! et j’ai eu l’impression qu’elle avait fait plein de choses !! et pour elle ça avait l’air d’être merveilleux comme les cadeaux de noël sous le sapin!”


#13

Pour voir le positif : les limites du cadre EN sont tellement mises en évidence que l’on peut espérer que les choses vont bouger…
La joie des enfants et les retours positifs des parents sont le meilleur indicateur ! Tu as la preuve que tu es sur le bon chemin ! Confiance…

Cela doit être si difficile de travailler avec la peur de l’inspection, des collègues qui ne regardent pas dans la même direction, l’attente de résultat…Quel courage ! :o)
Et c’est pareil pour les enfants…comment apprendre dans la joie lorsque l’on se sent jugé, attendus au tournant et que l’on a une petite boule dans le ventre…


#14

Merci papillon ! Oui c’est compliqué en effet ! Mais très formateur ! J’espère que cette nouvelle visite (ce mardi) me confortera dans mes avancées ! Je sais que les prochaines années je serais plus “tranquille”, mais en même temps je ne suis pas sûre d’avoir une classe de maternelle ! Donc bon…! En attendant pour avoir une ambiance sereine, je pense que je vais proposer les jeux de constructions libres à des moments spécifiques…parce-qu’ils sont quand même bruyant et du coup je peu difficilement rester sur les présentations individuelles.


#15

Pour ta visite, ne t’inquiète pas trop : normalement, la conseillère est là pour … conseiller !
Donc tu peux lui parler de tes expériences et elle est sensée être attentive (et devrais être sensible) au fait que tu te questionnes beaucoup dans l’intérêt de tes élèves.
Au besoin, glisse dans la conversation que tu discutes avec nous … ça fera de la pub, et ça montrera l’engagement que tu montres :wink:


#16

Piou c’est un peu l’angoisse :confused: cette après-midi ils étaient très excités…j’ai eu beaucoup de mal, peu de présentations ou à la “va-vite”…ils étaient très bruyants, se rapprochaient de tel ou tel camarade pour discuter et n’étaient pas du tout concentrés sur leur activité…je suis complètement déstabilisée…je ne vois pas comment faire toutes les lettres rugueuses individuellement avec chaque grands (16) sans que ce soit le bazar autour…


#17

Ce n’est pas le mieux et j’en suis consciente, mais j’ai choisi de présenter les lettres rugueuses en regroupement (grands et moyens du coup). Je présente un ou 2 sons par semaine, avec des petits jeux et le geste correspondant de la méthode Borel Maisonny. Les enfants aiment beaucoup, et ensuite ils sont libres de reprendre les lettres rugueuses tout seuls, mais ils le font très très rarement pour le moment… Je me dis qu’ainsi, si je peux faire en plus des présentations individuelles, tant mieux, sinon, ils en connaitront au moins quelques unes… Faire des présentations individuelles dans le bazar ambiant, ce n’est pas possible. J’ai moi aussi parfois le problème (pas aujourd’hui, ça a été à peu près ouf!) et j’aimerais trouver une solution car ces jours là je n’avance pas d’un poil, dans rien! Courage Adelyne, demain est un autre jour!


#18

Merci @stephanies ! :’( ce soir j’ai le moral à zéro…j’ai vraiment eu l’impression de ne pas avancer et d’aller dans le mur…même en grand regroupement (je n’ai que moyens-grands donc 25) impossible de se faire entendre :confused: même l’album du jour ils n’en ont pas écouté la moitié!


#19

Il y a des jours “avec”, et des jours “sans” … c’est comme ça !
Les enfants perçoivent parfois les choses mieux que nous … c’était pas la pleine lune, peut-être qu’ils te couvent une petite épidémie dans les prochains jours ?

Aller, passe l’éponge, demain sera un autre jour :wink:

Je t’envoie plein de bonnes ondes, ça peut toujours servir !

:kiss:


#20

Il y a des jours comme ça… Et puis ça passe… Ca arrive même en pédagogie classique et ça donne alors des journées épouvantables! Imagine un peu tes 25 survoltés collés sur leur chaise à devoir faire leur travail en atelier!!:scream:

:rose: