Bonjour à tous,
Anne-Sophie, c’est aussi une des questions qui me traverse souvent l’esprit en ce moment, et je me demandais justement comment les écoles démocratiques (encore plus celles qui sont à Paris où la nature n’est pas assez présente…) géraient la question des écrans !
Je dois avouer que l’accès libre aux écrans ( je vais enlever la télévision, je pense que là, il y a assez de preuves de la nocivité des programmes donc quand je parlerais des écrans ce sera sans compter sur cette bête là !), que j’ai aperçue dans les écoles Sudbury( et qui est, soit dit en passant, merveilleusement bien défendue par Peter Gray dans Libre d’apprendre) mais aussi dans des familles m’a beaucoup questionnée, moi qui était convaincue que moins les enfants avaient accès aux écrans, mieux ils se portaient !
En ce qui concerne les plus jeunes, je reste sur mes positions, mettre un enfant devant un écran avant au moins 3 ans me semble criminel ! J’ai même envie de dire avant 6/8/10 ans en fait…Pour voir grandir des enfants avec 0 écran ( uniquement des films projetés au mur ), je suis convaincue qu’ils n’en ont pas besoin, et même qu’ils sont mieux sans ( à condition qu’ils puissent librement jouer, notamment dehors, sans que les adultes n’interviennent).
Mais…On vit dans un monde où ces écrans sont partout. L’interdiction, la limitation imposée par l’adulte ne fait pas toujours sens et est souvent source de conflits incroyables. Dans une famille où les parents utilisent peu les écrans, poser des règles pour que les enfants fassent de même ( et donc les appliquer aussi soi-même) me semble un bon compromis, mais quand les parents travaillent sur un ordi/sont accrochés à leurs portables ( les parents, ou les grands frères et sœurs), il me semble assez étrange d’interdire ou de restreindre. Pour moi, une règle doit être applicable par tous…Protéger avant 3 ans ( et même un peu plus…?) me semble relever des questions vitales, non négociables. De l’ordre de “comme on ne jette pas dans l’eau un enfant qui ne sait pas nager, on ne met pas devant un écran un bébé qui ne sait pas gérer l’arrivée massive de ces images et sons”. Mais lorsque l’enfant grandit, qu’il voit des écrans de plus en plus souvent, un peu partout, cela se complique.
Certains considèrent que les écrans sont un outil comme un autre et que les enfants ont besoin d’y avoir accès. J’ai un peu de mal à me dire cela, personnellement, mais j’y travaille. Je me demande tout de même si ce n’est pas justement la projection de mes propres peurs. Peur que l’enfant passe ses journées à faire des trucs que je vais juger " débiles" sur son ordi, peur que l’enfant devienne addict, peur que l’enfant ne fasse plus rien d’autre, peur qu’il s’abîme les yeux, peur qu’il s’abîme le cerveau. Donc, encore une fois…un manque de confiance envers l’enfant…
Je pense que ces peurs sont légitimes, certes, mais cela reste mes peurs, ou nos peurs d’adultes. Il me semble ( même si je suis la première à vraiment voir les écrans comme un danger), qu’accuser ces écrans de tous les maux reste un peu “facile”.
Libre à chacun de choisir de vivre avec le minimum d’écran, voire pas du tout, ou de les considérer comme n’importe quel autre outil et les intégrer à sa vie comme des outils ( on est donc bien loin de l’idée de passer sa journée avachie devant sa télé ou de vivre une vie virtuelle en oubliant de vivre la sienne, on est d’accord, hein ?).
Quand je vois ces enfants de l’école Sudbury, ou ces enfants en unschooling, qui équilibrent naturellement leurs activités en passant certes du temps devant des écrans mais aussi, et même beaucoup plus, à sauter sur les rochers, à courir dans le parc, à jouer avec d’autres enfants, je me dis que le vrai souci est ailleurs.
Qu’est-ce que les enfants vont chercher dans les écrans, et notamment dans les jeux vidéos ? Ils vont chercher ce qu’on ne peut pas ou plus leur donner dans leur environnement quotidien ! Les enfants passent tellement peu de temps dehors et tellement peu de temps sans la surveillance d’un adulte que les jeux vidéos sont bien souvent leurs seules sources de liberté. Et puis, là c’est eux qui sont maîtres de leurs choix, et via les réseaux, ils apprennent à interagir avec des personnes de tous les âges, apprennent les codes et ont en plus l’occasion de grimper d’un niveau à un autre à leur rythme, de trouver de la nourriture intellectuelle enfin digne de ce qu’ils sont. Mon frère passe le bac, tout son vocabulaire d’anglais vient d’un de ces jeux : il a eu besoin de parler anglais pour jouer avec des joueurs d’autres pays, et pour comprendre des règles… C’est un exemple parmi d’autres…
Je me dis que le discours “anti écran” peut être gênant si on s’arrête juste à la remise en cause du temps passé sur les écran, sans se demander comment et pourquoi les enfants s’y réfugient. Car, dans tous les cas de dérive, il s’agit bien d’un refuge, et donc la preuve d’un mal-être…
Quand je vois que les enfants libres d’apprendre, et bien dans leurs baskets ont d’eux-même un usage raisonné et constructif des ordis sans avoir à obéir aux restrictions imposées par l’adulte, je me dis que c’est parce qu’ils savent les utiliser au même titre qu’un autre outil. Certains vont certes y passer un temps que je vais juger fou, mais ce sera pour monter un film, créer un logiciel, échanger avec des personnes du monde entier…Alors, certes, personnellement j’aime vraiment beaucoup mieux voir les enfants jouer et courir dehors ( faut-il encore qu’on les laisse faire !), mais je me dis que c’est peut-être un blocage de ma part, et qu’il faut que je travaille sur la question…
Pour en revenir à l’école Sudbury de Paris, @AnneSophie , je me posais la question de la gestion de ces écrans d’autant plus que…les enfants ne peuvent pas vraiment sortir de l’école et aller jouer dans un grand parc comme c’est le cas à Sudbury Valley, non ?
Et comment faire pour protéger les plus petits tout en laissant un accès libre aux grands/ados ?
Si les écoles publiques évoluent sur le chemin des lois naturelles, les enfants d’âges vraiment différents vont se retrouver ensemble…et la question va se poser aussi…
Est-ce qu’il faut continuer à penser à une maternelle séparée, où les écrans seraient totalement bannis ( ce qui ne veut pas forcément dire renoncer à tous les échanges, simplement garder un espace réservés aux plus jeunes) ? Est-ce que l’on peut vraiment penser une école sans écran ( toujours avec cette idée d’inter-génération, le terme d’école regroupant le collige et le lycée) ?
Est-ce qu’il ne serait pas totalement arbitraire de décider d’un âge officiel pour y avoir accès ? Est-ce que ce serait une bonne idée ou est-ce que cela ferait naître une sorte d’envie folle en réponse à cet interdit qui des qu’il serait levé entraînerait une forme d’excès ?
Le découpage actuel fait que l’on pourrait bien éviter tout écran en maternelle et primaire, et l’introduire au collège et lycée, en invitant les familles à faire de même. Mais si on se dirige vers une école aussi libre que celle de Sudbury ( ce que j’espère fort !), ce sera une question épineuse et intéressante il me semble…
J’ai envie de penser que si on s’occupait déjà de rendre l’environnement dans lequel les enfants évoluent beaucoup plus riche et beaucoup plus libre, les écrans trouveraient naturellement leur place d’outils ponctuels et n’auraient peut-être plus besoin d’être diabolisés…?
Le message ambiant est souvent " limitez les écrans", alors que l’on pourrait aussi être plus positifs et dire " emmenez vos enfants en forêt ! laissez-les grimper, laissez-les jouer librement !". Et faire en sorte que cela soit possible…
Peut-être qu’il y a deux niveau dans la réflexion à avoir aussi. Celui qui serait celui de l’urgence face au constat que vous êtes sûrement nombreux à faire ici : beaucoup trop d’enfants passent beaucoup trop de temps devant un écran ( et là, je réintroduis la pire des bêtes, la télé !), comment faire passer le message ? Et celui qui serait celui de l’avenir et ou des alternatives : dans une école révolutionnée, avec des enfants plus libres, comment gérer la question des écrans ?
Bon, c’est un pavé que j’ai écris là. Cette question des écrans me turlupine. Je sens que je suis vraiment partagée entre une envie de crier " stop les écrans !" et une envie de faire tomber ce qui me semble être une de mes résistances, ou simplement faire en sorte de ne pas avoir un positionnement trop tranché et fermé…
J’espère que vous apporterez de l’eau au moulin !