Capter et stocker l’énergie
Les enfants débordent d’énergie. Ils bougent en tout sens. Et pétillent d’intelligence. Mais comment guider toute cette énergie à l’école pour en faire un lieu où se construisent et s’échangent les savoirs ? Les savoirs être, savoirs faire, les connaissances. Comment canaliser ce formidable flot d’énergie sans le tarir ?
Comment travailler et apprendre dans une agitation et un bruit permanent ? Le chahut disperse l’attention des enfants, ils zappent d’une activité à l’autre sans fixer leur attention. Ils sont sans cesse sous la menace d’un évènement qui vient perturber leur activité, déranger leur tranquillité. Le bruit ambiant fait parler tout le monde encore plus fort.
Inversement, comment travailler et apprendre dans une classe tombeau, dans un silence de plomb, sous la férule du maître ou de la maîtresse qui fait régner l’ordre dans sa classe par la terreur. Rien ne s’échange entre élèves. La seule motivation est de ne pas se faire gronder. Certain réussissent à passer inaperçus. D’autres entrent en résistance dans la provocation. Et c’est le cercle vicieux …
Il me faut trouver une troisième voie, qu’un observateur dans ma classe pourrait qualifier de joyeux bordel organisé ! Par contrat, les enfants se sentent libres dans la classe car ils savent leurs droits et leurs devoirs. Ils sont en confiance car ils savent que personne ne pourra venir les déranger, perturber l’activité en cours. Les adultes en sont garants. L’équilibre est fragile, il me faut souvent détourner l’attention d’un chahut en rusant par l’humour, la surprise, la tendresse, la mise en scène, la chanson … et parfois la colère quand je suis trop fatigué pour trouver autre chose de plus efficace ! Heureusement, autant les petits se dispersent vite dans le petit chahut, autant il est facile de retourner leur attention vers l’activité. Sauf quand eux aussi sont fatigués. Dans ce cas, je n’insiste pas, ils passent à autre chose, vont courir, s’allonger, bouquiner …
Les adultes sont toutefois souvent les premiers responsables d’une mauvaise ambiance de classe. On parle souvent trop fort, ou trop longtemps. Ou on s’obstine dans une activité préparée sans sentir que ce n’est simplement pas le bon moment. On donne le mauvais exemple en interpellant un élève à l’autre bout de la classe, en se déplaçant trop vite, en ne prenant pas assez le temps de se poser, en ne prenant pas assez à coeur ce que l’on fait. Par mimétisme, les élèves reproduisent tous nos travers. L’équilibre d’une classe est délicat, soumis aux aléas de la météo et des signes astraux, que sais-je ! Mais commençons par nous comporter comme on aimerais que nos élèves se comportent, et le reste suivra peut-être …
Quelques attitudes auxquelles je m’astreins, en me forçant parfois car ce n’est pas naturel au début.
- Chuchoter pour parler à un élève ou un groupe proche.
- Poser la main sur l’épaule d’un élève et attendre sa disponibilité pour lui parler.
- Utiliser des formules de politesse même si cela prend plus de temps.
- Attendre l’attention de tous pour prendre la parole, (lever la main) .
- Accepter qu’un élève me dise non si je lui en ai laissé le choix.
- Laisser un élève s’installer comme il le souhaite dans la mesure où il est attentif et ne dérange pas.
- Accepter qu’un élève prenne le temps de finir ce qu’il est occupé à faire.
- Communiquer également par gestes (langue des signes)
- Donner la parole à chaque élève qui la demande et prendre le temps d’écouter.
- Ne pas forcément valider ou donner mon avis.
- M’excuser et expliquer clairement quand je dois déroger à ces “règles”.
La circulation du savoir entre élèves est également primordiale. Par leur attitude, les grands vont fortement influencer les petits qui arrivent. Ces derniers sont très observateurs et vont chercher à reproduire tout ce qu’ils voient. Ainsi vont se transmettre naturellement toutes les bonnes habitudes que l’on aura réussi à mettre en place dans sa classe. Mais également malheureusement toutes les bêtises ! Le mélange des ages et des niveaux est importantes pour cette transmission. Les savoirs vont passer entre les élèves.
Je ne passe pas mon temps à faire des présentations à tous par exemple. Je compte souvent sur les élèves déjà initiés pour montrer une activité nouvelle à ceux qui ne la connaissent pas. La photo des élèves référents est collées sur l’activité, les élèves qui le souhaitent savent qu’ils peuvent leur demander de l’aide. J’assiste cependant quand je le peux à ces moments de tutorat, ne serait-ce que pour vérifier qu’ils transmettent les consignes correctement, avec les mots précis, et assister les élèves tuteur dans cette compétence experte d’enseignement. Je valide d’ailleurs cette expertise par une cinquième étoile dans mes fiches de réussite (voir le sujet “Accompagnement des élèves”). En maternelle j’avoue cependant, la transmission orale des savoirs n’est pas facile entre enfants. J’entends rarement des élèves capables d’expliquer correctement une consigne à un autre élève spontanément en toute autonomie, ça demande une grande compétence, mais j’y travaille ! Et quand cela arrive, ce sont des purs moments de bonheur, si gratifiant. La transmission s’effectue de fait souvent de façon plus implicite, par simple observation et mimétisme, c’est déjà ça !