Pour revenir à la classe, je ne prétends pas non plus que ce soit idyllique, ces valeurs ne sont pas évidentes tous les jours. C’est la méthode Coué, je tente de me persuader. Mais je garde le cap, je ne désespère pas. Certains jours la fatigue des élèves se fait sentir. D’autres jours je ne me sens pas à la hauteur de mes ambitions.
Toutefois, ces réflexion m’ont permis en un an de modifier concrètement et dans la durée certaines de mes pratiques de classe. Voici quelques exemples dont je suis satisfait. A chacun de trouver ce qui lui convient, je ne prétends pas détenir de vérité. Et c’est en constante évolution, en fonction du contexte et des enfants. Sachant que je suis en zone rurale préservée, que je bénéficie enfin depuis deux ans d’effectifs confortables, et que j’ai la chance cette année d’emménager dans de nouveaux locaux spacieux. Rien à voir avec ce que vivent d’autres collègues.
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La conduite des ateliers.
Je pense avoir trouvé un juste milieu entre les activités libres autonomes mais trop limités et répétitives, et la conduite d’ateliers dirigés tournant imposés et directifs. La plupart du temps, je me pose en atelier avec un groupe d’enfants volontaires, dont certains que j’ai invité à me rejoindre pour travailler une compétence qu’ils ont besoin de revoir, et d’autres élèves perturbateurs à qui je ne laisse pas le choix que de s’asseoir avec nous. Je dois juste réussir à limiter le nombre, car de nombreux curieux sont là aussi qui souhaitent regarder, puis veulent essayer, et je n’ai pas toujours le cœur à le leur refuser, mais il le faudrait sinon c’est ingérable.
Je garde cependant régulièrement en fin de matinée un temps d’ateliers par groupes d’ages (j’ai trois groupes de couleurs de 7 à 8 enfants chacun). Ce petit temps est souvent remplacé par des lectures d’histoires, un regroupement, un temps collectif dans la salle de motricité ou en extérieur. Mais, quand il a lieu, cela me permet de bien communiquer à tout un groupe d’age les consignes une activité nouvelle, de faire avec eux, de vérifier que tout le monde a bien compris et essayé. Ces activités présentées en atelier aux élèves d’un groupe couleur seront généralement proposée en activités libres par la suite, afin que ces derniers puissent recommencer et réinvestir, et que les élèves des autres groupes couleur puissent faire l’activité s’ils le souhaitent, en demandant si besoin à ceux qui savent de le leur présenter.
L’emploi du temps
Voila enfin un terme que j’ai banni de mes préparations. Fini les petites cases à remplir jour après jour. Fini les activités que l’on s’impose, les contraintes de temps qui nous font stresser et presser les élèves dans leurs activités, les prises de paroles intempestives qui marquent la fin d’une séance. Les seules contraintes de temps que je me donne sont les heures d’entrées et de sorties de classe, car il faut bien les rendre aux parents à un moment donné !, et les heures d’occupation de la cour de récréation. Et encore, je laisse souvent passer la récréation de l’après-midi, car quand les enfants sortent de la sieste, c’est un bon moment de travail tranquille, et ce n’est pas toujours judicieux de les couper par une récréation à 15h. Sinon je ne m’impose aucune contrainte d’horaire ; je fais en fonction de l’ambiance de la classe, de la fatigue des enfants, du temps qu’il fait et du temps qu’il nous reste.
En revanche, j’ai toujours quelques séances et activités préparées sous le coude, prêtes à être proposées quand je sens que c’est le bon moment. Souvent même, c’est à l’initiative d’un élève qui a repéré le matériel que j’ai préparé sur l’étagère et qui me demande de le lui présenter. Certaines activités tardent car je ne trouve pas le moment idéal, ça fait deux semaines que l’on a écossé des haricot et que j’attends de les semer avec les élèves Semer des graines de haricots.pdf En revanche, j’ai sauté sur l’occasion du temps estival de la semaine pour sortir mes activités avec l’eau que j’avais prévu bien plus tard Manipulation eau encre.pdf ; aussi car je sentais les enfants prêts à maîtriser leur posture et leurs gestes des deux mains sur des empilements, ils se sont entraîné depuis la rentrée sur des empilements de tours Tour cylindres .pdf.
Le suivi des élèves
J’ai consacré un sujet sur ce thème, que j’ai intitulé “Accompagnement des élèves”, dans lequel je publie de nombreuses fiches de suivi et comment je les utilise. Je veux parler ici de comment j’ai fait évoluer ma pratique dans ce domaine, en lâchant prise. Je me suis longtemps tenu à un suivi systématique de chaque élève, de ses compétences, des activités qu’il maîtrisait. J’ai usé de diverses astuces : de temps d’observation systématiques, avec de grilles d’observation à cocher, d’un cahier de prise de notes, de photos des élèves en activités, les photos des élèves collés sur le matériel qui leur avait été présenté, de carnet de fiches de suivi reliées que les enfants gardaient avec eux pour travailler, de grands cahiers du jour que les enfants devaient ouvrir pour choisir une activité à reprendre, d’étiquettes couleur, d’étiquettes déplaçables, d’étagères de diverses hauteurs en fonction de l’âge …
Avec le temps je lâche prise et je me contente d’essayer de prendre le temps de compléter régulièrement des fiches de suivi des activités que j’ai présenté aux élèves. Quand c’est collectif, je colle dans tous les cahiers du jour, et j’évalue après coup pour ceux que j’aurais pu observer, si j’arrive à m’en souvenir. Pour les présentations individuelles, il faut que je sorte la fiche appropriée qui est prête sur mon bureau et que je la complète pour l’élève concerné. Généralement je ne prend pas le temps de le faire au moment de la présentation. Sauf si je ne sais plus où j’en suis avec cet élève, dans ce cas je prends le temps de feuilleter son grand cahier de vie pour voir si j’ai déjà complété cette fiche et à quel niveau de consigne il en est.
Mais je ne vais par me mentir, la plupart du temps, je le fais après coup en fin de demie-journée (ou à la récré) pour les quelques observations d’élèves qui m’ont marqué et dont je me souviens. Le reste passe à la trappe. J’ai fais mon deuil de tout noter par écrit. Ces fiches de suivi sont un témoignage écrit non exhaustif dans le cahier de vie, un support de communication avec les parents, et un support de langage pour que les enfants racontent leur journée.
Le plus important est de repérer les élèves en difficulté, et d’y consacrer du temps, ne pas les lâcher. Ne pas se faire dépasser par les multiples sollicitations d’élèves demandeurs ou chahuteurs. Se laisser la liberté de choisir les élèves et les activités que l’on souhaite présenter. Faire des fiches de suivi en priorité pour ces élèves en besoin. Les autres, c’est un luxe que l’on ne peux pas toujours se permettre, ou juste de temps en temps pour donner un aperçu de leur travail en classe.
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Voici quelques exemples de lâchages dans mes pratiques de classe qui me permettent de prendre du recul, me donnent du temps à consacrer aux élèves qui en ont besoin, me font plus souvent finir mes journées plus serein et moins vanné, et m’autorisent à avoir une vie en dehors de l’école !
Cette évolution est constante dans notre métier ; de notre formation à la retraite nous faisons tous énormément évoluer nos pratiques pédagogiques. Je vais donc continuer à évoluer.
La lecture du livre de Céline Alvarez (merci à toi @Celine ) m’a fait passer un grand cap, à un moment où j’en avais besoin car je faisais ma rentrée avec 37 élèves de maternelle, toutes sections confondues. Depuis plus de deux ans que je suis revenu à des effectifs normaux d’une vingtaine d’élèves, mes réflexions en permaculture humaines m’ont permis d’affiner ma pratique, de la personnaliser dans un sens qui me convient bien (et qui ne conviendra pas forcément à d’autres).
Voici pourquoi je partage cette expérience sur ce forum. Merci à vous tous et toutes qui prenez le temps de me lire ; et merci à tous ceux qui postent également leurs expériences, qui sont toutes très enrichissantes.