Bonsoir @Matluz,
Je manque de temps pour lire le bel échange qui a suivi votre message, j’espère donc que ma réponse ne sera pas redondante avec celles qui m’ont précédée. Si c’est le cas, je vous prie de m’en excuser !
Je réponds en partie à cette question dans le montage à venir des trois journées de juillet.
J’explique tout d’abord, et rappelle constamment, que les activités didactiques que nous avons proposées passionnent les enfants lorsque celles-ci sont présentées à un plus jeune âge. Je ne suis donc pas étonnée de lire votre message.
J’explique par ailleurs que l’environnement tel que nous l’avons proposé est très limité. Cela est vrai pour tous, mais particulièrement pour les plus grands, qui, dès 4 ans 1/2 - 5 ans, se passionnent moins pour les “petites activités en salle” et ont plus spécifiquement envie de :
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Contact avec la nature, pour prendre notamment des risques physiques libres et mesurés ;
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De jeux libres à plusieurs ;
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De grands jeux de constructions libres ou semi-dirigés ;
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D’un contact avec des enfants encore plus jeunes et des enfants encore plus âgés pour exercer leur sens social en plein développement ;
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D’activités “dans le monde” qui fassent sens socialement et culturellement (constructions réelles de cabanes pour animaux, entretiens d’un potager, récoltes, confections de vêtements, préparation du déjeuner…), etc.
J’invite donc toujours à ne pas se limiter aux activités didactiques. Ce serait, à mon sens, une grande erreur. N’oublions jamais que dans les travaux du Dr Montessori (ce qui a disparu de la dite pédagogie Montessori) les enfants n’étaient pas dans des écoles - encore moins dans une seule et même salle de classe - mais dans des maisons, avec un accès libre à la nature ainsi qu’à des salles attenantes (cuisine, salle de jeux, de repos, de musique, etc.)
Les enfants s’occupaient de potagers, ils faisaient la cuisine pour leurs camarades, ils soignaient les animaux.
Et la plupart du temps, ils étaient constamment en contact avec des enfants d’âges supérieurs travaillant dans des salles attenantes aux cloisons mobiles !
Ces lieux étaient ouverts, vivants, dynamiques ! Aujourd’hui, nous utilisons le strict matériel dans une seule et même pièce et nous nous étonnons que les enfants s’ennuient et tournent en rond. Nous pensons alors : “Rah… L’autonomie, ce matériel, cela ne fonctionne peut-être pas.”
Et en effet, cela ne fonctionne pas. Cela ne peut tout simplement pas fonctionner de manière durable. Il faut faire entrer la vie, le challenge, la complexité, ouvrir les classes, recréer du lien avec l’environnement extérieur - chacun avec les possibilités qui lui sont offertes bien évidemment, mais il est important de tendre vers cela et de savoir qu’un environnement clôt, refermé sur lui-même, même avec un excellent matériel didactique et un mélange des âges n’est pas suffisant pour l’intelligence humaine en plein épanouissement.
Ainsi, si les grands “tournent en rond” dans nos classes - les petits aussi y viendront aussi au bout d’un certain temps - ce n’est pas parce que vous faites quelque chose de mal ou qu’une telle démarche n’est pas adaptée : c’est parce que l’environnement limite actuellement notre démarche.
Malheureusement, vous ne pouvez pas d’un coup décréter seul(e) que vous allez mettre des poules et un potager dans la cour, casser le béton au sol et y mettre de la terre, ouvrir une salle de jeux libres attenante à votre classe, ainsi qu’une salle de musique ou une salle d’arts plastiques, ou encore une salle de cuisine en accès libre aux enfants. J’ai rencontré des mairies qui commencent à réfléchir à cela, et c’est une excellente nouvelle. Mais en attendant, il nous faut composer avec les contraintes du terrain (l’équipe éducative y compris !)
Ne tombons donc surtout pas dans le piège de la Pédagogie dite “Montessori” qui a aplati, figé et réduit les travaux et les propositions du médecin du même nom, en focalisant l’attention de l’adulte principalement sur la présentation du matériel didactique. Montessori regrettait déjà amèrement cela de son vivant. Je vous invite à relire un article que nous avions rédigé qui évoque l’importance qu’accordait cette dame à un environnement ouvert, évolutif, et non figé.
Nous encourageons chacun, vous l’aurez compris, à aller dans ce sens et à enrichir ses pratiques de classes de tout apport qui pourrait nourrir et satisfaire les jeunes êtres humains en plein développement.
Au sein de la classe de Gennevilliers, nous avons également vécu ce que vous décrivez. Les contraintes environnementales institutionnelles ont été un frein considérable. C’est pourquoi j’invite toujours à prendre notre travail comme un point de départ et certainement pas comme un point d’arrivée. Dès le mois de décembre de Grande section (parfois avant), la plupart des grands savaient lire, faire des opérations à quatre chiffres ou énoncer les pays d’un Continent, mais certains pouvaient aussi s’ennuyer : il manquait tous les paramètres environnementaux que je viens d’évoquer. Pour pallier un peu à cela, nous les encouragions à s’occuper des petits, cela leur plaisait, jusqu’à un certain point bien évidemment. Nous les encouragions en parallèle à réaliser des projets individuels qui les passionnaient en faisant entrer de nouveaux matériels/activités dans la classe.
Lorsque vos grands n’ont pas eu accès au matériel didactique que nous avons présenté à un plus jeune âge, il s’agira pour vous de trouver des manières créatives pour attirer leur attention et leur transmettre les connaissances fondamentales exigées par les programmes (avec ce matériel ou un autre !) tout en veillant à tendre progressivement vers un environnement plus “ouvert”.
J’espère que mon commentaire vous aidera dans votre réflexion !